Chapitre 34

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- Tiens, tiens ! Mais voilà le lapaux des nuits ! Cachez vite vos femmes, les gars !

Hayate pouffa de rire en tapant dans la main de son camarade qui avait quitté son siège pour l'accueillir.
Celui-ci était installé à une table avec quatre hommes tous plus éméchés les uns que les autres.

Et s'ils l'accueillaient tous plus ou moins chaleureusement, Megumi ne put s'empêcher de remarquer leurs échanges de regards un peu inquiets.

La jeune fille baissa ensuite timidement les yeux, et resta dans le dos d'Hayate, se demandant ce que pouvait bien vouloir dire "lapaux des nuits"...

- Oh, mais tu es accompagné, aujourd'hui ? S'étonna l'un d'entre eux
- Ouais, c'est l'un de mes gars, s'amusa-t-il en entourant soudain son cou de son bras, il est un peu trop sage alors j'ai décidé de le décoincer un peu !

Megumi devint cramoisie et s'empressa de baisser les yeux face aux regards curieux et moqueur de ses compagnons.

- Très bonne idée, ça ! S'enthousiasma le plus barbu du groupe, C'est quoi ton nom, petit ?

Elle tiqua et leva un regard lourd vers lui.

- Je ne suis pas petit, monsieur, dit-elle, sarcastique

Mais le son était si bruyant que personne ne fit attention à elle, d'autant plus qu'une serveuse plantureuse se dressait devant elle pour remplir de nouveau leur verres.

- Ah ! Tu tombes bien, apportes en d'autres, ma belle ! S'amusa le chauve du groupe, en donnant une fessée à la serveuse.

Megumi sursauta, indignée, mais elle ne sut si ce fut son geste, ou l'éclat de rire de la serveuse qui la choqua le plus.

Hayate mit fin à ses pensées en posant un grand verre à la propreté douteuse entre ses mains.

Paniquée, elle tenta de le lui rendre mais il se penchait déjà pour se servir à son tour.

- Hayate... Je... je ne bois pas d'alcool ! Bégaya-t-elle à son oreille
- Allez, cul sec ! Ricana-t-il en levant son verre, faisant mine de n'avoir rien entendu.

Les hommes poussèrent un joyeux cri et vidèrent leur verre, sous le regard médusé de la jeune fille qui ne cessait de se demander comment elle s'était retrouvée là...

- Eh bien alors, gamin ?! Tu ne bois pas ? S'étonna l'un d'entre eux.
- Hein ? Mais bien sûr qu'il va boire, ricana Hayate en se tournant vers elle avec nonchalance, Allez, magne-toi de me vider ça, c'est un ordre!

Elle plissa les yeux, se retenant juste à temps de lui jeter le contenu de son verre en plein visage.

- Aaaah, le capitaine a parlé ! Railla l'un de ses amis tandis que les autres éclataient de rire.
- Allez petit ! Cul sec ! L'encouragea le barbu
- ALLEZ, SOIS UN HOMME ! Lui lança le chauve
- CUL SEC ! CUL SEC ! CUL SEC ! Chantonnèrent-ils en choeur.

Megumi chercha le soutien dans le regard d'Hayate, mais elle comprit rapidement qu'elle était seule.

Et que c'était son combat...

Ils levaient les poings en l'air, en continuant de brailler "CUL SEC ! CUL SEC!", certains clients autour d'eux les rejoignaient dans leurs cris de motivation en levant leur verre vers elle.
Puis, au bout d'un moment, elle céda sous la pression et avala le liquide jaunâtre avec une grimace de dégoût, sous les acclamations d'une dizaine de clients.

(Mot de la direction : osez dire non !)

Ils criaient, chantonnaient, tapaient des poings contre la table... puis, à sa grande surprise, elle parvint à terminer son verre avec un soupir de soulagement.
Ils poussèrent des hurlements de joies et applaudirent de tout leur saoul comme si leur équipe de football préférée avait marqué.

Aussitôt, Megumi se pencha en avant, et se mit à tousser, la gorge en feu tandis qu'Hayate lui tapait dans le dos en riant.

- Félicitation, tu es un homme, maintenant ! Railla-t-il en se resservant un verre

Megumi se sentait un peu bizarre. Une chaleur étrange lui montait au visage.
Elle s'appuya contre une chaise alors qu'un léger vertige lui faisait perdre l'équilibre.

Soudain la musique changea, pour laisser la place à un morceau bien plus joyeux et enflammé.
La majorité des clients attablés s'empressèrent de se lever et s'élancèrent sur la piste en poussant des cris de joie.

Il s'agissait visiblement du tube du moment...

Hayate attrapa Megumi par le bras et l'entraîna également sur la piste, sans prêter attention à la panique de la jeune fille.

- Hayate, arrête !! S'étouffa-t-elle, je ne...

Elle se retrouva mêlée au cercle, et dû se tenir à l'épaule d'Hayate d'une main et à celle d'un parfait inconnu de l'autre.

- Je...Je ne sais pas danser ça ! Paniqua-t-elle
- On s'en fous, fais comme les autres ! Rit-il en commençant déjà à effectuer des mouvements rapides avec ses pieds.

Megumi tenta de faire pareil, en rougissant de gêne. Elle était presque reconnaissante d'avoir bu de l'alcool juste avant, sinon, elle n'aurait jamais trouvé la force de danser ainsi devant tant de monde.

Puis lorsque le cercle éclata, ils dansèrent tous, deux par deux, en sautant sur place.
Megumi se retrouva face à un grand barbu particulièrement éméché. Elle tenta de suivre le rythme, du mieux qu'elle le pouvait, puis, elle se retrouva face à un autre cavalier qui dansait avec tant d'intensité qu'elle ne pouvait s'empêcher d'en rire.
Elle se retrouva ensuite à danser avec Hayate qui ricanait lorsqu'elle se trompait de pas.

Très vite, elle oublia sa gêne et se surprit même à s'amuser comme une folle.
Pendant un instant, elle oublia tout.
Ses problèmes, son époque, sa bille disparue, sa sortie nocturne interdite...
Ses principes, ses habitudes...

Les mots d'Hayate raisonnaient dans son esprit "l'instant présent", et elle songea qu'il devait avoir raison.

Elle était si sage et réfléchie qu'elle en oubliait parfois de vivre.
Ce monde n'était pas le sien, personne ne la connaissait, et elle jouait le rôle d'un jeune soldat sorti faire la fête avec son capitaine...

Si elle ne profitait pas de cette occasion, quand le ferait-elle?

Alors elle s'amusa.

Elle s'amusa comme jamais.

Et lorsque l'un des camarades d'Hayate lui apporta un verre pour trinquer avec elle, la jeune fille ne se posa pas trop de questions et vida le verre d'une traite.

Très vite, elle se retrouva saoule et se sentit incapable de décoller de la piste de danse.
Hayate, qui était visiblement épuisé d'avoir trop dansé, se laissa tomber sur une chaise avec un soupir.

Megumi lâcha l'épaule de son camarade de danse et s'apprêtait à le rejoindre, lorsque la serveuse se pencha vers lui, avant de lui sussurer des mots à l'oreille.
La jeune fille se figea sur place tandis qu'il souriait en levant un regard ténébreux et provocateur vers cette femme...

Akai Ito ( Le Fil Rouge Du Destin) Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant