12 INSPECTION

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— Je suis persuadée que ce sac noir contenait des preuves. Tu aurais dû me mettre au courant Xander. Elle a sûrement compris notre stratagème.

Tout en parlant, Willow écrasa une chips de patate salée dans sa bouche et replongea la main dans le sachet alu volumineux. Elle avait croisé les jambes sur la table devant elle, calée dans le siège de son bureau. D'un coup de tête vif, elle réajusta sa frange. 

Quand Xander lui avait raconté, quelques heures plus tard, que Léaina était sortie de la maison avec un sac noir plein, le sixième sens de Willow s'était allumé. Elle était persuadée qu'on pouvait voir dans ce sac les contours d'un enfant. L'avait-elle ballonné pour qu'il ne pleure pas ? Ou peut-être bien drogué... Avec ces pestes de Lachenaie, on devait être prêt à tout.

— Si on l'avait fouillé, s'expliqua Xander, cela aurait compromis notre couverture. Et on n'avait aucun mandat de perquisition. Si le sac ne contenait aucune preuve, on aurait fait tout ça pour rien. Willow secoua négativement la tête en engloutissant simultanément trois chips. 

"Le plan, reprit Xander avec un peu plus de rigueur, le plan c'était de s'introduire chez le suspect et truffer la maison de micros et de caméras de surveillance, madame. Le plan était une surveillance rapprochée, pas une fouille systématique. J'avais un choix à faire, madame !"

— C'est bon, Xander, le calma la détective russe, tu as raison, tu as respecté le plan. Et tu as bien fait, rassure-toi. Je suis désolée de m'en prendre à toi, mais je suis déjà tellement stressée par cette enquête qui tourne sans cesse en rond. Et me dire que ce sac aurait permis de la boucler, ça me met dans tous mes états. 

Elle termina sa phrase en faisant craquer simultanément une dizaine de chips dans sa bouche.

— De toute façon, quand elle reviendra, on pourra voir ce que contenait ce sac. Et avec les vingt-cinq caméras et les trente micros, rien ne pourra nous échapper...

— S'ils sont vraiment les kidnappeurs de l'enfant...

— ...et s'il est encore en vie...

— ...nous le saurons bien assez vite...

***

Kalen avait l'impression d'avancer au ralenti. Tout autour de lui allait à une vitesse qu'il n'arrivait pas à suivre. Il se sentait épuisé à cause de la nuit blanche qu'il avait passée. Chaque bruit l'irritait au plus haut point. L'ébullition du lundi était loin d'être gérable pour son cerveau fatigué. Mais surtout, revenir travailler ici était une torture pour lui. 

Comment pouvait-on aimer et détester quelque chose à la fois ? C'était un oxymore capricieux qui était aussi désagréable pour lui qu'un ongle qui crissait sur un tableau noir. Songer que Ramis se trouvait à quelques mètres de lui le mettait dans tous ses états. Ils ne s'étaient pas vus de la journée, c'était peut-être bien mieux ainsi. Peut-être le chef l'évitait-il, c'était peut-être bien mieux ainsi !

Alors qu'il agençait des filets de thon et des rondelles de tomate dans une assiette blanche, il repensa encore au baiser. Il n'avait en fait jamais cessé d'y penser, pour être honnête. Toute la veille, toute la nuit et toute la matinée. Il le ressassait, le revivait en boucle dans sa tête troublée. Et à chaque fois, les mêmes sensations l'assaillaient. La plénitude, l'extase, il les ressentait le tailler, élimer sa peau et frapper contre son cœur.

— Kalen, la salade de thon, cria le second de cuisine. Dépêche-toi, on dirait une tortue aujourd'hui.

— Oui, chef ! Encore quelques secondes.

— Et bon sang, cette fois n'oublie pas la pincée de sel ! Un autre bond vient d'arriver.

— Noté, chef.

Tout était de sa faute. Pourquoi avait-il demandé à Ramis Winchester de l'embrasser ? Il ne fallait pas qu'il tombe amoureux de cet homme. Ça n'aboutirait jamais à rien, sinon à la mort de ce dernier. Ramis était le dernier homme sur Terre à aimer. Car ces pulsions éloigneraient Kalen de son enfant s'il s'y abandonnait. Et il ne pouvait pas sacrifier Matteo pour de maudites pulsions.

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant