Lors du tour de quart suivant, le numéro 1 vint me trouver en me faisant signe de le suivre. Nous nous dirigeâmes discrètement vers le vestiaire qui contenait nos combinaisons spatiales, près du sas tribord. Je lui fis confiance et enfilai ma tenue, sans savoir ce qui allait se passer. Nous nous rendîmes, sans rien dire, vers la porte du sas qu'il ouvrit en m'y entraînant.
Une lumière rouge, accompagnée des sirènes habituelles nous signala qu'il était en train de se vider de son air. Ma combinaison m'annonça d'une voix douce et calme qu'elle venait de se pressuriser. Mon compagnon me regarda en souriant à travers sa visière. Une fois la porte extérieure ouverte, il me poussa dans le vide, comme si notre toute première sortie dans l'espace n'était qu'un simple jeu d'enfants !
Je fus soudain paralysé... Le cauchemar qui m'avait poursuivi jusqu'ici était revenu saturer mon esprit de visions d'horreur. Je ne voyais plus mon compagnon, ni le vaisseau, ni même la sixième planète qui était pourtant encore assez proche de nous. Je pouvais juste entrevoir mon corps, sans vie, flottant dans l'espace. Je m'en détachais lentement au long d'une corde argentée... Lorsqu'un appel radio me ramena à l'intérieur de ma combinaison.
— Numéro 6, bon sang, réveille-toi ! me lança celui qui venait de m'amener ici de façon si brutale et inattendue. Qu'est-ce qui te prend ? Nous n'avons pas de temps à perdre...
Une étrange sensation de vertige s'empara de moi. J'avais l'impression de tomber, comme aspiré vers la sixième planète. Le merveilleux spectacle offert par ses anneaux gigantesques me fit, pour quelques brefs instants, oublier la terrible vision que je venais d'avoir.
J'eus alors la surprise de voir cinq autres scaphandres flotter autour de nous. Il s'agissait sans doute précisément de ceux qui étaient parvenus à entrer en contact avec les Indésirables. L'ordinateur nous avait demandé de vérifier l'état de la surface extérieure du vaisseau dès que nous nous serions suffisamment éloignés des derniers anneaux.
En effet, après les avoir frôlés de si près, la probabilité qu'un bloc de glace ou qu'une petite météorite ait pu causer quelques dégâts, indécelables de l'intérieur, était non négligeable. Nous exécutions donc ses ordres à la lettre tout en profitant, par la même occasion, de cette opportunité unique qui nous était offerte d'être enfin réunis à l'abri de sa surveillance constante.
Nous nous rendîmes, sans plus attendre, derrière le miroir protecteur du vaisseau. Aucun signal radio n'était censé pouvoir le traverser. Mais il nous fallait agir vite. Un trop long silence de notre part pourrait paraître suspect.
Un échange chaotique de messages, presque inaudibles, s'installa immédiatement entre nous. Nous avions tous acquis le réflexe de parler à voix basse, de peur que nos conversations soient entendues. Tant de questions venaient pourtant brûler nos lèvres. Le numéro 1 prit alors la parole d'un ton sûr et autoritaire, pour mettre fin à cette cacophonie.
— Silence ! Nous n'avons que très peu de temps... Il n'existe qu'une seule façon de déjouer le système de surveillance du vaisseau. Ce dernier est relié directement au Centre de Contrôle de Mission, ainsi qu'à l'attention vigilante de notre ordinateur. Il nous faudra enregistrer des scènes de nos activités quotidiennes. Avec un peu de chance, dans quatre jours nous aurons suffisamment de séquences pour pouvoir nous diriger n'importe où au sein du vaisseau à son insu ; excepté les coupoles qui font l'objet de sa principale surveillance.
— Ce plan me paraît assez efficace pour être tenté, rétorqua avec enthousiasme l'un d'entre nous, sans même lui laisser finir sa phrase. Nous n'avons de toute façon rien à perdre... Mieux vaut partir à jamais d'ici que de rester prisonnier, que ce soit de ce vaisseau ou de nos fichues alvéoles au sein de notre dôme.
VOUS LISEZ
Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)
Science FictionDérivant dans les profondeurs d'un des nombreux univers de la création, un monde sans âme abrite de terribles secrets... Les individus qui en font partie n'y ont plus droit à un nom, ni à une quelconque identité. Ils sont devenus les "ouvriers" de c...