C'est le mois de juin et la chaleur revient doucement. Il est très tôt lorsque je retrouve Cole sur la plage. Le soleil chasse l'obscurité à l'horizon au-dessus de l'Océan. Le ciel se teinte de couleurs chaudes, un camaïeu d'orange. Les quelques nuages présents prennent des teintes violines, remplissant le ciel d'améthystes.
A la fin de l'été, je devrai reprendre le lycée. Je ne suis pas particulièrement emballée à cette idée, bien que j'aie rattrapé mon retard sur le programme. Mais cela me fera du bien de me retrouver avec des personnes de mon âge. Il faudra d'ailleurs que j'aille acheter quelques affaires scolaires. Perdue dans mes pensées, je n'entends pas la question de Cole qui me frôle l'épaule pour me sortir de ma rêverie et qui me fait sursauter. Cela le fait sourire et il ne s'offusque pas de mon manque d'attention.
— Est-ce que tu sais nager ? me questionne-t-il avec un air sérieux.
— Nager ? Dans l'eau ?
Cole rit et me rétorque :
— Bien sûr que non, sur la lune ! Oui dans l'eau.
— Et bien... Pas vraiment non... Pas du tout même... réponds-je un peu gênée. Je n'ai jamais appris. Là d'où je viens, il n'y avait pas de mer. Mais je sais faire du patin à glace ! C'est cool le patin à glace !
— Est-ce que tu veux apprendre ?
Je rougis violemment. Apprendre à nager ? Là, maintenant, tout de suite ? Rien qu'à l'idée de me mettre en maillot de bain, d'être à moitié dénudée et de porter un maillot de bain, je sens mon visage s'échauffer encore davantage.
— Ça te gêne à ce point ?
Je hoche vigoureusement la tête. Personne ne m'a jamais, au grand jamais, fait porter un maillot de bain. Bon il est vrai que je ne suis jamais allée à la piscine, préférant de très loin la solidité du plancher des vaches aux vagues houleuses. En même temps, je n'avais pas énormément d'argent donc prendre des cours de natation n'était pas accessible.
— Je... Je ne sais pas nager. Mais je peux essayer, concédai-je.
— Qu'est-ce que tu dis de commencer cette après-midi ?
— Bah c'est que... J'ai pas de maillot... murmuré-je tellement bas que je doute qu'il est entendu.
— Demain alors ? Cela te laisse le temps d'en trouver un.
Je hoche timidement la tête. Je me sens un peu idiote. Helena est à la maison aujourd'hui et je suis certaine qu'elle me conduirait volontiers pour acheter un maillot de bain.
*
L'après-midi même, je me retrouve au centre commercial avec Helena et Samuel, qui nous accompagne également car avec le retour du beau temps, nous pourrons tous profiter de la mer pendant l'été.
Devant les rayonnages, je ne sais pas quoi choisir. Il y a des dizaines de modèles différents, des coupes, des couleurs... Qui donnent le tournis. Il y a même des modèles qui découvrent beaucoup trop de chair à mon goût. Ils sont au courant que ce n'est pas de la lingerie ? Se mettre en valeur je veux bien, mais avec certains modèles, le terme de pudeur n'existe plus.
Je n'ai pas l'allure de tous ces mannequins maigrichonnes et plates. Je n'ai jamais aimé me mettre trop en valeur, ou découvrir quoique ce soit, mais c'était davantage pour masquer des choses, en y repensant. Je chasse cette pensée de ma tête. De plus, je porte toujours des brassières de sport : c'est confortable, pratique, pas d'armature ou de rembourrage... Non mais c'est quoi tous ces trucs ?
Atterrée, je pousse un soupir. J'ai préféré laisser Helena avec Samuel pour que je puisse choisir en paix, mais j'aurais très probablement besoin de son aide. Je prends la direction des « trucs » les plus basiques : les unes pièces feront l'affaire. Je ne vais pas faire un défilé sur la plage non plus.
Alors que je sélectionne des couleurs sobres (le noir c'est toujours une couleur tendance non ? En plus ça amincit c'est cool), Helena et Samuel me rejoignent.
— Tu ne vas pas à un enterrement ! C'est quoi tout ce noir ? Et puis, tu es tellement jolie tu devrais te mettre en valeur.
Je rougis violemment. Elle a parlé assez fort pour que les quelques personnes dans le rayon se retournent vers nous. Je n'ai pas l'habitude que l'on me fasse des compliments, bien au contraire. Les derniers compliments que j'avais reçus... N'y pense pas Axelle.
— C'est vrai que les autres trucs vont faire de moi de la chair à canon pour chiens en chaleur...
— Comment tu es ! Viens on va te trouver quelque chose de mignon ! annonce-t-elle en me prenant des mains ce que j'avais pris.
Je soupire et comme je n'ai pas le choix, je la suis de mauvaise grâce.
Elle me tend plusieurs modèles de couleurs différentes : orange, rose, bleu... Au lieu de la sobriété, je vais ressembler à un arc-en-ciel finalement... Ou à un bonbon. Ou à un bonbon arc-en-ciel. Vive la discrétion. Lorsqu'elle me demande ma taille de poitrine, je sens le rouge de la honte me monter aux joues. Elle pose cette question comme si elle me demandait la météo. Et pour être honnête je n'en ai aucune idée. Pas de la météo, mais de mon tour de poitrine. Ne me voyant pas répondre, elle jauge rapidement ma taille à l'œil et me tend une taille qui devrait me convenir. Puis elle me pousse vers les cabines d'essayage, ou à sa demande, j'essaye tous les modèles qu'elle m'a passés. Et il y a beaucoup. Elle semble bien s'amuser de ma gêne. Je n'ai plus l'habitude de... Tout ça. Ma mère faisait pareil avec encore plus d'énergie mais malheureusement elle n'est plus là et penser à elle me démoralise. Alors que je m'apprête à abandonner tout bonnement et simplement, mon regard se pose sur un maillot de bain bleu et j'entends sa voix comme si elle se tenait à côté de moi : « Le bleu est ta couleur, c'est celle qui te va le mieux ». Et derrière, la voix de mon père qui l'employait différemment. Des frissons me remontent le dos et me glacent le sang. J'inspire un grand coup pour me détendre et parce qu'ils ne sont pas là. L'une me manque terriblement, l'autre pas vraiment, mais le fait de savoir qu'il n'est plus à proximité me soulage.
J'essaye donc ce maillot de bain bleu et quand je me montre à Helena, elle me sourit et elle applaudirait presque. En me regardant dans le miroir, j'ai juste l'impression d'être quasiment nue, mais je trouve que c'est le seul que j'ai essayé qui semble ne pas me donner l'impression d'être totalement incapable de bouger, que tout va rester tranquillement à sa place. Et qui ne me donne pas l'impression d'être une sorte pâtisserie à déguster.
Je ressors de la cabine après avoir revêtue mes vêtements et tend les deux que je compte prendre, le bleu et un une pièce noire que j'avais pris quand même, à Helena qui m'arrête et me demande si ça va. Avec un petit sourire j'acquiesce.
— Juste des souvenirs qui reviennent me hanter, soufflé-je.
Elle hoche la tête et pose sa main sur mon épaule, en parlant à Samuel et moi :
— Aller on rentre !
VOUS LISEZ
Entre Terre et Mer (Terminé - premier jet)
ParanormalCette cover a été réalisée par LillyX572 : merci <3 Cette histoire est une réécriture contemporaine du conte de "La petite sirène". Le prologue reprend un writting prompt que j'ai trouvé et qui m'a inspiré cette nouvelle histoire, mais je l'ai m...