LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)

28 REANIMATION

— Kalen, dépose ce couteau...inutile qu'on en arrive là...

— Quand c'est toi qui tue, c'est pour la bonne cause. Et quand c'est moi, c'est inutile, n'est-ce pas ?

— Je suis ta grande sœur et je te demande de déposer ce couteau immédiatement. Si tu le tues, le greffon ne reviendra pas à Matteo, mais au prochain gars sur les listes d'attente. Et l'enfant mourra.

Kalen resta immobile pendant plusieurs secondes. Le couteau était toujours brandi, les yeux verts de l'un connectés aux dorés de l'autre. Puis il sembla réaliser que sa sœur avait raison. Maintenant que Matteo allait se faire opérer à l'hôpital, il fallait à tout prix que le greffon lui soit personnellement destiné. Sinon, c'était peine perdue.

Le commis de cuisine laissa tomber son couteau sur le sol carrelé, puis s'effondra sur ses genoux, la tête entre les mains. Il se mit à gémir.

— Qu'est-ce qui s'est passé ici ? s'inquiéta Léaina, les yeux agrandis et divaguant sur le désordre environnant. Personne ne lui répondit et elle dut reporter son attention sur les deux hommes. Ramis Winchester...vous êtes le seul à pouvoir sauver cet enfant. Je pense qu'avant de mener n'importe quel combat, nous devrons gagner le plus important, celui contre la leucémie de votre neveu...

— C'est son fils, rappliqua Kalen sans lever la tête.

Léaina eut l'air passablement perdu pendant un instant, puis écarquilla les yeux.

— Ingrid et toi...

— Comment va mon fils ? le coupa le chef du restaurant. S'il y a quelque chose que je puisse faire pour le sauver, je le ferais. C'est le plus important. Je donnerais ma vie pour lui.

— Il n'y a plus de temps à perdre, tonna Léaina. On doit se dépêcher, il est très mal en point. Anto est très pessimiste quant à son cas.

— Tu ne m'as pas dit ça, souffla Ramis en s'adressant à Kalen.

— Tu n'es qu'une ordure, rétorqua ce dernier en saisissant Ramis par le cou. Va au diable. Ils recommencèrent à se tirailler les cheveux et se cogner dessus.

— Assez ! hurla Léaina, la colère l'étouffant. Ça suffit. Le prochain qui fait ne serait-ce qu'un mouvement brusque, je vous jure que je l'utilise comme balai pour nettoyer ce bordel. 

"Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, et j'ai les nerfs à vif. Je suis sur le point de perdre patience. Notre enfant est en train de mourir. Alors il serait temps que vous arrêtiez de penser à vos disputes et que vous songiez à Matteo, qui est entre la vie et la mort. Anto nous attend avec le greffon, le jour est en train de se lever, nous ferons mieux de nous dépêcher. Est-ce que c'est clair ?"

Ils acquiescèrent. Au même instant, le téléphone de Léaina bipa. Elle le sortit de la poche de son jean et lut le message qui venait d'entrer. Ses yeux s'écarquillèrent d'eux-mêmes.

— Qui est-ce ? souffla Kalen, comprenant que ça ne pouvait être qu'une mauvaise nouvelle.

— C'est Anto...répondit-elle d'une voix tremblante. Puis elle lut le message à haute voix, avec ce qu'il lui manquait d'énergie.

« Où êtes-vous ? Dépêchez-vous...On est en train de le perdre. »

***

Kotchenko avait recueilli les cendres de sa femme après l'incinération et les avait entreposées dans un vase de porcelaine russe vert jade aux gravures dorées. Puis il avait conservé ce vase dans une chambre vide de son nouvel appartement temporaire. Depuis quelques jours déjà, c'était là que le russe se recueillait quand il voulait faire le vide dans ses pensées. 

Il y était encore allé ce matin. Il avait passé une nuit blanche, mais il avait bouclé l'enquête qui s'était tenu entre sa femme et lui pendant pratiquement un an. Il connaissait enfin le coupable, et il avait des preuves irréfutables.

— Tu aurais dû être là, ma chérie...c'était un moment exceptionnel, digne de toi. Il leva la tête vers le vase placé sur une sorte de piédestal en laiton immaculé. Je sais en revanche que ce n'est pas lui qui t'a tué. Le coupable se trouve entre Kalen et Léaina Lachenaie. Mais ne t'inquiète pas. Je les ferais payer tous. Je te vengerais, sois en sûre. 

"De la même façon que te perdre a été pire pour moi que la mort, je ne les tuerais pas. Je leur enlèverais ceux qu'ils aiment. Le regard du russe se perdit dans le vide pendant un long moment, avant qu'il ne reprenne ses esprits. Je réserve un châtiment spécial aux kidnappeurs de l'enfant. C'est eux qui t'ont éloigné de moi pendant si longtemps. C'est eux qui t'ont éloigné de moi à jamais."

" Antonio Delacruz...il n'aurait jamais dû sauver l'enfant. Tout ceci est arrivé à cause de lui. Il le payera cher. Et quand j'en aurais fini avec lui, ma chérie, je tuerais la seconde personne qui a causé ta mort. S'il n'était pas né, tu ne serais pas morte. Et quand il mourra, Kalen et Léaina regretteront d'être nés. Je tuerais cet enfant..."