Entre Terre et Mer (Terminé - premier jet)

Chapitre 50 - Emprisonné

Axelle

Je m'avance dans le boyau tout d'abord en nageant, puis mes pieds frôlent une surface dure et ma tête crève la surface. J'ai pied et je peux marcher. Mes chaussures font un bruit de succion à chacun de mes pas. Il fait très sombre et je plaque ma main sur la paroi rocheuse pour poursuivre mon chemin.

Avance jusqu'au bout du tunnel. Tu arriveras dans une caverne. Quelqu'un t'attend, sont les derniers mots que cet inconnu a prononcés alors que je pénétrai dans l'obscurité. Je me souviens uniquement des mots, mais ni de sa voix ni de son visage. Je les ai répétés encore et encore pour ne pas oublier cette étrange mission.

Ma main finit par ne plus percevoir le mur qui s'éloigne pour former une pièce immense, haute de plafond, et qui semble être éclairée de l'intérieur, faiblement. J'observe cette caverne lorsque j'entends une voix qui murmure mon prénom. Ma tête se tourne dans cette direction et j'y trouve un garçon de mon âge, assis au sol, dos au mur, qui m'observe avec des yeux d'halluciné. Ses cheveux sont brun sombre et son regard semble tout aussi sombre. Sa peau est légèrement hâlée et il porte des vêtements légers. Son visage me semble étrangement familier, pourtant j'ai beau écumer ma mémoire, c'est le néant total. Une douleur sourde martèle mon crâne. Je m'approche de lui et il semble s'être figé. Une fois à un pas de lui, il semble reprendre pied dans la réalité et se lève précipitamment.

— Axelle... Comment ?

Il s'avance vers moi et me prend dans ses bras. Son odeur. Sa chaleur. Tout me semble familier. Je me dégage doucement et avant que je réponde il approche ses lèvres des miennes et je me recule brusquement.

Je perçois une lueur de douleur dans ses yeux alors qu'il annonce d'une voix blessée :

— Tu... Ne te souviens pas de moi...

Je secoue la tête et ce simple mouvement semble le dévaster plus encore que ce que je peux lui dire. Qui est-il ? Pourquoi est-il enfermé ici ? Mais cela s'ajoute à la montagne de questions que je n'ai pas voulu me poser lorsque j'ai pu nager ici sans avoir à reprendre mon souffle à la surface ou que mon corps n'a pas implosé sous la pression croissante de l'eau sur ma peau.

J'ai l'intime conviction de le connaître. Je le sens, mais mes souvenirs me font défaut. Et plus je m'efforce de chercher, plus la migraine s'intensifie. Pourquoi ? Qu'ai-je perdu ? Je le regarde et mon cœur s'emballe. Oui je le connais. Mais d'où ? Je le scrute et ses yeux se détournent des miens lorsqu'il prononce ces mots :

—Pars s'il te plaît.

Cela me blesse. Pour quelles raisons Soren, parce que c'est le nom de la personne qui est venue me chercher je m'en souviens, m'a-t-il conduite ici si c'est pour qu'une fois arrivée à destination, la personne me mette dehors ?

—Non, réponds-je. Je... Te connais...

Son visage et ses yeux reviennent vers moi, un mélange de douleur et d'espoir tourbillonnant dans des abysses bleus. Sa vue amplifie encore davantage la migraine, mais je ne détourne pas le regard, échauffant ma mémoire.

J'avance à nouveau d'un pas, pour être proche de lui. Ma main s'élève vers son visage, et mes doigts froids et gourds touchent sa peau. De petites épines traversent mes doigts. Cette sensation agréable me revient.

Une violente douleur me vrille le crâne, comme si mon cerveau était passé au mixeur, alors que je me souviens de son prénom. Mes jambes tremblent et des bras solides me maintiennent debout. Une question dans ce regard, de l'inquiétude et un espoir.

— Cole... murmuré-je.

Cet infime espoir qui brillait, une petite étincelle, s'embrase.

Je l'embrasse comme si j'étais désespérée. Comme si je n'avais pas pu le faire depuis une éternité. Ce vide que je ressentais : c'était son absence. Mes souvenirs. Nos souvenirs me reviennent par vagues. Je suis un bateau en perdition au cœur de la tempête tourbillonnante de ma mémoire fraîchement retrouvée.