21 INCINERATION (SUITE)

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— Ma chérie, commença-t-il de sa voix dure, tu n'as cessé de me répéter que ce jour pouvait arriver. Que c'était les risques du métier. Je n'avais pas réalisé tout ce que ça impliquait. Le jour de notre mariage, tu m'avais dit : « je t'aimerais jusqu'à ce que la mort nous sépare. Et quand ce jour arrivera, je veux qu'on m'embellisse dans un drap de soie, et qu'on me recouvre de roses blanches. Et toi, tu ne pleureras pas, Kotchenko. Parce que même si c'est trente jours, trente mois ou trente ans, c'est ensemble qu'on les passera. » 

"Tu ne pleureras pas, répéta-t-il pour lui-même, je ne pleure...pas, ma Willow. Mais aujourd'hui, ici, je te promets...que je ferais payer celui qui t'a fait ça. Et que je le ferais souffrir...comme il nous fait souffrir. Repose en paix, ma Willow. Adieu, chérie."

Et il posa le flambeau sur le bûcher avant de se reculer de quelques pas. Le cadavre brûla et les flammes montèrent haut dans le ciel. Et à chaque fois que le vent soufflait, les pétales de roses blanches formaient une sorte de tourbillon autour du brasier. C'était une incinération digne de la concernée. 

Kotchenko trouva cette vision tellement belle, tellement saisissante. Il essuya une larme qui s'était évadée, et se promit devant le corps enflammé de sa femme, qu'il ne mourrait pas sans avoir tué son assassin...

***

— Comment a-t-on échoué ? murmura Kalen en se prenant la tête entre les mains.

— On s'est précipité, répondit Antonio, dans le même état léthargique.

— On s'est trompé, termina Léaina, Matteo dans ses bras et essayant de tirer ses cheveux roux.

Dans la grande demeure d'Antonio Delacruz à Ijburg, on aurait cru assister à un enterrement. L'atmosphère était lourde, triste. Un soupçon d'odeur d'antiseptiques planait encore dans les airs, rappelant aux amis leur lamentable échec. 

Léaina fut pris d'un accès de douleur au bras à cause de sa plaie par balle, et laissa Matteo s'échapper pour aller se coller à Florida devant son écran. Kalen quant à lui, ressentait encore de temps à autres son poignet le lancer. Heureusement pour lui, son nez n'était pas cassé et la plaie cicatrisait bien. 

Il n'avait plus si mal que ça, mais la douleur dans son cœur était bien plus dévastatrice. Les Winchester avaient gagné. Et les Lachenaie, perdu. Ils avaient fait tout ça pour rien. Ils avaient pris des risques, s'étaient blessés, avaient tué. Tout ça pour rien. Retour à la case départ. Et la déception que Kalen ressentait en cet instant était pire que toutes celles qu'il avait connues. 

Il avait tellement envie de pouvoir remonter le temps pour réparer ses erreurs. Pendant un instant, une série d'éternuements le terrassa et il se moucha bruyamment.

— Ton chef n'a pas encore cherché à te joindre ? demanda Antonio. Ça fait deux jours que tu loupes le boulot.

— J'ai la grippe, tu te souviens ? grogna Kalen.

Cependant, il se demanda intérieurement comment allait Ramis. Il pouvait bien comprendre que le chef n'était certainement pas en grande forme, lui aussi. Il devait être tout autant dévasté qu'eux. Il avait vu la chance de rencontrer Matteo lui glisser entre les doigts. Ça ne devait pas être facile à gérer...

— Et toi, Anto ? soupira Léaina en baillant d'un air épuisé. Ton chef doit t'en vouloir, tu as aussi manqué deux jours de boulot. J'en prends l'entière responsabilité.

— Mon chef croit aussi que j'ai la grippe, répliqua-t-il. Et toi tu n'as pas dormi depuis deux jours, Lala. C'est quoi ton excuse ?

Léaina ne répondit pas. Elle savait qu'elle ne pourrait pas dormir. Le gout de l'échec était si amer dans sa bouche. Elle ne pourrait plus jamais dormir, tant que Matteo n'était pas véritablement sorti de danger.

Si seulement elle savait, à cet instant-là, que non loin de là, quelqu'un préméditait déjà sa mort...

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant