LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)

18 INTENTION (SUITE)

— Lala, rappelle-moi dès que tu entends ce message. L'heure est putain de grave. Nous sommes démasqués, la détective est à vos trousses.

Puis seize minutes plus tard.

— Mais qu'est-ce que tu fais, bon sang ? J'espère qu'il ne t'est rien arrivé de grave. Et qu'en est-il de notre plan ? Mon équipe est déjà sur place et on attend plus que vous. A moins qu'il ne faille quitter la ville sur le champ. Je ne sais quoi faire. Rappelle-moi vite, je suis mort d'inquiétude.

Léaina n'eut pas le temps de répondre, que déjà elle aperçut une voiture noire entrer à vive allure dans le parking, pour se garer en trombe entre deux scooters. La rousse se baissa pour éviter de se faire remarquer. A travers le rétroviseur, elle aperçut une femme sortir du véhicule. Une frange auburn lui couvrait l'arcade sourcilière gauche. 

La nouvelle venue regarda à droite puis de l'autre côté avant de se faufiler vers la porte du personnel. Léaina ne pouvait pas la laisser tout gâcher. Elle ne pouvait pas la laisser se mettre à travers de leur chemin. Elle s'extirpa de sa voiture. 

Mais avant de fermer la portière, elle ouvrit la boite à gant. Elle en sortit un pistolet armé d'un silencieux et vérifia son chargement. Contrairement à Kalen, elle n'avait pas peur. Elle n'avait pas peur de tuer, si c'était pour sauver Matteo...

***

Kalen avançait à pas feutrés. Une perle de sueur froide lui frictionna l'échine. Il voyait sa proie malgré la pénombre. Elle était de dos. Il la reconnaissait. Elle ne le voyait pas approcher. Il avait un masque comme tout le monde. Elle aussi. Personne ne savait ce qu'il était sur le point de lui faire. 

Plus il approchait et plus il cernait chaque détail de sa silhouette. Ses cheveux blonds cacao. Sa robe blanche de Cléopâtre. 

Cléopâtre qui s'était donné la mort. 

C'était bien elle. Ingrid Winchester. Chaque pas le rapprochait d'elle. Aucun invité ne semblait se soucier de la présence de Kalen. Ils continuaient à danser au rythme de la musique envoutante, des flutes de champagne dans leurs mains. Kalen quant à lui ne perdit pas de vue son objectif. Il sortit une dague dissimulée sous sa blouse blanche ensanglantée, et continua d'avancer d'un pas lourd vers Ingrid Winchester.

Elle ne le voyait pas venir. Mais il gardait les yeux ostensiblement rivés sur elle. Plus il se rapprochait, et plus il cernait chaque détail de son déguisement. Les broderies dentelées sur l'échancrure de la robe. 

Les lueurs orangées qui se reflétaient sur les épaules nues de sa proie. Les perles nacrées de sa broche. Il voyait tout mais personne ne voyait rien. Personne ne voyait qu'Ingrid Winchester était sur le point de se faire enlever...

Lorsqu'il arriva près d'elle, il se rassura que Ramis n'était pas prêt de revenir. Il guetta toutes les entrées de ce fait, avant de se pencher vers sa proie. Elle avait un parfum sobre. Géranium et chrysanthème.

Le parfum de la mort.

— Ne faites aucun mouvement brusque, l'avertit-il en appuyant la lame de la dague sur l'une des côtes de la demoiselle. Ne vous retournez pas.

— Que fai...qui êtes-vous ? se raidit-elle. Ses doigts se crispèrent sur la flute de champagne ambré qu'elle tenait. Kalen sentit la respiration de la demoiselle s'arrêter progressivement. Ça y'est, pensa-t-il, il avait réussi. Il avait retrouvé Ingrid Winchester...

Mais tout le reste se passa très vite. La femme sous les traits d'Ingrid empoigna la main qui tenait le poignard. Elle balança sa tête en arrière et écrasa le nez de Kalen. Puis elle lui tordit le poignet d'un geste sec. Il lâcha son arme en rugissant de douleur. 

Les quelques festoyeurs qui avaient remarqué l'agitation se reculèrent. Un serveur passait par là avec un plateau rempli de verres vides. Kalen s'empara du plateau métallique et assomma violemment son adversaire. 

Le plateau se tordit en deux. Les verres se brisèrent sur le carrelage en attirant plus de regards interloqués. Sans attendre d'être arrêté, le brun s'enfuit au dehors en essayant de stopper son hémorragie nasale. La musique Dancing With A Stranger se déclencha dans la salle du bal.

Kalen entendait également la voix de Ramis derrière lui. Il lui ordonnait de s'arrêter. Mais jamais, pensa Kalen, jamais il ne s'arrêterait. Putain, il s'était fait piéger. Il bondit comme un dément dans la rue, songeant avec un arrière-goût de déception, qu'il avait échoué...