4 PLANIFICATION (SUITE)

157 29 11
                                    


— Je ne vois pas où vous voulez en venir, brailla Willow.

— Pensez-vous qu'Ingrid, si elle était en vie, aurait pu se rappeler de l'homme qui a kidnappé son enfant, en la croyant morte ?

— Mais Ingrid n'est plus en vie ! s'irrita la détective, qui trouvait les spéculations de monsieur Winchester tirées par les cheveux. Nous savons tous qu'Ingrid Winchester est morte.

— Oui, nous le savons, parla Ramis. Mais le reste du monde, non. Le principal mur auquel nous nous heurtons depuis six mois, c'est le fait que le kidnappeur reste dans son trou. Parce qu'il sait que nous n'avons rien contre lui. Aucune piste, aucun suspect, rien... mais s'il apprend qu'il y a ne serait-ce qu'une chance qu'il y ait eu un témoin oculaire, il ne sera plus aussi sûr de lui. Soit il essaiera de s'enfuir d'Amsterdam avec notre enfant, soit il essaiera de tuer le dit témoin oculaire, en occurrence Ingrid...

— Mais Ingrid est morte ! s'emporta Willow.

— Voici la nouvelle histoire que nous allons livrer au monde, continua Jéricho. Ingrid a survécu à l'accident. Elle se rétablissait à l'abri des caméras, dans un hôpital canadien, où elle recevait tous les soins nécessaires à sa guérison. Mais elle a tout vu cette nuit-là. Elle a vu le visage de celui qui a kidnappé son fils. Et même si c'est encore flou dans sa tête, elle travaille avec la police pour établir un portrait-robot. Et bientôt, elle retrouvera le coupable.

— Avez-vous quelqu'un d'assez convaincant pour jouer la doublure d'Ingrid ? demanda Willow en réajustant sa frange. Je dois avouer que votre plan peut aboutir à une nouvelle piste. Il s'agit de piéger le kidnappeur, si j'ai bien compris. « Gros nuage n'annonce pas toujours la tempête », comme on dit chez nous.

— Ingrid Winchester réapparaitra devant le monde entier aujourd'hui à midi, informa Jéricho. Abandonnez la perquisition, je veux une protection rapprochée pour madame Leonnie Dickez, celle qui jouera la doublure de ma fille. Je veux des contrôles à toutes les frontières, au cas où il essaierait de s'échapper avec l'enfant.

— La perquisition est...

— La perquisition est une piste abstraite. Moi, je vous propose du concret. Faites ce que je vous dis. 

Willow soupira, et leva les mains en l'air en signe de résignation.

— Comptez sur moi, dit-elle. Comme le dit un proverbe russe, « là où il y a une volonté, il y a un chemin »...

— ...et ce chemin mènera à notre enfant...

***

Lorsqu'elle rentra au bureau de la cellule d'enquête, Willow fut allégrement accueillie par Xander, qui brandit une feuille devant ses yeux. Il lui expliqua fièrement comment il avait convaincu le procureur Barthelemy de signer le mandat de perquisition, alors que ce dernier s'était montré réticent. Willow le gratifia d'un sourire, avant de s'emparer d'un sablé à la vanille dans la boite métallique à son bureau.

— Votre mari a aussi appelé, expliqua-t-il, il était inquiet. Je lui ai expliqué que vous étiez en réunion, raison pour laquelle vous ne preniez pas ses appels.

— Merci, sourit-elle en constatant elle-même les dix appels manqués de son mari. Kotchenko est un grand paranoïaque, doublé de psychopathie, plaisanta-t-elle. Il est capable de prendre l'avion de la Russie jusqu'ici, pour se rassurer que tout va bien. J'ai bien peur qu'il finisse par perdre la tête un jour.

— A propos de la perquisition, reprit Xander, alors que Willow avait les yeux rivés sur son téléphone, on peut y aller tout de suite, si vous voulez. Il va bientôt pleuvoir, mais si on y va on pourra être de retour avant l'averse.

— Il faut que je te dise, soupira Willow en s'emparant distraitement d'un autre sablé, les Winchester me veulent sur un autre plan. Je ne pourrais donc pas assurer la perquisition.

— Mais...j'ai galéré pour obtenir ce mandat, se morfondit Xander. On va laisser tomber ?

— Non, continua la détective en nouant ses cheveu châtains en queue de cheval, on ne va pas laisser tomber. Je sais qu'on est sur la bonne voie, et toi aussi tu le sais. Voilà pourquoi c'est toi qui feras la perquisition.

— Moi ? s'étonna Xander. Vous êtes sérieuse ?

— On ne peut plus. Tu connais mes méthodes par cœur, Xander. (Elle rigola à un message de son mari) Tu es la personne la mieux placée pour assurer la perquisition. Fais-toi confiance. Et n'oublie pas ; comme on le dit en Russie, « le sage a de longues oreilles, de grands yeux, et une petite langue. »

— J'ai peur de vous décevoir, avoua-t-il en nettoyant le cadran de ses lunettes. Mais je vais le faire. Et si vous avez vu juste et que l'enfant se trouve en la possession de Kalen Lachenaie, je vous le ramènerais, c'est promis.

— Tu me le ramèneras, j'en suis convaincue. 


LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant