32 DILECTION (SUITE)

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Les deux hommes longèrent le couloir sans mot dire. De temps à autres, le chirurgien s'arrêtait pour discuter avec quelques collègues, surpris de le voir dans un état si déplorable. Kalen songea que pour quelqu'un comme le docteur Delacruz, certaines affaires n'attendaient pas la convalescence. 

Il était encore mal en point, que déjà il avait des choses qui l'attendaient. Une opération de polypes nasaux chez un bébé, un nouveau-né malade qu'il fallait euthanasier, un autre avec des excroissances sur son front. 

La vie d'un chirurgien pédiatre n'était en rien facile, il devait l'admettre. Antonio quant à lui, ne pensait qu'à la tâche qu'il devait accomplir. Il n'avait pas le choix, il devait tuer Matteo pour sauver Florida et se sauver soi-même.

Lorsqu'ils arrivèrent devant la chambre où sommeillait le gamin convalescent, Kalen se tourna en direction de celle de Ramis Winchester d'un air hésitant. Il se souvint de la révélation que le chef lui avait faite. Il était, tout comme Mickael, le père de Matteo. Qu'est-ce que cela voulait bien dire ? Il fallait à tout prix qu'il le sache, il fallait qu'il comprenne cette métaphore. Antonio perçut son hésitation et lui sourit.

— Tu peux y aller, je ne dirais rien à ta sœur, promis, chuchota-t-il sur le ton de la confidence. Kalen lui sourit également, l'air rassuré. Il ne comptait pas s'éterniser dans la chambre de Ramis, juste savoir ce qu'il voulait dire par « c'est l'enfant que j'ai eu avec Mickael ». Les hommes n'accouchaient pas dans notre monde. Quelle sorte d'extraterrestre était donc Ramis Winchester ?

— Dans cinq minutes, je serais revenu.

Antonio acquiesça et regarda le commis de cuisine s'élancer vers la chambre de son amant. Tout en s'y approchant, Kalen espérait intérieurement que Ramis serait seul. Pour une raison inconnue, il s'y sentirait mal à l'aise s'il y avait un infirmier ou un personnel du corps médical dans la pièce. 

Bon sang, il avait une furieuse envie, une monstrueuse envie d'embrasser Ramis. Et pourtant, plus que jamais, c'était la dernière personne à laquelle il devait s'attacher. C'était l'amant de son mari. Et aujourd'hui, c'était le père de leur fils. Ramis à lui seul était une boite à secrets dont Kalen en ignorait encore une grande partie. Peut-être était-ce cette part de mystère qui l'attirait vers son chef ?

Lorsqu'il arriva devant la porte et l'ouvrit, l'image de Ramis se forma dans son esprit. Son visage anguleux parfait, ses yeux tels des lingots d'or fin, son tatouage tribal sur le bras, et cette odeur diablement virile d'huile de santal et de romarin. 

Les pulsions de Kalen furent brusques lorsqu'il découvrit son patron assis sur le lit. Il s'élança vers lui. En deux pas, il rejoignit l'alité. Il captura les lèvres de son chef entre les siennes et soupira dans la bouche de son amant. Bon sang, que ce contact lui avait manqué.

Comme s'il avait été libéré de geôle, Ramis saisit le visage de Kalen entre ses mains et l'attira encore plus vers lui. On aurait dit qu'une tornade s'était déchaînée dans la pièce. Ils ne s'étaient jamais vus aussi affamés l'un de l'autre.

— On pourrait...on pourrait nous surprendre...grogna Ramis, prit lui-même dans les filets de cette dévorante passion.

— Je m'en branle ! répondit le veuf en se débarrassant de son tricot noir d'un coup de main.

Ramis sentit des libellules chatouiller son estomac. Kalen ouvrit violemment la robe de chambre bleue de son amant et parcourut son torse de ses mains froides. Ramis gémit, et fit glisser les siennes sur le dos nu de Kalen. 

Celui-ci sentit ses poils se hérisser en même temps que des électrons dansaient la samba sur chaque parcelle de sa peau. Au loin, on entendit un brancard passer à forte allure, accompagné de médecins sur le qui-vive.

— Kalen...susurra Ramis, lorsque ses lèvres se furent libérées. On ne devrait pas...pas ici, pas maintenant. Contrôle-toi...

— Il y a longtemps que j'ai perdu le contrôle. J'ai tant envie de toi, Ramis Winchester...

— Ne me dit pas ce genre de choses, répliqua le convalescent, tu sais à quel point ça m'attise.

— Je suis prêt à tout pour toi. Je le suis. Je t'en prie, ne me repousse pas. Je sais que je n'ai fait que ça, depuis qu'on se connait. Je n'ai fait que te repousser, et tu n'as jamais insisté. Mais aujourd'hui, je t'en prie, ne...okay, tu as raison, nous sommes dans un hôpital. Un infirmier pourrait surgir à n'importe quel moment. Tu viens de subir une ponction lombaire un peu compliquée. Et pour finir, (il suivit du regard un autre brancard qui passait par là) il y a un défilé de morts chaque minute. C'est en fait le pire moment et le pire endroit pour ça.

— Ça, tu l'as dit, rigola Ramis en réajustant sa robe de chambre.

— Quand je venais ici, ce n'était pas pour ça. Mais quand je t'ai vu, je n'ai pas pu m'empêcher de te sauter dessus comme un prédateur sur une proie. Tu me rends dingue. Je suis dingue de toi.

— Et...pourquoi venais-tu donc ici, sourit Ramis, si ce n'était pas pour me sauter dessus comme un prédateur sur une proie ?

— En fait, commença le brun, assis à califourchon sur son amant et se triturant les doigts. Je n'ai pas très bien compris ce que tu voulais dire par « Matteo est l'enfant que j'ai eu avec...Mickael... »

— Ah, rigola le chef, c'est pourtant simple. Mais désolé, c'est vrai que ça ne saute pas aux yeux directement. J'aurais dû être plus explicite. Vois-tu, Kalen, j'ai un secret dont très peu de personnes sont au courant. Tu veux le savoir ? plaisanta-t-il en un jeu de cils.

— Abrège le suspense, supplia le commis de cuisine, allez dis-moi !

— Ramis Winchester, avant, s'appelait Selena Winchester. Je suis un transsexuel...

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant