Chapitre 3

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Les jours passent et se ressemblent à la boutique. Les mêmes gestes répétitifs, les mêmes clients habituels, les mêmes conversations anodines. Pourtant, une étrange nervosité semble s'être installée en moi depuis cette rencontre. Je range les boîtes de conserve sur les étagères, scanne les produits à la caisse, mais mes pensées sont ailleurs, toujours ramenées à cet homme. Ce visage, ces yeux d'un bleu glacé, ce sourire espiègle, presque dangereux.

Dehors, la neige continue de tomber sans relâche, recouvrant tout de son épais manteau blanc, étouffant les bruits, transformant la forêt qui entoure la boutique en une scène immaculée. Les flocons dansent doucement devant la vitrine, et je me surprends à les fixer, complètement perdue dans mes pensées.

Qui est-il ?

Cette question tourne en boucle dans mon esprit depuis cette fameuse nuit. Ses traits, son allure, son attitude... tout chez lui m'a marquée d'une manière que je ne m'explique pas. Je ne parviens pas à l'oublier, comme s'il avait laissé une empreinte indélébile dans ma mémoire. Je secoue la tête, agacée par mes propres pensées. Pourquoi est-ce que je pense encore à lui ? Il n'était qu'un inconnu, un type un peu arrogant avec un sourire en coin et un regard perçant. Rien de plus. Pourtant, à chaque fois que j'essaie de chasser son image, elle revient, plus vive, plus insistante.

Je ferme un carton, m'appuyant un instant contre l'étagère. Mon regard se perd à nouveau, cette fois sur la route enneigée qui s'étend au-delà de la boutique. Une fine brume monte des arbres, et tout semble étrangement paisible, presque irréel.

Quel âge peut-il avoir ? Je me demande, me mordillant la lèvre. Certainement dans la vingtaine, peut-être mon âge. Pas plus de 23 ans, c'est sûr. Il avait ce quelque chose de jeune, mais pas trop, avec une assurance que peu de gens de notre âge ont encore. Et son nom ? Je n'arrête pas d'y penser. Il ne me l'a pas dit, et je n'ai pas osé insister. Mais pourquoi ? Pourquoi ce mystère, ce silence volontaire, ce petit jeu ? Je laisse échapper un soupir, soudain frustrée. Pourquoi est-ce que je m'attarde autant sur lui ? Il ne devrait pas occuper mes pensées de cette façon. Je devrais être en train de me concentrer sur autre chose : le travail, ma famille, mes angoisses qui sont encore là, tapies dans l'ombre, prêtes à resurgir à tout moment. Pourtant, tout ce que je vois quand je ferme les yeux, ce sont ses yeux à lui. Ce regard, froid et perçant, mais aussi... fascinant.

Un tintement retentit. Le bruit familier de la porte de la supérette qui s'ouvre. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, une part de moi espérant presque... mais non, ce n'est qu'une habituée du quartier. Une femme âgée qui vient tous les deux jours acheter son pain et quelques provisions. Je lui souris poliment, même si je sens encore cette vague de déception me submerger. J'essaie de me ressaisir, de me concentrer sur le présent, mais la routine quotidienne a perdu de son sens depuis qu'il a croisé ma route.

La cliente prend son temps, fouillant dans les rayons comme à son habitude. Je m'occupe derrière le comptoir, essayant de me replonger dans le travail, mais mes pensées retournent sans cesse à cette nuit glaciale et à cet inconnu. Pourquoi est-ce que je ressens ce besoin étrange de savoir qui il est ?

Dès qu'elle a payé et quitté la boutique, le silence retombe. Les flocons continuent de danser doucement derrière la vitre, et moi, je suis de nouveau seule avec mes pensées. Je sors mon carnet de notes de sous le comptoir. C'est là que j'écris ce que je ressens, mes pensées confuses, mes angoisses que je n'arrive pas toujours à verbaliser. Ces dernières semaines, il est devenu mon refuge, l'endroit où je peux être complètement honnête sans craindre le jugement. Et aujourd'hui encore, je sens que j'ai besoin de poser ces mots qui me pèsent.

Pourquoi est-ce que je pense à lui ?

Je gribouille ces quelques mots sur la première page vierge du carnet, puis je reste un moment à fixer l'encre noire qui s'étale sur le papier. La question semble plus importante que je ne le pensais. Ce n'est pas juste de la curiosité. Quelque chose en moi s'est réveillé ce soir-là, quelque chose que je ne comprends pas encore. Je mords l'extrémité de mon stylo, plongée dans mes réflexions. Chaque fois que je revois son visage en mémoire, je me sens tiraillée entre l'envie de le revoir et la peur de ce que cela pourrait signifier. Peut-être qu'il est juste une distraction, un fantasme éphémère, une manière pour mon esprit de se détourner de mes angoisses plus profondes. Mais en même temps, il y a quelque chose chez lui, une intensité que je n'arrive pas à oublier.

Obsession MortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant