Chevalier dragon : Tome 3 : Le crépuscule du monde

Chapitre 38 : A fleur de peau

Aymeric se redressa dans son lit, trempé de sueur et le dos douloureux. Devant ses yeux dansait encore le regard jaune du dragon, cerné de flammes. Dans ses oreilles résonnaient toujours le cri de Lysange tandis qu'on l'enlevait loin de lui. Lysange ! Il effectua un mouvement pour repousser ses couvertures et grogna. La peau de son dos le tirait affreusement. Il remarqua son torse, enveloppé dans des couches de bandage. Sa défaite refit surface et le percuta comme un coup de poing. Son souffle se bloqua dans sa gorge tandis que la scène se rejouait dans son esprit. Il avait perdu. Pour la première fois de son existence, on lui avait fait mordre la poussière. A cause de sa faiblesse, son ennemi avait enlevé sa compagne. Il crispa les doigts sur le drap, bouillonnant de fureur mal contenue.
Il se leva précautionneusement et s'habilla en veillant à ne pas tirer sur sa blessure, les mains agitées de spasmes nerveux causés par sa rage. Il reconnut le décor du petit hôpital du château des gardes et comprit qu'on l'avait rapatrié d'urgence suite à sa défaite. Un des médecins remarqua qu'il tentait de se lever et le houspilla :
- Sire Aymeric, votre blessure guérit peut-être à une vitesse phénoménale mais vous avez encore besoin de repos.
- Je n'ai pas le temps pour ça, répondit rudement le chevalier.
Le médecin leva les yeux au ciel en grommelant des paroles incompréhensibles. Puis il ajouta :
- Allez au moins prendre un bon repas. Vous en avez besoin.
Il ne fallait pas le dire deux fois à Aymeric car la faim creusait son ventre tout autant que la colère. Il fila en direction du château sans se ménager. L'air hivernal lui glaça le visage sans pour autant éteindre le feu haineux qui le consumait. Une couche de neige d'une trentaine de centimètres recouvrait les alentours, lui rappelant désagréablement Ronto. Heureusement la chaleur qui se dégageait des cuisines chassa vite le froid et lui apporta un semblant de réconfort.
Les délicieuses effluves de nourriture lui mirent l'eau à la bouche tout en chassant un peu les soucis obscurs qui planaient dans son esprit. Son ventre manifesta son impatience avec un grondement sourd. Le chef se précipita sur lui pour prendre de ses nouvelles, soucieux de le découvrir debout alors qu'il était «arrivé plus mort que vif» selon ses dires. Il lui offrit presque une marmite de ragoût pour lui tout seul et Aymeric engloutit tout en élaborant mille et une hypothèses sur ce qui s'était produit suite à sa perte de connaissance. Il avalait les dernières bouchées quand Hydronoé fit irruption dans les cuisines.
- Tu aurais pu me prévenir que tu quittais l'hôpital ! s'exclama le dragon d'eau. Sans le lien je t'aurais cherché partout ! Pourquoi tu n'es pas resté tranquille ?
- Désolé, j'avais autre chose en tête...
- Ça va aller ? demanda son frère en se radoucissant. Comment est ta blessure ?
- En bonne voie de guérison d'après ce qu'on m'a dit...Depuis combien de temps sommes-nous rentrés ?
- Presque une semaine. Tu étais aux portes de la mort, c'est un miracle que tu sois vivant. On peut remercier ta moitié divine.
- Quelle est la situation à Ronto ?
- La moitié de la ville est partie en fumée, dont les quartiers infectés. Beaucoup de personnes ont péri dans les flammes. Depuis, plus de traces de l'épidémie. La ville va rouvrir ses portes et la vie reprendra son cours.
- Et...Et Lysange ? osa finalement s'enquérir Aymeric.
La mine de son jumeau s'assombrit. Le cœur d'Aymeric sombra dans sa poitrine.
- Je suis désolé. Il n'y a aucune trace d'elle.
- Aucune trace ? Comment ça, aucune trace ? C'est impossible ! protesta le demi-dieu en plaquant les mains sur la table face à lui. Ourania devrait la détecter grâce au lien ! Sauf...Sauf si...
- Si elle est prisonnière dans dans un lieu à proximité du minerai qui bloque le lien. Viens avec moi si tu as fini de manger, je vais te montrer quelque chose qui va te remonter le moral.
Aymeric emboîta le pas à son jumeau, qui le guida jusqu'à la salle des cartes. Le jeune homme fronça les sourcils en découvrant l'ensemble de ses compagnons d'armes présents dans la petite pièce, penchés au-dessus d'une carte du continent. Ils arrêtèrent de débattre et Alaman s'écria :
- Aymeric ! Tu vas bien ? On a tous cru que tu allais casser ta pipe !
- Al', ce n'est pas vraiment la formulation adéquate pour se réjouir du bon rétablissement de quelqu'un, intervint Lisbeth.
Ses amis vinrent tous lui donner une accolade avec une mine aussi soulagée que navrée, avant de replonger le nez dans leur carte. Le demi-dieu s'approcha à son tour. Il remarqua des zones colorées en rouge, surtout aux alentours de Ronto, mais aussi d'autres en orange, ici et là.
- Qu'est-ce que vous essayez d'étudier ? Que représentent ces aires en couleur ? questionna t-il avec une pointe de scepticisme.
- En rouge se sont les endroits où nous avons cherché Lysange. Et en orange les lieux où elle est le plus susceptible d'être retenue. expliqua Zacharie.
Aussitôt Aymeric se redressa, débordant d'émotions. Ils avaient déjà commencé les recherches ? Ce n'était pas si étonnant en y réfléchissant bien. Lysange était comme une sœur pour eux, un membre irremplaçable de leur groupe. Aymeric se concentra de nouveau du le plan. Il y avait une bonne dizaine de zones orange, dont la plupart dans les hauteurs, au niveau des montagnes.
- C'est là où se trouvent des filons du minerai qui arrive à dissimuler le lien, anciennement connue sous le doux nom de Zytalite. Lysange doit être détenue dans un lieu de ce genre, dit Alaman.
- Nous hésitons aussi à ajouter les zones plus inhabitées aux confins du continent, déclara Gébald.
- Commençons par les localisations les plus vraisemblables, proposa Aymeric. Nous élargirons les aires de recherches si nous échouons à découvrir quoique ce soit dans celles-ci.
Une énergie nouvelle l'envahit et le courage revint dans son cœur. Ses amis le soutenaient ! Ensemble rien ne leur était impossible, ils retrouveraient Lysange ! Sa compagne reviendrait à leur côté et ils pourraient reprendre leur lutte contre la fin du monde.