14. Valentin

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©RoseWilliams2020RainbowLove

☀☀☀

Je fixe mon écran d'ordinateur sans réussir à en distinguer les chiffres. J'enlève mes lunettes et frotte mon visage bouffi de fatigue. Il va être plus que temps que la semaine se termine. Je suis épuisé. Si j'arrive à faire illusion la journée, une fois seul dans mon lit, c'est une tout autre histoire. Le sommeil me fuit et je ne peux rien faire si ce n'est me réfugier dans les bras d'Évy pour en grappiller quelques miettes, réconforté par la chaleur de son étreinte.

Ma meilleure amie n'est pas dupe, mais elle ne dit rien. Je n'ai pas évoqué Swann. Il me semble pourtant évident qu'elle a compris que j'avais eu de ses nouvelles. Rien ni personne ne peut me mettre dans un tel état. Elle me laisse le temps dont j'ai besoin, sans me poser de question, et j'apprécie vraiment.

Elle a dû en parler avec Paola puisqu'elle est incapable de garder sa langue, surtout lorsqu'elle est inquiète, mais Marc n'a pas abordé le sujet et je ne suis pas harcelé par les SMS de Samuel, donc j'en conclus qu'aucun autre de mes amis n'a été mis dans la confidence.

Tant mieux.

Mon regard est irrémédiablement attiré par Marc dont je peux voir les lèvres bouger sur des paroles inaudibles. Il tape frénétiquement sur son clavier à quelques box de moi, écouteurs vissés aux oreilles comme toujours.

Près de la moitié des bureaux sont vides. L'ambiance est cool et décontractée en ce vingt-et-un juillet. L'esprit de mes collègues encore présents doit très certainement déjà être en vacances.

Pour ma part, je ne prends jamais de congés l'été. D'abord, parce que c'est une grosse période d'activité pour Évy et que je ne m'imagine pas ne rien faire alors qu'elle part bosser, mais surtout parce que je préfère laisser ma place à ceux qui ont une famille.

J'ai cependant posé mon lundi et ne reverrais donc les visages bronzés des revenants qu'à partir de mardi. Pas que ça change quoi que ce soit pour moi. En dehors de Marc, je ne me suis lié d'amitié avec aucun des geeks avec qui je partage l'open space de l'entreprise. Lui comme moi n'avons jamais pu nous fondre dans la masse de ces personnes qui arborent des teeshirts à l'effigie de Star wars, Star trek, Stargate et autres franchises en « star » chaque vendredi.

Avec un nouveau soupir, je frotte ma nuque endolorie et me replonge dans mon dossier. J'aimerais le clôturer avant le week-end. J'ai hâte d'y être... Surtout avec la perspective de retrouver Raphaël chez lui ce soir.

Nous ne nous sommes pas contactés depuis notre rapide échange qui a précédé l'appel de Swann, et il me manque ! C'est idiot, puisque je le connais à peine et qu'il n'a jamais fait partie de mon quotidien. Pourtant, force est de constater que c'est le cas, et c'est le souvenir de ses prunelles paradis qui m'aide à trouver le sommeil chaque nuit.

Quand l'heure de la délivrance arrive enfin, Marc me rejoint en faisant rouler ses épaules, courbaturé tout autant que moi d'être resté assis si longtemps. Par habitude, nous boudons l'ascenseur surchargé pour emprunter les escaliers. D'ordinaire, je suis encombré de mon vélo, mais plus depuis deux semaines. Je soupire à nouveau. Lui aussi, il me manque.

Arpenter le métro ne me réussit pas, et je m'y suis même perdu plusieurs fois avant de repérer les correspondances nécessaires pour rallier mon domicile à mon lieu de travail. Ce soir ne va pas déroger à la règle, et je n'ai aucune envie de m'enterrer littéralement sous la ville alors que le soleil est radieux.

— Courage, Boucles d'or. Plus que quelques jours, et tu vas le récupérer ton engin. Je t'accompagne chez Marceau ?

Je ne suis pas surpris le moins du monde d'être à ce point transparent. Ce qu'il ne sait pas, c'est que ma morosité inhabituelle cache autre chose. J'ai beau me forcer à sourire pour ne pas faire subir à mes proches mes humeurs négatives, ils ne sont pas dupes.

À l'encre de ta peauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant