La sixième planète, située au début de notre voyage à 6 300 millions de kilomètres, ne se trouvait plus qu'à 4 200 millions de kilomètres. Nous n'avions parcouru qu'un tiers du trajet et allions encore dériver dans le vide spatial durant une éternité avant d'atteindre notre destination ! Lorsque mon tour de quart toucha à sa fin, je fus relevé par le numéro 7. Nous n'échangeâmes que les quelques phrases routinières.
— Tu n'as pas eu d'ennuis ? me demanda-t-il. Pas de gros cailloux sur notre route ?
— Non, tout est en ordre, lui répondis-je. Contact établi avec les balises...
Nous approchions en effet des premières petites colonies, installées sur la ceinture d'astéroïdes. Celle-ci avait autrefois dû être une des planètes de notre système solaire. Elle avait probablement été détruite lors d'une gigantesque collision interstellaire !
La tâche de mon successeur s'avérait bien plus ardue que la mienne. Il lui faudrait naviguer, avec extrême prudence, en empruntant l'un des couloirs permettant de traverser cette zone dangereuse, sans heurter l'un des nombreux rochers qui flottaient aux alentours.
Je décidai de le seconder durant les premières minutes de son quart afin de pouvoir admirer, à ses côtés, le spectacle fantastique qu'offrait cet énorme mur de roches, de formes et de tailles diverses. Notre ordinateur avait établi le contact avec les balises du couloir. Les messages d'identification de notre code d'accès résonnaient dans les haut-parleurs du poste de commande. Ils venaient nous rappeler que nous n'étions plus seuls dans le vide spatial...
Des hommes et des femmes avaient été envoyés ici, au milieu de nulle part, sur l'un des premiers gros astéroïdes abritant ce petit poste de contrôle. Ils avaient pour mission d'assurer le trafic, très dense, dans ce véritable goulot permettant de traverser cette zone extrêmement dangereuse ; ainsi que de faire en sorte qu'aucun vaisseau pirate n'emprunte le couloir dont ils assuraient la garde.
Nous pûmes distinguer les lumières de leurs installations au sein du dôme qu'ils occupaient. Ce dernier se situait dans une grosse aspérité, à la surface d'un des plus grands astéroïdes qui nous entouraient. Pour un bref instant, je me sentis bien fortuné et heureux de la tâche que le Système Préparatoire m'avait assignée en la comparant à celle de ces malheureux, condamnés à vivre dans un tel endroit !
D'énormes batteries laser pointaient les bouches de leurs canons vers nous, nous rappelant ainsi que la toute puissante Fédération veillait en permanence sur notre sécurité. Ce fut animé par ces pensées positives que je me rendis vers notre espace de repos pour y entamer une courte, mais bien agréable, période de sommeil...
Nous arrivâmes, après une dizaine d'autres longs et monotones tours de quart, au but de notre mission... Les anneaux de la sixième planète s'avançaient majestueusement vers nous. Ils constituaient sans doute la structure la plus plate existant dans notre système solaire et couvraient une distance égale à celle qui séparait notre planète de sa lune.
Mais ces derniers n'étaient pas plus épais qu'une dizaine d'étages d'alvéoles ! Leur masse, qui nous avait initialement semblé compacte, s'avéra être faite de blocs de glace et de micrométéorites. Cet océan glacé, qui s'étendait à perte de vue, nous offrait un spectacle époustouflant nous faisant complètement oublier le but de notre sordide mission.
Nous rasions depuis quelques minutes la surface blanchâtre et lumineuse des anneaux, sans trop nous en approcher de peur d'entrer en collision avec eux. Mais déjà les signaux, émanant de la géante gazeuse, se firent de plus en plus nombreux et distincts, nous rappelant à l'ordre d'un ton autoritaire.
Ils laissaient transparaître une certaine excitation, proche de la panique... Notre arrivée semblait avoir été attendue avec impatience. Les coordonnées nécessaires à notre mise en orbite nous furent rapidement transmises. Elles nous guidèrent vers le point de rendez-vous avec notre mystérieuse cargaison.
Nous allions enfin rencontrer ces fameux exilés, rejetés par une société trop parfaite qui ne voulait plus d'eux ! Mais il nous fallait tout d'abord effectuer notre manœuvre de décélération afin de ne pas nous faire éjecter loin d'ici par notre grande inertie...
L'imposant vaisseau entama alors une lente rotation sur son axe longitudinal. Une multitude de petits orifices, situés le long de son fuselage, s'allumèrent en une série de brèves impulsions savamment orchestrées par son ordinateur de bord. Dès qu'il eut effectué son demi-tour, ses quatre tuyères principales s'illuminèrent crachant un épais nuage de glace et de feu...
Ce ne fut qu'après d'interminables minutes, passées à subir une décélération de plus de 4 G, que l'ordinateur de bord mit fin à la torture que nous infligea cette manœuvre. Nous n'avions plus été exposés à de tels facteurs de charges depuis notre départ mouvementé de la troisième planète. Et nous étions bien heureux de ne pas avoir eu à effectuer cette manœuvre nous-mêmes.
Notre intelligence artificielle nous rappela ainsi qu'elle était toujours en charge de la mission. Sa voix métallique se mit à résonner dans le vaisseau tout en pénétrant mon esprit, directement par mes implants, me donnant la désagréable impression qu'elle scrutait chacune de mes pensées...
— Trajectoire orbitale établie dans 25 secondes, 20, 15, 10... 5, 4, 3, 2, 1, effective !
Un voyant lumineux clignota dans la pénombre ambiante, nous annonçant que le moment de maintenir notre altitude et notre vitesse était arrivé. Nous étions à nouveau en état d'apesanteur en orbite autour de l'une des plus grosses planètes de notre système. Sa surface molle et bleutée semblait transparente à l'horizon.
On pouvait très clairement distinguer une série de gigantesques tempêtes qui tourmentaient les profondeurs de son atmosphère. Celles-ci dessinaient de multiples formes abstraites dans les différentes couches de gaz qui la recouvraient.
Nous étions exacts au rendez-vous avec ce monde 17 fois plus grand que le nôtre. Ses journées étaient très courtes, de par sa rotation rapide sur son axe : elles ne duraient que 10 heures 40 minutes. Sa révolution autour de notre étoile nécessitait néanmoins 29 de nos années... Nous n'aurions donc pas encore atteint l'âge d'un an si nous étions nés ici !
Son diamètre couvrait une distance d'un peu plus de 120 000 kilomètres. Malgré sa taille énorme, sa force gravitationnelle était proche de celle de notre planète d'origine. Cela était dû à sa faible densité ainsi qu'à l'effet centrifuge généré par sa rotation extrêmement rapide.
Ses anneaux d'une largeur de 65 000 kilomètres étaient formés de plusieurs couronnes, désignées de « A » à « G ». Une bonne soixantaine de lunes gravitaient autour d'elle. Elles interagissaient avec les anneaux en provoquant des ondulations, semblables à des vagues, dans leur structure plane.
VOUS LISEZ
Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)
Science FictionDérivant dans les profondeurs d'un des nombreux univers de la création, un monde sans âme abrite de terribles secrets... Les individus qui en font partie n'y ont plus droit à un nom, ni à une quelconque identité. Ils sont devenus les "ouvriers" de c...