25. Nora

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J'entre chez moi et me retiens de hurler de colère. Je suis perdue entre un tas de sentiments complètement contradictoires. J'avais l'impression d'avoir enfin trouvé quelqu'un d'honnête et qui me correspondait en étant simplement lui-même. Plus loin que les étoiles elles-mêmes, je croyais que lui et moi c'était simple et qu'on était de ces gens dont les choses n'ont pas besoin d'être expliquées.
Je fonce dans ma chambre et me précipite dans mon lit. Sacha n'est heureusement pas là, être privée de sortie à dû finir par l'ennuyer. Et ce n'est pas comme si maman était là assez souvent pour vérifier qu'elle respecte bien sa sanction. Elle a dû s'éclipser de la maison pendant qu'elle dormait hier soir. Je plonge ma tête dans mon oreiller et pleure à chaudes larmes. Je revois le visage de Scott, coupable quand Kate a annoncé qu'il était attendu au commissariat. Il savait très bien que j'allais mal réagir quand j'apprendrais la vérité. Mais il m'a demandé de venir chez lui, il m'a laissée être vulnérable et c'est ce que je lui reproche le plus. Pourquoi est-ce que les choses ne peuvent pas être plus simples ? J'aurais accepté et compris un tas de choses s'il avait bien voulu me les expliquer. Je n'ai même pas envie d'appeler Camden pour savoir comment il va. Je suis certaine qu'il a provoqué cette situation et je me verrais essayer de plaider la défense de Scott, ce que je ne veux pas faire. Parce que je suis trop en colère, trop déçue.

La façon dont Kate et Oliver ont eu de réagir m'a d'abord surprise, ils ont l'air d'être des parents si patients et à l'écoute. Mais ils semblent tous les deux épuisés et de l'histoire que Scott m'a raconté, ce n'est pas la première fois qu'une chose aussi terrible arrive. Je pense qu'ils en ont marre eux aussi de pardonner. Une partie de moi se sent un peu coupable de lui en vouloir et de ne pas essayer de comprendre ce qui ne va pas. Kate a mentionné son père et le fait qu'il devait être perturbé. C'est probablement ce qui le tracassait hier soir. J'aurais dû rester avec lui plutôt que courir après Danna, j'aurais dû l'écouter me parler. Si j'étais rentrée avec lui, rien de tout ça ne serait arrivé. Et voilà que je le fais encore : me blâmer pour quelque chose dont je ne suis pas coupable. Il faut que j'arrête de faire ça.
Après avoir pleuré une bonne demi-heure, j'ai jugé que j'avais besoin de boire un peu d'eau. J'ai peu dormi hier soir et je suis trop contrariée pour avaler quoi que ce soit. En descendant, j'ai réalisé que ma mère était de repos aujourd'hui et qu'elle allait probablement vouloir encore parler. Mais je ne suis pas d'humeur, surtout pas aujourd'hui.

— Bonjour, dit-elle en buvant une gorgée de son café.
Je me dirige directement vers le réfrigérateur sans la regarder et me serre un grand verre d'eau fraîche que j'avale d'une traite. Ma mère lève les yeux vers moi et remarque ma mine affreuse.

— Nora, tu as pleuré ?
Je lève les yeux et lui réponds que je n'ai pas envie de parler.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
Elle me barre la route pour que je ne sorte pas de la cuisine.
— Tu veux dire à part le fait que tu aies trompé papa et que tu aies ruiné notre famille ?
Je lui lance un sourire mesquin et lui demande de me laisser sortir. Elle prend une grande inspiration.
— Non.
Je ne l'avais pas entendue si dure avec moi depuis des années.
— J'en ai assez de ton petit jeu, si tu veux m'en vouloir pour quelque chose essaie au moins de m'écouter d'abord.
Je baisse les bras, trop fatiguée pour me battre. Peut-être qu'elle a raison et que c'est le moment de discuter, après tout je crois que rien ne peut me décevoir encore plus aujourd'hui. Je suis ma mère jusqu'au salon sans dire un mot. Je m'assois d'un côté du canapé et elle de l'autre, le silence est lourd.

— Ton père et moi nous sommes rencontrés très jeunes. Nos pères travaillaient ensemble depuis des années, ils étaient devenus amis et mon père avait décidé de l'inviter, lui et ses trois enfants à la maison.

Il s'agissait donc de mon père, son frère et sa sœur. Il est l'aîné de sa famille, ma mère l'a toujours qualifié de très charmant et très discret, c'est ce qui lui a toujours plus chez lui.
— J'ai eu le coup de foudre pour lui, immédiatement. Je crois que ce n'était pas tellement réciproque, ton père ne pensait qu'à rendre fier le sien en se comportant comme un fils exemplaire.
Un petit sourire éclaire son visage à la mention de ces vieux souvenirs.
— Une chose en entraînant une autre, il a fini par tomber amoureux de moi. Trois ans après, ta sœur est née. C'était tôt et difficile mais on s'aimait et la naissance de Lizzie nous a paru être la touche finale à cet amour qui semblait être indestructible.
Je repense aux photos de naissance de ma sœur d'il y a 21 ans. Mes parents semblaient si jeunes et si heureux à l'époque.
— On était comblés et on s'est tous les deux dit qu'un dernier bébé pouvait compléter définitivement cette famille parfaite.
Après ma naissance, ma mère a repris ses études qu'elle avait arrêtées en tombant enceinte de Lizzie, mon père passait beaucoup plus de temps à la maison pour s'occuper de nous. Elle était épuisée mais heureuse de nous retrouver chaque soir.
— Et puis sans nous en rendre compte, nous avons commencé à nous éloigner l'un de l'autre. Quand je ne travaillais pas je m'occupais de vous et votre père occupait son temps libre à pêcher, voir votre oncle...
Son sourire s'est tout d'un coup évanoui.

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