Chapitre 52 - Brisé

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Cole

J'ai toujours pris soin de masquer le pendentif d'Axelle par un peu de magie à chaque venue de Père, même s'il n'a jamais pénétré dans ma prison de pierres. À chaque fois, il est étonné que j'aie toujours « bonne mine ». L'amulette d'Axelle me permet de mieux supporter ma condition d'humain forcée et prolongée, même si j'ai toujours besoin de l'Océan, je m'affaiblis moins rapidement que ce que je devrais.

Les émotions d'Axelle sont plus que turbulentes aujourd'hui. Elle est passée par différents états. Ses sentiments qui dégoûtent mon père alors que c'est ce qui rend les humains si vivants. Axelle elle-même me l'a avoué : le vide ce n'est pas la vie.

Je reste concentré sur ce qu'elle ressent et je me souviens qu'elle m'a parlé d'un événement où elle devrait montrer devant un public des œuvres. Elle était angoissée sans le montrer, mais elle ne pouvait me le cacher. Me focalisant sur ce qu'elle ressent, je délaisse toute la magie qui m'entoure. À cet instant, elle est angoissée et heureuse et j'imagine que tout se passe pour le mieux. Je souris à cette pensée, parce qu'elle mérite d'être heureuse.

Un grondement éclate et résonne dans la grotte, brisant ma concentration. Mon Père se tient devant moi et son regard tombe sur l'amulette contenant l'âme d'Axelle, que j'ai oublié de masquer par magie. Une terreur que je n'ai jamais connue jusqu'à maintenant me submerge. Pire encore que de me briser moi, je vois dans l'éclat de son regard ce qu'il s'apprête à faire.

Seule la magie peut briser ce type d'enchantement.

— Qu'est-ce que c'est ? crache-t-il en désignant le pendentif en évidence sur mon buste.

Sa voix grave chargée de colère se répercute contre les murs de ma prison.

— Un cadeau que tu ne peux pas comprendre, réponds-je tentant de conserver mon calme malgré la terreur qui me noue le ventre, faisant trembler mes mains.

— De ton humaine ?

— Elle s'appelle Axelle ! Tu le saurais si tu ne la haïssais pas alors que tu ne la connais pas ! crié-je.

Derrière mon père, un éclat blond apparaît, puis la silhouette de Soren se détache de l'obscurité. Ses traits sont crispés et il me semble éreinté.

— Les humains ne méritent pas ta compassion !

— Ils ne méritent pas ta colère ! Toi aussi tu as aimé une humaine avant ! Tel père tel fils !

La haine qui jusqu'alors était contenue dans son regard, déborde et vient percuter l'amulette pendant à mon cou.

Aucun bruit ne survient lorsqu'un éclat lumineux vient s'abattre sur le pendentif. Aucun son ne se produit lorsqu'il se brise et que les morceaux tombent avant de se dissoudre dans l'air, comme si elle n'avait jamais existé.

Mon père dans une colère noire, vient de détruire l'amulette d'Axelle. Parce qu'elle est humaine. Qu'il ne comprend pas mon « intérêt » pour elle. Ce qu'il ne comprend pas, c'est l'amour que j'éprouve pour elle. Comme lui a pu en éprouver pour cette humaine à l'époque. Si je n'avais pas répondu « Tel père, tel fils », l'aurait-il épargné ? Probablement pas. Nous savons tous les deux ce que cela signifie. Qu'elle est morte. Ou tout du moins, dans un état catatonique. Comateux. Incapable de se réveiller et elle ne le pourra jamais plus. Elle est partie. Définitivement. Évaporée dans la mer. À tout jamais. Mon propre cœur se brise à cette idée. Ne jamais l'entendre rire à nouveau. Ne plus la prendre dans mes bras. Elle ne me sourira plus. Ne dessinera plus. Rien.

Ma peine se meut en colère : elle est morte. Elle ne vivra jamais cet avenir qu'elle avait planifié. Une puissance destructrice s'échappe de moi, dirigée uniquement contre mon propre père. Qui se met lui-même à étouffer, comme si l'air lui manquait dans cette cavité dans laquelle il m'a emprisonné. Comme ce qu'il avait voulu faire subir à Axelle, sauf que lui est un poisson hors de l'eau. Mais il lui avait trouvé le pire des châtiments. L'oubli. La voix de Soren me parvient, éclair éblouissant dans la nuit :

Entre Terre et Mer (Terminé - premier jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant