2. Raphaël

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©RoseWilliams2020RainbowLove
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— Tu es suicidaire depuis longtemps ? Il faut l'être un peu pour se déplacer à vélo dans Paris, non ?

— Et toi, tu aimes renverser les cyclistes comme des quilles ou je suis ton premier ?

Je ne tente même pas de réfréner le sourire qui étire mes lèvres. J'aime son insolence. J'ai tellement l'habitude qu'on me traite avec déférence et amabilité hypocrite que sa répartie est rafraîchissante. Liam, mon bras droit, est le seul à ne jamais s'être prêté au jeu hiérarchique. Cela dit, quand on connaît les détails de notre rencontre, c'est plus que compréhensible. Voyant que je ne réponds pas, mon passager reprend :

— Pour ma part, tu es le premier à me percuter.

Son aveu m'amuse. En d'autres circonstances, j'aurai presque été flatté.

— Première fois commune alors... Ça lie les gens ça, non ?

— Tu me rentres dedans puis tu me fais du rentre-dedans ! À moins que tu sois comme ça avec tout le monde ?

Je me crispe instantanément de crainte de l'avoir froissé. Il faut que je me souvienne que ce type n'est pas un de mes rencards habituels. Son sourire étincelle pourtant de mille feux illuminant son regard mutin de braises incandescentes. Sa réaction m'aide à me détendre.

Il me faut un certain effort pour reporter mon attention sur le trafic urbain. J'ai eu mon quota de péripéties pour aujourd'hui. Quand je l'ai heurté, j'ai eu la peur de ma vie. J'ai enchaîné les déconvenues et les problèmes toute la journée. Je n'aurais même pas dû être étonné de la conclure par cette rencontre fracassante. Il faut d'ailleurs que j'envoie un message à Liam avec qui j'étais en communication au moment de l'accident. J'ai conscience que téléphoner au volant n'est pas prudent, mais j'avais actionné le système Bluetooth. Avec mon travail, je ne peux malheureusement pas me permettre de rater un appel sous prétexte que je conduis.

J'aimerais répondre au blondinet qui me tient compagnie, mais je suis en terrain inconnu. Je ne drague jamais en dehors des bars et des clubs gays. Je n'ai pas de temps à perdre avec les hétéros et ne suis pas à l'aise en leur présence. J'accepte d'être rejeté, comme tout le monde, mais je ne supporte pas l'expression de dégoût qui brille dans le regard de ces hommes à femmes. J'ai déjà donné...

Pourtant, je sors de ma zone de confort avec lui. J'ai l'impression qu'il flirte, mais l'instant d'après, il me remet à ma place comme il vient de le faire.

Je ne suis pas franchement attiré par les blonds habituellement, mais lui... il est juste bandant. Littéralement à en juger par la réaction inappropriée de mon organisme.

Il a une allure de surfeur. Son corps fin aux muscles fuselés est en partie recouvert de tatouages pour ce que j'ai pu en apercevoir. Ses cheveux longs lui confèrent un look résolument cool et décontracté. Du genre qu'on imagine fumer de l'herbe et collectionner les piercings, bien que je n'en aie pour l'heure remarqué aucun. Et ses yeux... Putain ! Deux sphères gris pâle comme l'orage qui pétillent malicieusement. Si la bouche est aussi belle que le reste... C'est quoi d'ailleurs ce truc ?

— C'est... un museau d'ours que tu as sur le nez ?

Je tourne succinctement mon regard vers lui et le surprends à poser les mains sur son masque dans un sursaut et... alléluia, il l'enlève.

À l'encre de ta peauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant