16 DECEPTION

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— Oh mon cher Xander, c'est un tel plaisir de te revoir.

A l'entente de la voix de Willow, le blond sursauta en se frottant les yeux, déboussolé pendant quelques secondes. Après deux heures à entendre le russe, Xander vit enfin sa patronne déposer son téléphone. Il s'était assoupi entre temps, terrassé par une fatigue sournoise qui ne le quittait pas. Dans la soucoupe, la crème avait fondu.

— Tu m'as l'air bien fatigué. Tu n'as pas dormi cette nuit ?

— Pas du tout, répliqua-t-il sèchement.

— Tu sais, il y a un proverbe russe qui dit que « sans repos, même le cheval ne galope pas. »

— Je vais paraître cru, avertit Xander sans cérémonie, mais pourquoi ne preniez-vous pas mes appels ? Je me suis fait un sang d'encre, vous savez ?

— Je n'en avais pas envie, soupira-t-elle en puisant une cuillère de crème liquide. J'ai uniquement discuté avec mon mari ces deux derniers jours, t'imagines pas à quel point il se serait inquiété. Il est capable de devenir fou, si quelque chose m'arrive.

— Moi aussi je me suis inquiété, s'énerva Xander. La moindre des choses aurait été de me prévenir, non ? Et l'enquête. Vous avez pensé à l'enquête ?

— Oh oui, l'enquête, se souvint la détective en remettant son casque sur sa tête. L'ordinateur sortit de veille. Ne t'inquiète pas, Xander. Nous sommes sur le point d'obtenir des aveux.

Intrigué, le jeune stagiaire s'approcha de l'ordinateur et observa la bande sonore verte qui défilait sur l'écran.

— Que voulez-vous dire ? Qu'est-ce que vous écoutez ?

— J'ai inséré un mouchard dans le cou d'Antonio Delacruz. Bien sûr, il l'ignore. Mais s'il est au courant de quelque chose à propos de cette sale affaire, nous le saurons dans l'immédiat.

— Vous avez...fait quoi ?

— Chut, justement...le voilà qui arrive chez lui...

***

Antonio entra dans sa grande maison au moment où les premières gouttes de pluie commençaient à arroser Amsterdam. Il porta sa fille dans les bras et se mit à la chatouiller comme à son habitude. Puis lorsqu'elle se fut échappée pour retourner devant l'immense télévision, il se débarrassa de son blouson noir et huma l'odeur délicieusement épicée qui provenait de la cuisine. 

Comme aimanté, il alla vers cette direction, ignorant les gargouillis de son ventre affamé. Il arriva au moment où Nina hachait des poivrons jaunes sur son plan de travail. Il l'agrippa par derrière et lui déposa un baiser sur le cou. 

Elle frissonna, sourit et ferma les yeux avant de se retourner vers lui. Elle l'embrassa passionnément et posa ses mains de part et d'autre du visage de son mari. Ce dernier grimaça de douleur.

— Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta immédiatement Nina.

— Une patiente folle, rétorqua-t-il en lui montrant sa plaie. Elle a presque tué le docteur Spencer. Le pauvre a été gardé sous observation.

— Oh Seigneur, mon pauvre chéri, se morfondit Nina en se précipitant vers le grand réfrigérateur gris métallique où elle en sortit une poche de glace.

— Ça va, s'exaspéra Antonio en roulant des yeux, tu en fais tout un plat pour rien.

Au même moment, Léaina surgit dans la cuisine, Matteo dans ses bras. Elle avait porté une longue robe noire, sur laquelle retombaient en cascades ses courtes boucles rousses. Elle s'approcha de son ami et lui fit la bise.

— Ta blessure va mieux ? lui demanda-t-elle en examinant à son tour la plaie du jeune chirurgien avec plus d'intérêt. Elle ne t'a pas loupé.

— Tu...tu étais au courant ? demanda Nina, tout confuse.

— Il m'a envoyé un texto, répartit innocemment Léaina.

— Tu ne m'as pas écrit, Antonio, bredouilla la blonde. Pourquoi tu ne m'as pas écrit un texto ?

— Tu m'as dit que tu avais des consultations toute la journée, je ne voulais pas t'inquiéter pour rien, c'est tout. Bon, quand est-ce qu'on mange ? Je meurs de faim.

Dégoutée, Nina revint vers son pot-au-feu et, continua de le remuer en reniflant.

— Il est juste...un peu stressé, Nina... expliqua la rousse. Ne le prends surtout pas personnellement.

— Toi, je ne te supporte plus. Avoue que ça t'arrange bien de le voir à tes pieds comme un clébard, gronda Nina en arrêtant le réchaud électrique. Sa voix tremblait légèrement, et ses yeux luisaient de larmes lorsqu'elle sortit à son tour de la cuisine. Je me casse d'ici, j'en ai tout simplement marre.

— Qu'est-ce qui te prends, encore ? soupira son mari en la regardant enfiler son manteau noir. Au même moment, le carillon de la porte tinta.

— Oh parfait ! s'exclama Nina en laissant Kalen Lachenaie entrer. Comme ça, vous allez tous entendre ce que j'ai à dire. J'en ai plus qu'assez de cette situation. A cause de vous, mon mari patauge dans des affaires douteuses. Au nom de quoi ? De l'amitié ! Je suis en train de le perdre, mais ça ne semble préoccuper personne. Je perds mon mari. Du moment que votre gamin est en sécurité, tout va bien dans le meilleur des mondes.

— Nina !

— Je n'ai rien demandé de tout ça, Antonio ! Rien du tout, merde ! Et me voilà, à m'occuper d'un enfant qui n'est ni le mien, ni le tien. Ni même celui de tes foutus amis. Je veux juste...je pars Antonio. Tu as choisi tes amis, et je...

— Tu ne trouves pas que tu exagères, là ?

— Moi, j'exagère ? explosa Nina. Elle sourit en secouant tristement la tête. Toi, qui ne cesse de nous parler de ta déontologie, de ton foutu serment d'Hippocrate. Vas-y, explique-moi pourquoi vous ne rendez donc pas le gamin à sa vraie mère ? J'ai cru comprendre qu'elle était en vie, non ?

— Cet enfant est aussi à nous, tonna Léaina avec fermeté.

— Cet enfant est celui d'Ingrid Winchester et de Mickael. Il n'est pas le tien, ma pauvre fille. Si tu as tant besoin d'un enfant, accouche le tien, merde ! Et pour l'amour du ciel, lâche mon mari une seconde. Trouve-toi un mec, et lâche le mien !

Léaina voulut répliquer, que déjà Nina avait bousculé Kalen au seuil de l'entrée et claqué la porte derrière elle.

— Euh...bégaya Kalen, quelqu'un peut-il m'expliquer exactement ce qui vient de se passer ?

***

Oh, mon pauvre chou. Il vient de se passer quevous avez finalement été démasqués, s'écria Willow en levant les poings.

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant