À l'encre de ta peau

15. Raphaël

©RoseWilliams2020RainbowLove
☁☁☁

— Ça s'est plutôt bien passé !

Je partage l'impression de Liam. Notre présentation au siège social de Roxane & Bergerac semble avoir fait son petit effet, mais je n'oublie pas que la concurrence est rude et que le manque d'expérience de mon agence joue en notre défaveur. Je fais mon possible pour positiver sans penser au fait que ce contrat hypothétique peut à lui seul déterminer la pérennité de ma boîte. J'ai confiance en mon équipe et je sais que tout le monde va se donner à fond afin que nous puissions nous démarquer auprès de l'annonceur.

— Ce n'était que la première étape, mais oui. C'est déjà bien d'être toujours en lice. Je te raccompagne ?

— Je ne dis pas non. Rainbow ou Jackson's, ce soir ? J'ai vraiment besoin de relâcher la pression. J'aimerais m'octroyer une petite douceur, mais après la nuit de folies que m'a offerte Marc, j'ai peur d'être déçu ! Comme ces fraisiers qui ont l'air succulents en vitrine jusqu'à ce que tu découvres qu'il n'y a pas une seule fraise dans la crème. Ou pire, comme un macaron !

Je reste surpris quelques secondes par les mots de mon ami. Marc ? Je ne vois d'abord pas à qui il fait référence. Puis je me souviens de l'escapade de la veille où nous avons tous les deux choisi délibérément de rentrer bredouilles. La dernière fois qu'il s'est perdu dans les draps d'un homme remonte donc à... la soirée au Rainbow où nous avons croisé Valentin et ses amis.

— Marc serait-il donc un fraisier généreux en fruits ?

Liam se fige et me dévisage d'une drôle de façon.

— Tu te souviens de son prénom ?

Je lui lance un regard noir en réponse. Je reconnais volontiers avoir des difficultés à me souvenir des prénoms, mais pas au point de ne pas être en mesure de le répéter quand il vient de l'évoquer.

— À t'entendre, je suis un cas désespéré... et, qui plus est, tout le monde aime les macarons.

Je le vois grimacer de dégoût tandis que nous nous installons dans la voiture.

— C'est à la mode, mais honnêtement, c'est pas terrible.

Parle-t-on vraiment de desserts ou est-il toujours dans la métaphore ? Je suis un peu paumé !

— Tu n'as qu'à choisir un salambo, tu seras certain de ne pas être déçu. Les glands, c'est ce que tu préfères, non ?

Liam s'esclaffe tandis que je m'introduis dans la circulation plus dense du vendredi. Je ne sais pas comment lui avouer que je ne serais pas de la partie ce soir, parce que j'ai rendez-vous avec un mec, et pas pour une séance de sexe totalement délurée. Il va se payer ma tête à coup sûr !

Je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil nerveux à l'horloge digitale du tableau de bord. Si je ne me dépêche pas, je vais d'ailleurs finir par être en retard. Mon comportement — ou mon silence, je ne sais pas — me trahit pourtant en quelques secondes. Mon ami me connaît définitivement trop pour mon propre bien.

— Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?

— Je ne vois pas de quoi tu parles !

Crédibilité zéro ! Il se marre ce connard ! Faux frère va !

Je me concentre plus que nécessaire sur le trafic pour gagner du temps, mais rien ne me vient. Déjà parce que je n'aime pas mentir et surtout, parce que je ne vois pas l'intérêt de le faire. La situation sort de l'ordinaire, mais la vie est faite d'expériences. Ce n'est pas plus inédit que ma première fois au Jackson's ou mon amitié avec lui. Je sais m'adapter. J'ignore où va me mener cette drôle d'histoire avec Valentin, mais je suis curieux de le découvrir.