31. MANIPULATION

107 22 9
                                    


— Papa, puisque je te dis que ça va. Ils prennent bien soin de moi ici, pas besoin de me transférer à New-York, ou à Singapour. Ce n'était qu'une ponction sternale, pas l'ablation d'une tumeur cérébrale en phase terminale.

Jéricho soupira et se rassit sur sa chaise au chevet du lit de son fils. Dès qu'il avait appris que Ramis était à l'hôpital, il y avait foncé aussi vite qu'il avait pu. Il n'aurait jamais pu le supporter, si quelque chose de grave était arrivé à son dernier enfant en vie, au dernier héritier du Smaken. 

Mais grande fut sa surprise de savoir que son petit-fils avait finalement été retrouvé, et que c'était pour ce dernier que Ramis était hospitalisé.

— Il s'appelle comment, déjà ? s'enthousiasma le vieillard.

— Matteo, répondit son fils en souriant à travers ses paupières endormies. Il s'appelle Matteo.

— N'est-ce-pas ? Je suis si fier de toi, Ramis. Je suis conscient des sacrifices que ta sœur et toi avez dû faire pour que cet enfant soit en vie. Dommage qu'elle ne soit plus là pour voir le miracle que vous avez accompli. Tout en parlant, Jéricho serra la main de son fils entre les siennes.

— Merci papa...c'est grâce à toi que je suis ce que je suis devenu. J'ai vraiment de la chance de t'avoir. Nos efforts ont fini par payer, et nous avons retrouvé l'héritier des Winchester.

— On peut aller le voir, maintenant ?

— Je pense bien que oui, sourit Ramis en sortant de son lit. La réunion pour la campagne publicitaire du Smaken devait avoir lieu aujourd'hui. Qui as-tu choisi pour représenter le restaurant, compte tenu du fait que tu sois i...

— On ne parle pas affaire aujourd'hui, riposta Jéricho Winchester. Aujourd'hui, on ne parlera que de la famille.

Bientôt, ils arrivèrent dans la chambre où le bébé se reposait. Mais lorsque Ramis ouvrit la porte, il découvrit Léaina avec Matteo dans ses bras. Une sorte de tension naquit instantanément dans la pièce.

— Déposez cette enfant tout de suite ! ordonna le fondateur du Smaken. La rousse continuait de bercer l'enfant entre ses bras d'un air bienveillant, comme s'il n'y avait personne d'autre dans la pièce.

— Papa, calme-toi s'il te plait. Laisse-moi gérer ça. Léiana leva un sourcil vers Ramis, l'air de se demander comment il comptait « gérer ça ». Je peux avoir mon fils ? demanda-t-il d'une voix posée. La rousse se contenta de sourire en chuchotant des mots doux à l'enfant. S'il te plait, je veux prendre mon fils dans les bras.

— Vous savez ce qui m'a toujours énervé chez les gosses de riches ? soupira la courte femme en remettant le gamin dans son lit. C'est qu'ils croient toujours avoir la priorité sur tout. Vous m'avez vu avec l'enfant dans les bras, n'est-ce pas ?

— C'est mon enfant.

— Ah, rigola Léaina. Et ce n'est peut-être pas le mien aussi ? Parce que vous l'avez mis au monde, c'est votre enfant. C'est moi qui me réveillais chaque nuit pour changer ses couches et lui donner le biberon. C'est moi qui lui chantais des berceuses pour l'aider à s'endormir. 

"Je l'ai vu ramper, j'ai assisté à sa première poussée dentaire. Je l'ai couvert de tout l'amour dont une mère peut faire preuve. Alors, que vous veniez aujourd'hui pour me lâcher un « c'est mon enfant »...moi je m'en bats les fesses, vous voyez ? Etre parent, ce n'est pas enfanter. Être parent, c'est savoir aimer."

— J'aime Matteo, s'indigna Ramis. C'est ma chair et mon sang !

— Arrêtez de justifier l'amour par les liens du sang ! « c'est mon sang », l'imita-t-elle d'une voix niaise. Vous pensez que parce qu'il est votre sang, cela signifie que vous l'aimez plus que tout et tous ? Je suis capable de verser le mien pour sauver cet enfant. Vous, tout ce qui vous intéresse, c'est de sauver votre minable restaurant. Tout ce qui vous intéresse, c'est votre fortune...

— Je ne vous permets pas de...

— Moi je me permets, de vous dire que c'est honteux. C'est honteux, que vous ne voyiez cet enfant que comme celui qui conservera votre argent. Un enfant est un trésor, pas un trésorier. Matteo n'est pas un trésorier ! Son destin n'est pas de succéder à quelqu'un, ni d'hériter du Smaken. 

"Moi, je vois en Matt tellement plus que ça. Je n'ai rien à lui offrir, rien à lui promettre, sinon de le laisser faire ses propres choix dans la vie, et de le soutenir dans chacun de ces choix. Je n'ai pas d'argent, mais de l'amour. Pas de richesse, mais de la compréhension. Je ne lui promets aucune entreprise, mais juste d'avoir éternellement sa famille auprès de lui, malgré tout ce qu'il décidera..."

— Sauf votre respect...

— L'amour et la patience d'un parent, ça ne s'apprend pas en enfantant. Ça ne s'apprend pas sur la table d'accouchement, non."

" Quand on n'a pas encore dû courir à l'hôpital à deux heures du mat parce que son enfant se sent mal ; quand on n'a pas encore dû s'endetter jusqu'au cou pour payer des frais médicaux ; on ne peut pas encore dire qu'on aime. Vous n'avez pas encore le droit de dire que vous aimez cet enfant, termina-t-elle en se dirigeant vers la sortie. "

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant