23. Valentin

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©RoseWilliams2020RainbowLove
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— Je t'envie en quelque sorte !

Mon corps tressaute au son de sa voix dans un réflexe pour me sortir de la douce torpeur qui m'a envahi.

— Je n'ai jamais eu beaucoup de chance en amitié... avant Liam. Et pourtant, j'en ai eu à une époque. Des personnes que je pensais loyales. J'imaginais que notre lien serait immuable. Ils étaient la famille que je m'étais choisie... celle que je n'ai jamais eue.

Je suis parfaitement réveillé à présent, totalement attentif à son récit que je n'espérais plus.

— Comme je te l'ai dit hier, j'ai grandi dans différentes maisons d'accueil. Au début, on me changeait de foyer pour que mes tuteurs ne s'attachent pas trop. Ensuite, il y a eu les départs à la retraite, les reconversions professionnelles... Tu savais que les familles d'accueil pouvaient demander jusqu'à cinq semaines de congé par an ? Durant ces périodes, les enfants placés sous leur responsabilité sont simplement confiés à d'autres familles provisoires... Tout ça pour dire que, même si je n'étais pas malheureux, je n'ai jamais vraiment eu d'attache et ne ressentais pas le besoin d'annoncer à qui que ce soit que j'aimais les garçons.

Je peux sentir la tension dans ses muscles. Ses doigts se sont d'ailleurs figés. C'est à mon tour de lui apporter mon réconfort. J'embrasse délicatement la peau de son torse qui frémit sous mes lèvres, effleurant doucement son corps de mes mains jusqu'à ce qu'il se détende suffisamment pour poursuivre ses confidences.

— Au lycée, il y avait un type, Earvin, je crois. J'avais un putain de béguin pour lui, du genre qui te fait bander juste en le voyant, tu vois ?

Il s'esclaffe, et je ne peux que l'imiter, transporté par ce son joyeux.

— Heureusement, nous n'étions pas dans la même classe. Il était un an plus jeune que moi, mais beaucoup plus populaire aussi. Je me souviens qu'il faisait du Volley en compétition en extra scolaire. J'aurais tout donné pour pouvoir assister à un de ses matchs. Une véritable petite groupie, et je n'étais pas le seul. Il avait même tout un harem autour de lui.

Il soupire, mélancolique. Mon cœur s'emballe. Je me sens l'âme d'un privilégié à cet instant précis. Il s'offre à moi comme il ne s'offre à aucun de ses plans d'un soir. Il me livre quelque chose d'unique. Un morceau de lui, un peu de son histoire, de son âme. Le vrai Raphaël derrière la carapace qu'il s'est construite.

— Quoi qu'il en soit, je n'avais aucune idée de comment l'aborder. Le fait que nous étions deux garçons rendait tout plus compliqué. Si j'avais été une fille, j'aurais juste risqué un râteau, mais en tant que mec, sans savoir si lui-même avait ce genre d'attirance, je m'exposais à un cassage de gueule en règle. Courageux, mais pas téméraire !

Il pouffe à nouveau puis enfouit son nez dans mes mèches.

— Alors, j'ai essayé de contourner le problème. Je me suis dit que si je ne pouvais pas simplement aller le voir, peut-être qu'il existait un moyen de le faire venir à moi. Un plan bancal, mais qui me semblait parfait à l'époque. J'ai donc décidé de faire mon coming-out. Nous étions une petite bande de potes soudés, et j'étais convaincu que rien ne pourrait briser nos liens. Tu sais comme les rumeurs et les ragots tournent vite au bahut. Je savais que tôt ou tard, Earvin en entendrait parler.

— Une façon de ferrer le poisson.

— Et quel beau poisson ! Ne restait plus qu'à savoir si l'appât serait à son goût.

Je ne peux réprimer le sourire que cette comparaison me provoque. Pourtant, l'amusement ne perdure pas, vite chassé par d'autres préoccupations.

À l'encre de ta peauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant