49. Retrouvailles

110 19 49
                                        

Marie vint enfin à ma rescousse :

— Tu vois, ils s'en sont passées des choses durant ton long sommeil... nous avons tant à t'expliquer. Mais enfile d'abord cette tunique, je n'ai plus vu d'homme nu depuis une éternité !

Je m'empressai d'enfiler la toge qu'elle me présenta, de façon à écouter ce qu'elle s'apprêtait à me dire sans être embarrassé par ma nudité.

— Tes trois compagnons ont eu chacun un enfant avec Marie Madeleine, commença-t-elle. Nous y avons longuement réfléchi durant toutes ces années... Nous sommes arrivés à l'inévitable conclusion que la seule façon d'assurer un avenir à notre groupe était de la féconder avec les plus jeunes et valides d'entre nous. En effet, il était impératif que chacun de ses chérubins soit issu d'un père différent pour éviter l'apparition de problèmes consanguins. Nous lui en avons longuement parlé en attendant qu'elle se sente prête. Et, comme tu as pu t'en apercevoir, ses enfants ont gardé toutes les caractéristiques génétiques de leur mère. Cette race est bien plus forte que la nôtre, et nos trois nouveau-nés sont superbes ! Ils pourront sans doute, plus tard, être à l'origine d'une nouvelle espèce d'êtres humains ; comme le Maître te l'a fait écrire... Ils pourront peut-être même s'installer sur la petite lune qu'il a découverte en orbite autour de cette géante gazeuse. Je l'espère en tout cas de tout cœur pour eux. Il serait bien dommage que notre exil soit condamné à se terminer ici, dans nos cages de verre !

— Mais pourquoi ne pas m'avoir prévenu ?

— Marie Madeleine ne nous en a pas vraiment laissé le temps... Il faut que tu saches qu'elle a vraiment mûri ces derniers mois. Ses fécondations précédentes eurent lieu durant des cérémonies qui se sont passées ici, au sommet de notre tour. Je crois qu'elle en avait assez de toute cette mise en scène. Elle devait attendre impatiemment ton réveil pour pouvoir enfin faire l'amour de façon normale et naturelle.

Tout en écoutant attentivement les explications de Marie, je ne pus m'empêcher de diriger un regard discret vers sa fille. Elle ne s'occupait plus de nous depuis un bon moment, jouant avec ses chérubins, leur apprenant à utiliser leurs ailes et à se mouvoir de façon aisée en apesanteur comme elle avait dû le faire avant eux. Le spectacle de ces êtres, mi-humains, mi-oiseaux, si beaux et gracieux, me fit ressentir énormément de fierté à l'idée d'un jour pouvoir être le père de l'un d'entre eux.

Ce long discours ne devint lentement plus qu'un bruit de fond, masqué par mes pensées. Je ne parvenais pas à oublier les sentiments que j'éprouvais pour cette jeune fille ailée, inconsciente de l'amour qu'elle avait fait naître en moi. Mais il fallait me rendre à l'évidence ; je me voyais, une fois de plus, contraint de sacrifier mon bonheur personnel au bénéfice de la survie de notre groupe... ce groupe qui avait bien évolué durant les vingt années qui s'étaient écoulées. Et ce, en l'espace de quelques heures à peine, à mes yeux !

Je pris congé de Marie Madeleine et de sa mère en les laissant s'occuper des enfants. Je m'en allai rejoindre mes compagnons qui m'attendaient au bas de la tour. Marie avait dû leur avait annoncer mon réveil durant mon escapade aérienne.

Lorsque je les revis enfin, je me rendis compte qu'ils avaient, eux aussi, énormément changé. Leurs implants avaient été retirés, comme ce fut le cas pour chacun des membres de notre communauté... Ces artéfacts électroniques ne nous serviraient plus à rien, désormais. Ces symboles de notre soumission envers la Fédération n'étaient plus de mise dans notre nouveau monde.

Tous les membres de notre petite société portaient à présent sur leur corps, ainsi que sur leur visage, les mêmes dessins de couleur verte, rouge et brune que j'aperçus sur Marie et sa fille. Ils m'expliquèrent que ces peintures illustraient la cohabitation harmonieuse entre la vie minérale, végétale et animale. Leurs vêtements étaient bien plus élégants et colorés que ceux dont j'avais gardé le souvenir. Leur longue chevelure flottant en apesanteur, de même que ces peintures qui recouvraient leur épiderme, leur donnaient une apparence toute nouvelle à mes yeux.

Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant