47. Réveil

86 17 42
                                        

Plusieurs centaines de millions de kilomètres plus tard, à bord du TXL1138, Jean se réveilla enfin de son étrange sommeil...

******

Je repris conscience, à la lisière fragile qui sépare la veille et le sommeil, après ce qui ne me parut qu'un bref instant de repos. L'impression d'avoir refait sans cesse le même rêve accompagna mes premières pensées. Il fut d'une telle intensité que je n'éprouvais aucune peine à me rappeler de ses moindres détails.

Marie était toujours là, endormie auprès de moi. Mais son enfant avait disparu. M'étais-je donc assoupi si longtemps ? Et qui avait osé monter jusqu'ici pour venir enlever cet être, encore si fragile, à sa mère ? Peut-être s'était-il envolé, grâce à ses fantastiques petites ailes ?

L'étrangeté de la situation m'apparut peu à peu, à mesure qu'émergeait en moi une lueur de conscience. Notre phare principal était déjà haut dans le ciel, j'en déduisis que nous devions être en milieu de journée. Nous avions donc dormi toute la matinée... Mon corps semblait fait de plomb. Un simple mouvement de tête me demandait une concentration énorme !

À l'hébétude succéda la stupéfaction de voir, juste en face de moi, comme surgie de nulle part, une créature extraordinaire flottant dans les airs. Il s'agissait d'une jeune femme ailée, se déplaçant avec une élégance extrême.

Son corps, pratiquement nu, était couvert de nombreux motifs, de couleurs différentes, partant de ses joues, retombant dans son cou, descendant le long de ses épaules et de son flanc dénudé... mettant encore plus en valeur ses formes parfaites. Son sourire coquin me donnait l'impression que nous nous connaissions depuis toujours.

Le vent provoqué par ses ailes gigantesques réveilla Marie qui s'étira en dévoilant, sans même s'en apercevoir, un de ses seins à travers sa légère tunique. Son corps était également décoré d'étranges peintures. Jamais je n'avais remarqué ces dessins élégants qui remontaient pourtant jusqu'à son visage.

Quant à la femme oiseau qui venait de se poser en face de moi... J'osais à peine la regarder. Elle était quasiment nue et la sueur qui la recouvrait faisait briller sa peau, lui donnant l'allure d'une statue de marbre !

Ses longs cheveux bruns, aux reflets rougeoyants, flottaient dans l'apesanteur, semblables à une véritable crinière de feu ! Mon esprit était en ébullition... La beauté de cette créature me laissait sans mots pour exprimer ce que je ressentais. Après avoir posé mon regard sur elle, je me rendis compte que cette adolescente ailée ressemblait étrangement à la jeune femme, entourée de flammes, apparue dans ce mystérieux rêve que je venais de faire... Marie semblait ne savoir que dire. Elle rompit enfin le silence de sa voix si douce :

— Enfin... Jean... cela fait si longtemps que nous attendions ce moment !

— Quel... moment ? lui répondis-je avec difficulté.

Le fait que je vienne à peine de me réveiller augmentait mon incompréhension, la doublant d'une difficulté latente à rassembler les informations qui me parvenaient. Marie me répondit d'un ton anormalement calme et lent :

— Celui de ton réveil... Tu nous as fait si peur, cela fait presque vingt ans...

Elle s'arrêta soudain, semblant regretter ce qu'elle venait de dire. Comme si ses paroles auraient pu me choquer en m'annonçant une terrible nouvelle.

— Vingt ans que... quoi ?

— Vingt longues années que tu t'es endormi ici, après avoir écrit les derniers mots de notre Maître sur ton précieux carnet de notes !

C'est alors que je me rendis compte qu'au lieu d'être à même le sol, comme j'avais en mémoire de m'être assoupi, je m'étais réveillé dans une literie... Je me sentais faible, très faible même, malgré l'apesanteur qui régnait dans la coupole. Mon esprit se mit à vaciller, comme si j'étais à nouveau emporté par mon étrange vision !

Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant