Fix you

6. Scott

Je cours au rythme de ma musique. Mes jambes commencent à être lourdes et ma gorge me brûle. Je suis presque arrivé chez moi, il ne me reste que quelques mètres. Je ne pense qu'à la douche glacée que je vais prendre en rentrant, c'est mon unique motivation pour ne pas m'arrêter. Je ralentis, essoufflé, devant ma porte et fais quelques étirements.

Lorsque j'entre, Kate me parle, mais j'ai le casque sur les oreilles et je n'ai aucune envie de l'écouter. Je retire très vite mes baskets et monte les marches en agissant comme si je n'avais pas vu qu'elle s'adressait à moi.

Le soleil tape sur mon dos, je suis allongé sur le matelas gonflable au milieu de la piscine. Le silence est d'or. Kate et les enfants sont partis en balade et je chéris ces rares moments où il n'y a personne à la maison. Des bruits de pas résonnent, signe que je ne suis malheureusement plus seul. Et alors que je m'attends à entendre les hurlements de deux enfants, une voix douce me tire de mon demi-sommeil.
— June n'est pas là ?
Je ne l'ai entendue que quelques fois mais je saurais désormais la reconnaître entre mille. Je me tourne sur le dos et regarde Nora à quelques pas de la piscine.
— Désolée j'ai frappé plusieurs fois mais ça ne répondait pas alors je suis rentrée.
Je retire mes lunettes de soleil et l'admire une minute. Elle a toujours ses cheveux attachés en queue de cheval mis haute et porte une combi-short à rayure jaune.
— Ils sont avec Kate, je crois qu'ils sont partis se balader une petite heure. Ils ne vont pas tarder.
Je ramène le matelas au bord de la piscine pour en sortir.
— Tu veux boire quelque chose en attendant ?
Elle secoue la tête et s'assoit sur un des fauteuils d'extérieur. Je viens me servir un verre de citronnade que Kate a faite tout à l'heure.
— Sacha n'est pas là ?
J'apprécie de voir Nora débarquer chez moi, mais Sacha s'occupe toujours de venir chercher June. J'aime bien cette gosse.
— Elle est partie deux jours chez sa meilleure amie.
Je finis mon verre d'une traite.
— Ellie ? Elles ne sont plus en froid ?
Nora écarquille grand les yeux, surprise que je connaisse la vie de sa petite sœur.
— Je vis ici depuis un an, rappelais-je.
Elle hoche la tête.
— J'ai eu l'erreur de croire que le temps s'était arrêté quand j'étais en Australie.
Elle ne dit rien de plus et je reste silencieux à mon tour.
— Tu veux venir te baigner ?
Elle secoue la tête. Je me mets alors à râler.
— Tu sais dire autre chose que « non » ?
Elle s'offusque, en essayant de cacher son envie de rire.
— Je dis toujours oui !
Je m'assois en face d'elle sur l'autre siège.
— Tu dis non pour sortir avec moi, pour une citronnade, pour te baigner. Je ne fais que parler de faits.
Elle ne répond pas car il n'y a rien à répondre.
— Je n'ai pas de maillot de bain, dit-elle finalement.
Je roule les yeux et me lève pour lui tendre la main.
— Allez, viens.
Elle hésite une seconde, je tente du mieux que je peux de la convaincre en lui lançant un petit air de chien battu. Ça marche et prend ma main. Je la tire contre moi et la soulève. Je place une main sous ses aisselles et une autre sous ses genoux.
— Scott non !
Elle sort immédiatement son portable qu'elle balance sur le fauteuil sur lequel elle était assise.
— Me jette pas à l'eau je t'en supplie !
Je la prends au mot et me jette à l'eau, Nora toujours dans mes bras. Elle remonte à la surface plus vite que moi et m'insulte de tous les noms. En repoussant ses cheveux en arrière.
— Ça t'a rafraîchie, plaisantais-je.
La surprise passée, elle se détend enfin.
— Qu'est-ce que tu me reproches Nora ?
Elle fuit mon regard en répondant qu'elle n'a rien.
— Pourquoi tu agis comme si ça t'ennuyait de me voir ? Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?
Je pensais que nous nous étions séparés sur de bons termes lorsqu'elle a quitté cette fête l'autre soir, mais depuis j'ai l'impression que ma seule présence l'irrite. Elle me regarde enfin mais ne parle pas.
— Je te rappelle que c'est toi qui m'as embrassé, tentais-je.
Elle me jette de l'eau au visage et me demande de ne plus lui rappeler cette soirée.
— Alors c'est ça le problème ? Tu as peur que je pense que tu es une fille facile ?
Elle croise les bras dans l'eau et me jette un regard de dégoût.
— Je me fiche de ce que tu penses de moi. Et ça ne veut rien dire être une fille facile en plus.
Mon but n'était pas de la mettre en colère, juste de comprendre ce qu'elle avait. Je m'avance d'un pas vers elle.
— Je suis d'accord avec toi, ça ne veut rien dire du tout.
Elle me regarde intensément et je me demande à quoi elle pense.
— Je n'arrive pas à te cerner, finit-elle par dire.
Je souris, amusé qu'elle ait essayé de le faire.
— Je suis pourtant simple.
J'ouvre les bras.
— Un livre ouvert.
Elle se mordille la lèvre inférieure et s'apprête à me dire autre chose mais les cris de June et Roméo envahissent la maison et nous surprennent. Nora me dépasse et se presse de sortir hors de l'eau. Comme si le fait qu'elle soit mouillée de la tête au pied n'allait pas donner un petit indice sur ce qu'il venait de se passer. Mon frère la regarde de haut en bas.
— Pourquoi tu te baignes habillée ?
Kate arrive au même moment.
— Parce que ton frère m'a poussée dans l'eau.
Roméo croise les bras et hausse les sourcils.
— On ne pousse pas les filles dans l'eau Scotty !
Kate tend une serviette à Nora en s'excusant.
— En effet, on ne traite pas les gens comme ça. Tu veux qu'elle retourne en Australie ? Plaisante Kate.
Je ris, amusé. C'est l'opposé que je cherche.
— Ça va aller madame Jones, j'avais un peu chaud de toute façon.
Je sors à mon tour de la piscine et prend le portable de Nora que je lui tends.
— Merci, dit-elle simplement, June tu viens ?
Les deux filles quittent notre jardin. Kate se tourne vers moi et me lance un petit sourire. Je déteste comprendre ce qu'il veut dire.
— Ne commence pas, lui dis-je en m'essuyant.
Elle replie la serviette qu'elle vient de donner à Nora.
— Je n'ai rien dit, chantonne-t-elle innocemment.
Ok c'est confirmé, Nora me plaît et c'est écrit sur mon visage. Roméo sera le prochain à me faire la remarque. Et pourtant la principale intéressée ne semble pas décidée à me laisser une chance.