Chapitre 51 - L'Exposition

70 3 0
                                    

Les jours qui suivent, je suis toujours en proie à la fatigue, pesant sur mes membres. Le moindre effort m'essouffle et je dors davantage, profitant de chaque moment creux pour me reposer. Je me rappelle le visage de Cole le jour où il m'a apporté son pendentif, les cernes creusant son visage comme s'il n'avait pas dormi plusieurs jours d'affilés, même s'il m'avait semblé avoir bien récupéré lorsque je l'avais revu quelques jours plus tard. J'ai les mêmes cernes sous les yeux, et une superbe amie qui me prête du maquillage pour en masquer temporairement les stigmates afin de ne pas inquiéter ma famille, même s'ils ont remarqué que je dormais énormément et qu'ils ne sont pas dupes : le maquillage estompe le noir qui orne mes yeux, il ne le fait pas disparaître.

Mais plus le temps passe et moins ce morceau de moi que j'ai laissé dans la grotte avec Cole me pèse. Sans doute parce que mon corps arrive à fonctionner sans, après un certain temps d'adaptation. J'aimerais retourner le voir, mais je ne peux malheureusement pas.

Je finis par appeler Anna pour que nous allions toutes les deux nous promener le long de la jetée et peut-être ajouter quelques clichés et œuvres à l'exposition que Pat prépare. Elle bondit littéralement de joie lorsque je l'appelle pour le lui proposer. Elle passe me rejoindre chez moi et j'ai à peine le temps de me préparer, avec la maladresse de la fatigue qui me pèse encore un peu, qu'elle est déjà là.

Sur le seuil de la porte elle me détaille et me propose de me maquiller parce que selon elle, je « ressemble à un panda ». Je soupire avant de l'entraîner dans ma chambre et elle a évidemment tout prévu, déballant quelques cosmétiques sur mon lit avant de m'appliquer un peu d'anticernes sur le visage et de me maquiller légèrement.

— Je te préfère au naturel, mais je ne veux pas que tu gâches mes photos avec ta mine fatiguée.

Elle s'arrête en cours de route, vérifiant son travail avant de poursuivre méticuleusement pour me donner une figure un peu plus « humaine ». Elle brise à nouveau le silence quelques minutes plus tard :

— Tu dors mal ?

— Je pense que c'est le stress des examens, soufflé-je en haussant les épaules.

Ce n'est qu'une demi-vérité, car certes les examens approchent, mais je me sens assez confiante pour les réussir, ayant déjà beaucoup révisé. Son regard brun habituellement chaleureux se fait perçant, mais elle ne dit rien. Elle termine de me maquiller et en faisant un détour par la salle de bain pour vérifier son travail, j'ai à nouveau un visage « humain ». Je récupère mon sac avec mon matériel et nous descendons toutes les deux pour sortir sous un soleil timide.

Nous marchons d'un bon pas et l'air de la mer, chargé de son parfum iodé, me revigore. Les embruns viennent caresser mon visage et je me sens à l'aise face à cette étendue infinie et la mélodie de l'eau qui caresse délicatement la grève. Le déclic de l'obturateur vient briser cet instant de calme et je me tourne vers Anna qui affiche un sourire victorieux tout en disant :

— Top !

Je lève les yeux au ciel tout en secouant la tête avant de lui tirer la langue et un autre clic se produit.

— Je te déteste, soupiré-je.

— Tu sais très bien que non !

Je continue à secouer la tête et me dirige vers l'un des nombreux bancs où personne n'est installé. La douceur de la journée faisant sortir quelques promeneurs dans les rues, profitant de l'océan.

J'ouvre mon sac pour en sortir mon matériel à dessin et j'entends Anna roder autour de moi, prenant une multitude de photographies. Beaucoup trop nombreuses de moi, et quelques-unes du paysage et des badauds. Je finis par faire abstraction de tous les bruits autour de moi, m'enfermant dans une bulle hermétique à tous les autres sons excepté la houle. La pointe de mon crayon esquisse les premiers traits et rapidement je sors la peinture aquarelle que j'ai apportée. Emporté par le cadre, le bruit des vagues ou l'odeur d'iode, je me laisse transporter par les couleurs et l'eau s'étend et s'étale sur le papier, prenant forme comme si elle était mue par une vie propre.

Entre Terre et Mer (Terminé - premier jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant