À l'encre de ta peau

29. Valentin

©RoseWilliams2020RainbowLove
☀☀☀

— Alors, elle... je ne peux pas l'encadrer !

Je souffle un rire tout en jetant une œillade rapide à mon invité installé à l'autre extrémité du canapé. J'ai l'impression désagréable qu'il s'est renfermé après sa remarque de tout à l'heure. Les quelques centimètres qui nous séparent sont semblables à un gouffre infranchissable. Habituellement, nous profitons de notre séance télé pour nous câliner, mais pas ce soir. Je n'ose amorcer le moindre rapprochement, et il n'a rien tenté lui non plus.

Mon rire meurt tandis que je l'observe caresser Patachou distraitement, sans quitter l'écran des yeux. Il ne m'offre ni taquinerie ni flirt. Je fais mon possible pour ravaler mon soupir contrit et engloutis une nouvelle cuillerée de ma glace à la banane avant d'enfin lui répondre.

— Personne n'aime Ombrage. C'est un peu la condition sine qua non pour être accepté dans le clan des PotterHead.

— Potter-quoi ?

Il m'accorde un regard, m'avisant de ses sourcils froncés, ce qui m'amuse malgré moi. Mon cœur — ce crétin — s'emballe significativement. Je sens mon angoisse disparaître dans l'océan de ses iris, et un sourire bienheureux fleurit sur mes lèvres jusqu'à ce qu'il prenne en otage mon pot de Ben & Jerry's. Je prends aussitôt ombrage de son larcin. Je ne blague pas avec le Chunky Monkey !

— Eh ! Tu m'as dit que tu n'en voulais pas !

Impuissant, je le vois engloutir une première bouchée et fermer les yeux de plaisir. J'annihile la distance qui nous sépare, ravi d'avoir une excuse pour le faire, et tente de récupérer mon bien, mais, évidemment, il place mon Graal hors de portée afin d'en chaparder une nouvelle portion.

— C'est de ta faute. Comment veux-tu que je résiste avec une telle tentation sous le nez ?

— Mais je t'en ai proposé !

Cette conversation n'a strictement aucun sens ! Voleur de glace !

— Figure-toi que si je ne veux pas me retrouver tout bedonnant dans moins de deux ans, je ne peux pas succomber au doux chant de la sirène crème glacée.

Il enfourne une troisième becquée de mon dessert préféré, mais je ne tente plus de l'en empêcher, trop surpris par sa réponse. À moitié avachi sur lui, le bras en suspens, je l'observe avec incertitude.

— Tu veux dire que tu fais attention à ta ligne ?

— Je te rappelle que je passe mes journées le cul vissé à une chaise. Évidemment que je fais attention ! La seule activité physique que j'ai c'est mon footing du samedi matin et...

Il s'interrompt comme s'il venait de réaliser où le menaient ses paroles, ce qui me fait doucement sourire.

— ... et tes parties de jambes en l'air bi voire tri-hebdomadaire ?

Il élude d'un bruit de gorge que je ne parviens pas à interpréter puis me rend mon bien sans plus de cérémonie pour mieux se concentrer sur le cinquième opus de la saga culte.

J'aimerais lui assurer que son mode de vie ne me dérange pas, j'ai même plutôt l'habitude avec mes amis, mais, en réalité, savoir qu'il m'alloue tout son temps libre me transcende. Je ne peux pas exiger de lui fidélité, mais vivrais vraiment mal qu'il s'envoie en l'air avec d'autres. Mon cœur se serre tristement. Dans quoi me suis-je encore embarqué ?

Je me lève un peu trop vivement, perdu entre la joie de l'avoir rien que pour moi et la douloureuse réalité qu'il ne m'appartient pas.

— Je vais nous débarrasser de cette vile tentation. Tu veux boire quelque chose ?