Sa mère râlait encore et toujours quand elles entrèrent dans la salle de bal. La jeune femme entendit à peine qu'on annonçait son nom et que la foule se taisait pour détailler la future mariée. Elle venait de repérer les serviteurs qui versaient le vin dans les coupes que les invités tenaient tout en conversant. Ce qu'elle mourrait d'envie d'un verre ! Malheureusement ce dernier allait devoir attendre.
Avant elle fit le tour des convives et les salua un à un en échangeant quelques mots et des sourires avec chacun. Elle haïssait le protocole. Elle termina avec la bouche plus sèche que le désert et se jeta presque sur un domestique qui passait par là avec une cruche dans une main et un plateau en argent chargé de verres vides dans l'autre. Elle vida son verre cul sec et s'en resservit un autre aussitôt, qu'elle but plus lentement.
De nombreux invités vinrent discuter avec elle sans lui laisser une seconde de répit. L'estomac dans les talons à cause de sa nage qui l'avait épuisé, elle mangea régulièrement les petits gâteaux que des servantes présentaient aux invités. L'une d'elles avait compris qu'elle devait être affamée car elle revenait souvent pour lui permettre de piocher dans les amuses-bouches.
Elle commençait à en avoir assez de bavarder ici et là avec des inconnus dont elle se fichait éperdument quand les danses débutèrent. Une grimace de déplaisir lui plissa la bouche. Parler puis danser ? Quelle torture ! Surtout avec les talons hauts qu'elle portait. Tout ça pour paraître plus grande et plus élégante...Elle avait déjà mal aux pieds sans avoir effectué la moindre valse ! Conformément à la coutume, elle effectua la première danse au bras d'Ezimaël.
Il était élégant dans son costume doré et ses cheveux soigneusement gominés vers l'arrière. Mais derrière son sourire calme, Lisbeth sentit qu'il cachait quelque chose. Pendant qu'ils évoluaient sur le parquet lustré sous l'attention aiguisée des convives, elle remarqua qu'il regardait dans le vide. Ses grands yeux bleus brillaient à la lumière des lustres et des chandeliers mais elle n'y décelait aucune étincelle de plaisir ou d'amusement. Il se forçait à être aimable en sa présence comme à son habitude mais elle le trouva effacé et songeur. A tel point qu'elle finit par demander :
- Est-ce que tout va bien ?
Le prince sursauta, comme s'il venait de se rappeler de sa présence alors qu'ils dansaient l'un contre l'autre. Il répondit sans perdre le sourire :
- A merveille. Et vous ?
Lisbeth leva les yeux au plafond. Non seulement il mentait mal mais en plus il continuait de la vouvoyer. A vrai dire, elle ne lui avait jamais demandé de faire le contraire. En retenant une bruyante expiration, elle dit :
- Si tu te sens mal tu n'as qu'à me le dire.
Il hésita avant de répliquer :
- Je ne me sens pas mal. Mais je vous préviendrais sans faute si je sens une crise se profiler à l'horizon.
Elle se fit violence pour ne pas hausser le ton et lui crier qu'il ne s'agissait pas de ça et qu'elle n'était pas dupe. La jeune femme se contenta d'un hochement de tête. Après tout les problèmes d'Ezimaël n'étaient pas les siens. Les musiciens enchaînèrent avec une autre valse et elle changea de cavalier. Elle atterrit entre les bras du roi Médéril.
- Ta robe est très belle Lisbeth.
Elle le remercia par un sourire poli. En effet sa longue robe argentée la mettait bien plus en valeur que l'affreuse horreur froufrouteuse qu'elle devrait porter le lendemain.
- Pas trop nerveuse ? s'enquit le père de son fiancé.
- Non, mentit-elle. Et vous, comment étiez-vous la veille de votre mariage ?
- Mort de peur, lui avoua le roi avec un regard complice.
- Est-ce que vous aimiez encore Praeslia à cette époque-là ?
La question avait fusée sans qu'elle y prenne garde. Le monarque du royaume des Dragons pâlit subitement et arrêta presque de danser. Il se reprit rapidement et murmura :
- Je suppose qu'Aymeric vous l'a dit alors. Ce n'est pas une affaire qui concerne une jeune femme la veille de son mariage.
Donc il aimait la déesse de la guerre au moment où il avait épousé la mère d'Ezimaël. Son interrogation en entraîna une autre, sans doute toute aussi impertinente :
- Êtes-vous heureux ?
Le roi, surprit, eut un moment de réflexion avant de déclarer avec un léger rictus :
- Ça dépend des jours, comme tout à chacun.
Entre le père et le fils, il n'y en avait pas un pour attraper l'autre ! Ils ne pouvaient pas donner des réponses claires, comme tout le monde ? Elle aurait aimé le questionner d'avantage mais une nouvelle danse la transporta dans d'autres bras. En tant que principale attraction de la soirée, tous les hommes tenaient à obtenir une danse avec elle. Tous sauf un. Et malgré ses efforts pour s'éviter, ils se retrouvèrent l'un en face de l'autre.
Alaman resplendissait dans sa tenue rouge. Comme toujours ses cheveux étaient coiffés en une tresse impeccable. Ils se rapprochèrent en échangeant une œillade chargée de menaces. Ce qu'elle adorait ses yeux noirs pleins d'éclairs ! Elle frissonna quand il posa une main sur sa taille et utilisa l'autre pour s'emparer de ses doigts. Ceux d'Alaman étaient chauds contre les siens. Voilà au moins une danse qu'elle serait en mesure d'apprécier pleinement cette nuit.
Ils ne prononcèrent pas un mot pendant qu'ils valsaient. L'atmosphère étrangement tendue oppressait Lisbeth et lui donnait des idées qu'elle aurait préféré chasser de son esprit. Elle s'efforçait de ne pas le dévorer du regard. De son côté Alaman non plus ne la quittait pas des yeux. Il semblait perplexe. Alors qu'avec les autres danser avait duré une éternité, sa valse en compagnie d'Alaman passa en un battement de cœur. Elle le lâcha avec réticence et, trois danses plus tard, perdit patience.
Elle s'empara d'un verre de vin et le vida. Elle en prit un quatrième et se dissimula sur un des balcons, en quête de fraîcheur. Le bruit des conversations et de la musique s'estompa une fois à l'extérieur. D'autres convives parlaient à voix basse, accoudés au rebord de pierre.
Il s'agissait avant tout de couples ou au moins d'invités qui passeraient une bonne soirée après le bal. Les chuchotements amoureux, les caresses furtives et les gloussements irritants la poussèrent à retourner dans la salle de bal. Elle manqua de rentrer en collision avec son père qui s'écarta d'un bond pour éviter l'impact.
- C'était donc là que tu te cachais ? demanda t-il.
- J'avais besoin de me rafraîchir un peu. Il fait trop chaud à l'intérieur.
- Dire que je te cherchais aux quatre coins de la salle !
- Pourquoi ? s'étonna la princesse.
- Je me demandais si tu voulais bien accorder une danse à ton vieux père.
Elle accepta sans hésiter alors que ses pieds pulsaient de douleur dans ses chaussures. Elle jurait avoir déjà au moins cinq ampoules. Mais l'idée de danser avec son père éclipsa la douleur. Il l'entraîna vers la piste de danse et ils valsèrent une fois, puis une seconde et une troisième. Pendant qu'ils tournoyaient au rythme de la musique, son père déclara :
- Tu ne sembles pas nerveuse.
- Je devrais ?
- J'étais très anxieux avant d'épouser ta mère.
- Comment est-ce qu'elle était le jour de votre mariage ?
- Elle pleurait, répondit son père avec un sourire nostalgique. Mais pas de tristesse, plutôt de rage. Je crois qu'elle ne m'aimait pas beaucoup. Voir même pas du tout. J'ai déployé tous les efforts possibles et imaginables pour la conquérir. Et après deux ans, elle a enfin consentit à m'accorder une chance.
- Et toi, tu l'aimais déjà ? Insista Lisbeth.
Elle n'avait jamais posé de questions sur le mariage de ses parents auparavant. Tout comme le sien, le leur était aussi politique. Une union pour renforcer les liens entre Hangaï et Alembras et ainsi éviter une nouvelle guerre entre les deux royaumes. Il n'y avait aucun sentiment là-dessous mais contrairement à elle, sa mère avait tempêté. A sa plus grande surprise, son père dit :
- Comme un fou. Je l'ai aimé dès notre première rencontre. Peut-être quand elle m'a lancé sa tasse de thé au visage. Ou quand elle m'a giflé en disant que jamais elle ne serait ma femme. Elle avait, et a toujours, un tel tempérament. C'est une femme forte. Tu tiens beaucoup d'elle.
- Vraiment ?
- Oui. Toi aussi tu contestes ce qui ne te paraît pas juste, à ta manière. Tu as hérité du côté rebelle de ta mère et de ma subtilité, ce qui rend tes actions parfois compliquées à décrypter. Je suis persuadé que tu vas nous impressionner dans un futur proche.
- Je ne vais impressionner personne en restant à jamais au royaume des Dragons.
Un sourire mystérieux étira les lèvres de son père.
- Allez savoir, murmura t-il.
Leur valse s'arrêta à ce moment-là et il lança :
- File donc prendre l'air. Tu as l'air à bout de souffle. A cette heure de la nuit les jardins aux alentours du palais sont vides et très rafraîchissants.
Elle saisit l'autorisation de son père pour quitter cette réception au vol. Elle sortit le plus dignement possible en dépit de ses pieds qui criaient grâce. Les couloirs du palais étaient déserts et elle ne rencontra que de rares serviteurs qui allaient et venaient entre les cuisines. Dehors, quelques torches brûlaient pour éclairer les alentours et des gardes discrets effectuaient des rondes. La lune et les étoiles demeuraient invisibles ce soir, masqués par d'épais nuages annonciateurs de mauvais temps. L'air sentait la pluie.
Lisbeth ôta ses chaussures en retenant un gémissement de douleur. Les élancements dans ses pieds se calmèrent quand elle marcha sur l'herbe tendre. Elle se dirigea vers une partie des jardins où on ne risquait pas de la voir depuis les balcons ou la salle de bal.
C'était un endroit un peu plus sauvage avec de nombreux arbres et buissons qui dissimulaient des bancs ou des bassins. L'endroit idéal pour se dissimuler aux regards. Lisbeth s'y engagea dans le but de trouver un point d'eau dans lequel tremper ses pieds torturés.
Elle progressait en silence dans la nuit fraîche quand des chuchotis attirèrent son attention. Elle aurait continué son chemin si l'une des voix ne l'avait pas interpellé à cause de sa ressemblance avec celle d'Ezimaël. Curieuse, elle hésita puis se dit que ce n'était pas ses affaires et reprit sa quête, plus importante que la vie de son futur époux. Elle effectua un détour mais les chuchotements se poursuivaient. Le prince ne devait pas être loin. La jeune femme avisa finalement un bassin à quelques pas d'elle mais, au moment de se rapprocher, elle aperçut deux personnes assises sur un banc juste en face.
Elle se cacha derrière un arbre tout proche et tendit la tête. Comme elle le pensait, il s'agissait bien d'Ezimaël et de...Zacharie ? Pourquoi est-ce que le prince du royaume des Dragons discutait avec le jeune homme originaire du désert ? Des flambeaux plantés aux angles du bassin les éclairaient assez bien pour qu'elle puisse voir leurs expressions.
Et Ezimaël était l'incarnation même de la tristesse. D'ailleurs il pleurait. Lisbeth songea à faire demi-tour, trop embarrassée d'assister à cette scène. Mais un geste de Zacharie la statufia. Le jeune homme caressa tendrement la joue d'Ezimaël pour essuyer ses larmes.
Elle avait beau ne pas être une experte dans le domaine sentimental, elle savait que c'était plus qu'amical. Paralysée de surprise, elle continua de regarder. Au lieu de le repousser, Ezimaël laissa les doigts du chevalier dragon glisser jusqu'à son menton et le relever tendrement. Est-ce que c'était vraiment ce qu'elle croyait que c'était ? Non, impossible...Mais quand les deux jeunes hommes s'embrassèrent, elle fut obligé de se rendre à l'évidence : son fiancé était homosexuel. Elle s'attendait à beaucoup de choses. Beaucoup mais pas celle-ci.
Elle se détourna avec le rouge aux joues quand le baiser entre Ezimaël et Zacharie s'intensifia. Faire ça dans les jardins, quelle audace ! Elle fit demi-tour en toute discrétion, confuse. Si elle avait su ! Non seulement les femmes n'attiraient pas son futur mari mais en plus il aimait déjà quelqu'un. Quelqu'un qu'elle connaissait bien qui plus est ! Elle appréciait Zacharie même si elle ne lui avait pas dit plus de deux phrases, à cause de son dévouement aux autres et de sa douceur perpétuelle qu'il offrait sans retenue.
La tête bourdonnante, elle s'efforça de reprendre ses esprits. Après tout elle avait déjà lu, avec une certaine avidité, de la littérature mettant en scène des relations amoureuses entre personnes du même sexe. En secret bien entendu, comme ces livres étaient interdits et circulaient sous le manteau. Sauf que l'imaginaire n'avait rien à voir avec la réalité.
Devant ses yeux repassait en boucle ce baiser tendre. Et plus elle le ressassait, plus elle prenait conscience de la tristesse de la situation. Pauvre Ezimaël, pauvre Zacharie ! Condamnés à être séparés alors qu'ils s'aimaient...Plongée dans ses réflexions, elle ne vit pas la personne face à elle et la heurta au niveau de l'épaule.
- Excusez-moi, murmura t-elle d'une voix songeuse.
- Décidément on arrête pas de se rencontrer aujourd'hui, déclara Alaman.
Un frisson lui hérissa tout le corps et elle leva les yeux vers le visage du rouquin plongé dans la pénombre.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? chuchota t-elle.
- Je cherche Zacharie. Pourquoi est-ce que tu parles aussi bas ?
Elle le frappa sur le torse en sifflant tout bas "chut". Elle ajouta :
- Zacharie n'est pas ici.
- Vraiment ? Je suis persuadé de l'avoir aperçu se diriger par là tout à l'heure.
Il passa devant Lisbeth, droit en direction de l'endroit où se cachaient les deux amants. Lisbeth ne pouvait pas le laisser les troubler ! C'était leur dernière nuit ensemble, leur dernière chance d'exprimer leur affection sans faire preuve d'adultère ! Aux grands maux les grands remèdes ! Elle saisit Alaman par la tresse et le tira sans ménagement. Avant que le rouquin puisse protester et faire trop de bruit elle plaqua une main sur sa bouche.
- Silence ! ordonna t-elle. Tu ne vas pas là-bas. Zacharie est occupé, compris ?
Quand elle fut certaine qu'Alaman ne hurlerait pas, elle retira sa main.
- Occupé ? Occupé dans quel sens ?
- Le sens qui accapare souvent toute ton attention.
- Oh, fit le jeune homme. Quel cachottier ! Tu as vu l'homme avec qui il est ?
- Comment tu sais qu'il s'agit d'un homme ? s'étonna Lisbeth.
- Parce que je connais l'orientation sexuelle de Zacharie. Alors, avec qui est-il ?
- Ça ne te regarde pas ! Laisse-le tranquille !
- Je croyais que tu ne portais pas les homosexuels dans ton cœur, lança Alaman avec une pointe de dédain.
Il prenait vraiment tout ce qu'elle disait au pied de la lettre ! Au moins, sa réaction prouvait qu'elle jouait bien son rôle de peste imbuvable. Alaman se détacha d'elle et marcha vers le lieux qu'elle venait juste de fuir. Elle lui emboîta le pas, contrariée.
- À quoi tu joues ?
- Je veux juste vérifier avec qui Zacharie passe un si bon moment.
- C'est de la curiosité mal placée !
- Non. Un ami se doit de vérifier si le coup de cœur d'un de ses proches est fiable.
Lisbeth ricana et marmonna :
- Comme si tu avais l'œil pour ces choses-là.
- Tu n'en a aucune idée, s'offusqua le jeune homme.
- Tu as couché avec moi, lui rappela Lisbeth.
Il marqua un temps d'arrêt avant de répondre :
- On a tous droit à une erreur une fois dans notre vie.
Une erreur ?! Pour la peine, elle le frappa dans le tibia. Il poussa un cri de douleur muet. Arrivés à proximité du couple, ils se cachèrent de nouveau derrière l'arbre où Lisbeth se tenait quelques minutes auparavant. Alaman jeta un œil mais Lisbeth s'abstint. Les affaires des deux amoureux ne la concernaient pas et elle craignait ce qu'elle pourrait découvrir.
- Eh bien mon petit Zacharie ! commenta Alaman dans un filet de voix. Glisser ta main à cet endroit...
- Voyeur pervers, le réprimanda Lisbeth.
- Ne t'inquiète pas, elle est sous la chemise de son prétendant, pas sous la ceinture...
La princesse le frappa de nouveau au milieu du dos.
- Par contre je n'arrive pas à voir le visage de l'autre...S'ils pouvaient se lâcher deux secondes... Lisbeth poussa un soupir et chuchota près de l'oreille du jeune homme :
- J'ai une information pour toi : celui qu'il embrasse avec une telle ferveur va se marier demain.
La mâchoire d'Alaman sembla sur le point de se décrocher. Il fixa Lisbeth avec des yeux ronds comme s'il la suspectait de mentir.
- Ezimaël ? demanda t-il.
- Mon fiancé en personne.
- Il me semblait bien qu'il regardait souvent Zacharie et qu'il n'était pas indifférent. Mais de là à les retrouver l'un dans les bras de l'autre...
- Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, laisse-les.
- Tu n'as pas l'air très ébranlée pour quelqu'un qui vient de découvrir que son futur époux aime les hommes.
- S'il est heureux comme ça je ne peux pas le blâmer.
Elle s'éloignait quand Alaman lançait tout bas :
- C'est bizarre...Ça t'arrive d'avoir un excellent caractère tout comme d'être la pire des pestes. Je n'arrive pas à te cerner.
- Alors ne le fais pas, rétorqua t-elle en jetant un regard au rouquin par-dessus son épaule.
Comme elle ne regardait pas ce qui se trouvait devant elle, son pied appuya sur un caillou pointu caché au milieu des herbes et des ombres. Elle se mordit l'intérieur de la joue et commença à sautiller en se retenant d'insulter cette stupide pierre. Alaman commença à rire silencieusement en la pointant du doigt. Lisbeth, vexée et sa dignité froissé, ramassa le petit caillou et l'envoya sur le rouquin. Celui-ci le lui rendit et ils commencèrent à se battre en s'envoyant des gravillons et des mottes de terre.
La vengeance initiale de Lisbeth se changea en jeu et les jardins en champ de bataille. Ils se déplacèrent parmi les buissons et se servirent des arbres pour se cacher l'un de l'autre.
Ils créaient des fausses pistes, tendaient des embuscades, demeuraient à l'affût du moindre bruit indiquant la position de l'ennemi. Alors que Lisbeth attendait l'arrivée d'Alaman, accroupie derrière un buisson avec une pierre au poing, une silhouette massive de laissa tomber d'une branche au-dessus de sa tête.
Alaman s'abattit droit sur elle, la prenant par surprise. Ils roulèrent sur plusieurs mètres, elle pour tenter d'échapper à l'étreinte du jeune homme et lui pour l'immobiliser. Elle n'allait pas le laisser gagner si facilement ! Ils terminèrent leur roulade droit dans un bassin.
Ils basculèrent dans l'eau froide et la respiration de Lisbeth se suspendit tandis que son corps se glaçait. Sa robe devint lourde. Alaman l'écrasait sous lui mais heureusement le bassin n'était pas profond. Elle s'aida de ses coudes pour se redresser et l'eau lui arriva à la poitrine. Elle reprit son souffle mais le visage d'Alaman à quelques centimètres au-dessus d'elle ne l'aida pas à recouvrer ses esprits.
À la lueur des flambeaux, ses yeux noirs luisaient intensément. À cause de leur confrontation son cœur battait la chamade. Elle avisa les lèvres du jeune homme et se demanda : pourquoi pas ? Juste une dernière fois, avant demain. Si Ezimaël s'octroyait ce droit, pourquoi pas elle ? Alaman la repousserait probablement mais elle ne voulait pas laisser passer cette chance.
Elle tendit le visage vers lui et approcha sa bouche de celle du jeune homme. Elle n'était qu'à un souffle de lui et il ne réagissait pas, comme figé dans la glace.
Mais quand elle l'embrassa, sa peau était tiède et douce. Une chaleur diffuse chassa le froid qui s'était infiltré dans son corps. Elle tressaillit quand la main d'Alaman se posa sur une de ses hanches. Elle ferma les yeux en laissant ses doigts caresser le cou du jeune homme et plonger dans ses cheveux. Alaman ne se rétracta pas. Sa réaction l'étonnait car elle pensait qu'il la détestait. Mais au fond cela n'avait aucune importance pour le moment. Il n'y avait plus que lui, elle et ce baiser qui se prolongeait. Lorsqu'il commença à se détacher d'elle, elle pensa que c'était fini.
Puis quelque chose de doux, chaud et humide effleura timidement ses lèvres closes. Son cœur rata un battement mais elle ouvrit la bouche, autorisant la langue d'Alaman à entrer. Il l'embrassa langoureusement et passa son autre main derrière sa nuque en plaquant son corps contre le sien. Lisbeth étouffa un gémissement de plaisir. Elle n'avait qu'une envie : ne plus lâcher Alaman. Elle laissa sa main quitter les cheveux du jeune homme et descendre à l'assaut de son torse. Elle commençait à le déshabiller quand une goutte de pluie glacée s'écrasa sur son front.
Elle sursauta et en un battement de cil, des trombes d'eau venues du ciel se déversèrent sur eux, douchant leur désir. Ils se repoussèrent brutalement. Alaman lui lança un regard confus et bafouilla, incapable de remettre de l'ordre dans ses pensées. Lisbeth lui épargna cette peine. Elle se releva et dit :
- Nous ferrions mieux d'aller nous mettre à l'abri.
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Chevalier dragon : Tome 3 : Le crépuscule du monde
FantasyDe retour de mission, Aymeric et ses compagnons n'ont pas le droit au repos. Ils partent seconder leurs aînés à Ronto, où un mal mystérieux plongent les dragons dans une rage profonde. L'arrivée soudaine du roi de Talenza et les nouvelles inquiétant...