31. Nora

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Je cherche une solution pour sortir d'ici. Malheureusement nous sommes au deuxième étage et je ne suis pas assez inconsciente pour essayer de passer par la fenêtre, je l'ai déjà été assez pour venir jusqu'ici pour une personne qui n'en valait même pas le coup. Elio m'a trouvée dans le café de la rue d'à côté, je n'avais aucune idée de comment j'allais faire pour dormir ce soir et même simplement me payer un billet d'avion pour rentrer. Il est venu s'assoir sur la banquette en face de la mienne essoufflé, mais n'a pas dit un seul mot avant que la serveuse ne vienne lui servir un café noir. Ensuite, il m'a demandé de retourner chez lui, pour parler à Scott. J'ai répondu que c'était hors de question, il m'a dit qu'il était plus têtu que moi. Je ne l'ai pas cru au début, mais me voilà maintenant enfermée chez lui à devoir m'expliquer avec Scott alors que je n'en ai plus du tout envie.
La pluie torrentielle résonne contre la fenêtre pendant que Scott se tient devant moi, simplement, en attendant que je daigne accepter lui parler.
— Elio est probablement parti jusqu'à demain, m'assure-t-il.
Je repose ma valise et retire mes chaussures, furieuse.
— Tu pourras dire à ton meilleur ami qu'il n'est qu'un enfoiré.
— Ancien meilleur ami, corrige-t-il, et il le sait très bien.
Maintenant que nous sommes là, je ne peux plus faire marche arrière. Il faut qu'on discute. Je viens m'asseoir sur la méridienne du canapé d'Elio, Scott vient s'asseoir aussi en prenant soin de laisser assez de place entre nous. Il reste d'abord silencieux, mais je ne serais pas la première à briser la glace, alors j'attends aussi.
— Je n'ai pas couché avec Cass, me répète-t-il au cas où je ne l'avais pas saisi.
Je lui rétorque que je me fiche totalement du prénom de cette fille, et de ce qu'il a pu bien faire ou ne pas faire avec elle.
— Pourtant tu es en colère, remarque-t-il.
Je lève les yeux et lui lance un regard noir, évidemment que je suis en colère.
— Je me rends juste compte que j'ai fait des centaines de kilomètres pour rien, c'est tout.
Il soupire profondément.
— Qu'est-ce que tu serais venue me dire si tu ne m'avais pas entendu dire que j'avais passé la nuit chez une autre ?
Je tourne à nouveau la tête dans sa direction, ses cheveux sont complètement en bataille, il devait probablement dormir avant que je revienne.
— Qu'est-ce que t'as fait chez elle toute la nuit si tu n'as pas couché avec ?
Ça me travaille et je ne compte pas le laisser s'en tirer comme ça.
— On a beaucoup parlé.
Ça ne me suffit pas. Je n'arrête pas de penser au fait qu'il était avec une autre fille pendant que je me refaisais en boucle la scène de nos retrouvailles. Je suis trop idiote, je me déteste.
— Je lui ai dit que j'étais désolé et qu'il ne se passerait rien entre nous parce que...
Il laisse un temps de pause et reprend.
— Il faisait déjà nuit et elle m'a proposé de rester dormir quand même. On a regardé la télévision, on a mangé et on a discuté. Elle m'a parlé de ses parents, de son ex et de sa sœur.
Je sais qu'il dit la vérité mais je lui en veux toujours.
— Et toi tu lui as parlé de quoi ?
Il hausse les épaules.
— De Roméo, de mes études, d'Elio ... Et de toi.
Je brûle d'envie de lui demander ce qu'il a dit à mon sujet mais je préfère la jouer indifférente.
— Kate se fait énormément de soucis tu sais.
Il lève les yeux vers moi, un éclair de tristesse passe dans ses yeux.
— Kate se fiche complètement de moi Nora.
Alors c'est ça, il est parti en se disant simplement que tout le monde se fichait éperdument de lui.
— Tu sais très bien qu'elle t'aime et que toute cette histoire est oubliée.
Il secoue la tête et me regarde droit dans les yeux, je pense un instant qu'il va prendre mes mains mais il ne le fait pas.
— Tu ne l'as pas vue me regarder comme elle l'a fait, elle se fiche de mon sort à partir de maintenant. Et je ne veux plus être un poids pour elle. Ni pour personne.
Je déglutis et me prends à être triste pour lui, il est parti parce qu'il pense qu'on lui a tous tourné le dos. Et je crois que c'est ce qu'on a fait dans un sens. Mais il faut qu'il comprenne qu'on a parfois besoin d'avaler la pilule et que ça ne veut pas dire qu'on ne le soutient plus et qu'on se fiche de lui.
— Crois moi, Kate ne pense pas que tu sois un poids. Ni Oliver d'ailleurs. Ils attendent impatiemment que je leur donne de tes nouvelles tu sais ? Dis-je en montrant mon portable.
Il cligne rapidement des yeux.
— Pour leur bonne conscience sûrement.
Il ne croit pas tellement à ce que je dis, Kate a dû aller un peu loin. Mais si je suis là aujourd'hui c'est parce que je le veux et il doit comprendre que je ne suis pas la seule qui veut absolument qu'il rentre.
— Je ne sais pas si elle ne serait pas mieux sans moi, si vous ne le seriez pas tous en fait.
Je ne peux pas m'en empêcher et glisse ma main sur la sienne. Je sais que ma colère n'est pas tout à fait partie mais je sais aussi que je me sens plus légère à l'idée d'être là avec lui. Sa tristesse me prend tout entière, je n'arrive pas à penser à autre chose qu'au fait qu'il soit parti en pensant qu'on ne voulait plus jamais entendre parler de lui. Scott me rend faible et il m'a fallu moins de temps pour craquer qu'il ne m'en a fallu pour prendre la décision de venir ici, à New-York. Aujourd'hui je serais aussi têtue qu'Elio et ne partirais pas tant qu'il ne m'aura pas promis de rentrer. Son regard s'éclaire un peu en sentant ma peau contre la sienne.
— Je suis désolée de t'avoir tourné le dos au lieu d'avoir essayé de te comprendre.
J'ai décidé d'arrêter d'être cette personne qui fuit sans cesse. Je suis partie un an en Australie à cause de ça, parce que je n'arriverais pas à faire face à mes sentiments et à Camden, parce que je n'arrivais pas à prendre de décision en ce qui concernait mon futur et qui j'étais. Je refuse d'être à nouveau cette personne.
— Tu n'es pas obligée de faire tout ça Nora, je ne veux pas t'entraîner dans le bordel infini qu'est ma vie.
Il retire sa main et balance sa tête en arrière.
— Regarde toi, tu es capable de faire des heures d'avion et te perdre dans New-York juste pour me parler alors que je n'ai pas été capable d'être honnête avec toi, sur ce que j'avais fait à Camden et sur tout ce qui me concerne en général.
Il semble vraiment en colère contre lui-même, plus que Kate, Oliver et moi avons pu l'être.
— Tu ne t'es pas dit que tu valais peut-être le coup ? Pour tout ça, pour les kilomètres que j'ai faits. Pour la patience de Kate, pour les efforts d'Oliver.
Il secoue la tête.
— Tu ne fais que pointer tes points négatifs en permanence. Mais tes défauts ne te définissent pas !
Je ramène mon genou à ma poitrine.
— Tu es un garçon attachant et drôle. Tu es courageux, sensible...Tu es un grand frère formidable aussi.
Il sourit à la dernière mention.
— Et j'aurais donné n'importe quoi pour te rencontrer avant, et je ferais ce qu'il faut pour que tu ne disparaisses pas de ma vie.
Ses yeux foncés me scrutent longuement, il a entendu mes paroles et j'espère sincèrement qu'il les comprendra.
— Alors Kate veut que je rentre ?
J'opine.
— Elle est morte d'inquiétude à l'heure qu'il est, elle ne sait plus quoi dire à Roméo.
— Ils tiennent tous les trois profondément à toi et je pense qu'il n'est jamais trop tard pour te rattraper.
Je le pense sincèrement. Il s'approche un peu plus près de moi et joue avec mes doigts. Sa peau chaude et douce m'a manqué, bien plus que je ne le pensais.
— Est-ce que si je rentre tu voudras bien me donner une autre chance toi aussi ? Demande-t-il d'une voix presque inaudible.
Je crois qu'il s'est jeté à l'eau sans vraiment savoir si j'accepterais. Et si je m'écoutais, je le laisserais un peu mariner en lui disant que j'ai encore besoin de temps. Sauf que je sais que je n'en ai pas besoin, je sais que moi aussi je n'ai pas été parfaite et il ne sert à rien de vouloir à nouveau recommencer sur de bonnes bases. Parfois les bases ne sont juste pas bonnes et c'est ce qui suit qu'il faut améliorer. Je réponds alors par la positive, je n'ai aucun doute sur le fait que je veux être avec lui, maintenant plus que jamais.
— Seulement si tu me dis ce que tu as dit sur moi à cette Cass.
Je sais, ma curiosité me perdra. Mais j'ai besoin d'éclaircir cette histoire jusqu'au bout.
Il sourit enfin, le souffle chaud de son haleine vient caresser ma joue.
— Je lui ai dit que j'étais tombé éperdument amoureux de ma voisine.
Mon cœur rate un battement, je mets une seconde où deux à vraiment réaliser qu'il vient de dire ce que je pense qu'il a dit. Un grand sourire vient fendre mes lèvres et je ne peux me retenir de l'embrasser. Nos lèvres se rencontrent et nous partageons un baiser à la fois tendre et doux. Il m'a manqué, à un point que je ne pensais pas imaginer. Je ne connais Scott que depuis quelques semaines et pourtant il a eu un grand impact dans ma vie, assez grand pour que je vienne jusqu'ici le chercher, assez grand pour que je veuille faire ce qu'il faut pour qu'il aille bien, qu'il soit heureux. Qu'on puisse l'être tous les deux.
— Est-ce que tu peux appeler Kate pour lui dire que tout va bien, et que tu vas rentrer ?
Si ma vie en Australie n'était rythmée que de journées paisibles et de week-ends relaxants et amusants, mon été ici n'est qu'une escalade d'émotions qui ne cesse jamais de finir. Je détestais profondément Scott il y a encore une heure, imaginant qu'il s'était jeté dans les bras d'une autre à la première occasion, et maintenant me voilà à ses côtés à ne souhaiter qu'une chose : être avec lui.
— Oui je vais le faire.
Il se lève et s'éclipse dans la chambre, je l'entends lui parler d'une voix douce, assurer qu'il va bien et qu'il est chez un ami. Il lui précise que je suis bien là et qu'on va bientôt rentrer, il refuse à plusieurs reprises qu'elle paye quoi que ce soit. Il lui souhaite bonne journée et raccroche avant de revenir.
— Tu as raison, elle est super contente.
Il regarde son portable comme un enfant, soulagé de savoir qu'il est pardonné, à tous les niveaux. Je lui lance qu'il faudrait peut-être appeler Elio et lui dire de nous laisser sortir.
— Aucune chance, il doit sûrement jouer avec son groupe ce soir. Il ne rentrera pas avant le lever du soleil.
Je grogne, agacée et m'assois à nouveau sur le canapé.
— On a cas juste se détendre, tu dois être fatiguée de ton voyage.
Il a raison et avec tout le stress engendré ça ne m'a pas vraiment aidée non plus. De plus, ça me fait gagner une nuit d'hôtel que je n'aurais pas besoin de payer.
Le reste de la journée est passé, Scott et moi avons un peu discuté de la ville et de ses souvenirs ici, quand il était encore au lycée. Il s'est ensuite endormi une petite heure pendant que je regardais un film. Puis, j'ai été à la douche et nous avons préparé à manger. Ce n'était pas extraordinaire et peut-être que j'avais espéré autre chose pour mon premier séjour à New-York, mais je crois que je n'ai pas vraiment besoin de plus finalement.
Nous sommes ensuite allés dans la chambre d'Elio pour dormir. Je n'arrêtais pas de bailler depuis presque deux heures, il était temps que j'aille enfin me coucher. J'ai directement trouvé les bras de Scott dans lesquels je me suis lovée.
— Et si on restait un peu plus longtemps que prévu ? Propose-t-il soudainement.
Je me redresse sur le coude et le regarde, je sens que cette idée mûrie depuis quelques heures dans sa tête.
— Je croyais que...
Il me coupe en souriant.
— Non, je veux rentrer. J'ai hâte de voir Roméo et de m'excuser à nouveau auprès de Kate et Oliver. Mais je me dis que je n'aurais peut-être plus l'occasion avant un moment de revenir ici, j'aimerais te faire découvrir où j'ai grandi.
C'est vrai que je n'ai pas vraiment d'obligation chez moi, et ça me fera certainement du bien de m'éloigner de tout le chaos qu'est ma famille ces derniers temps.
— C'est une très bonne idée.
Il dépose un petit baiser sur mon nez.
— Oh fait, reprit-il. 
Je relève la tête. 
— Merci. 
Je fronce les sourcils, pas certaine de la raison pour laquelle il me remercie. 
— Camden a retiré sa plainte, je ne sais pas ce que tu as fais, mais je sais pertinemment qu'il ne l'a pas fait de bonté de cœur.
Je ne réponds pas, mais mon sourire seule a suffit lui faire comprendre ce qu'il savait déjà. 
— Je te revaudrais ça, promis.   

Des mains se crispent autour de mes bras, très fort, trop fort. Je me réveille, paniquée et prends mon portable pour me servir de lumière. C'est Scott qui est en train de faire un mauvais rêve, comme la dernière fois que nous avons dormi ensemble. Celui-ci semble un peu plus violent, son visage se crispe et sa respiration s'accélère. Je le rassure en lui disant que je suis là, à côté de lui, je lui répète que c'est moi. Sa main se crispe toujours à mon bras. Je le secoue légèrement pour le réveiller. Il ouvre grand les yeux et me fixe avant de réaliser où il est.

— Scott, c'est moi, tout va bien.
Il me tire contre lui, comme pour se ramener à la réalité. Sa respiration met un temps à s'apaiser, je caresse doucement ses hanches nues et lui répète à nouveau que ce n'était qu'un mauvais rêve.
 J'imaginais qu'il s'était rendormi mais il regarde le plafond depuis dix minutes sans dire un mot. Seul son pouce bouge, formant des ronds sur mon bras.
— Scott, dis-moi ce qu'il ne va pas, m'inquiétais-je.
Je me redresse et essaie de capter son regard, il baisse enfin les yeux vers moi et ouvre enfin la bouche.
— Il faut que j'aille voir mon père, je ne peux pas partir de New-York sans le voir.
Je ne suis pas supposée savoir quoi que ce soit à son sujet, j'agis alors comme si de rien était.
— Tu veux aller chez lui ?
Il secoue la tête et passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
— Non, en prison Nora.
Je prends sa main que je serre un peu plus fort.
— Il y a un tas de choses que tu dois encore savoir sur moi, dit-il en me caressant la joue, mais pas ce soir.
Il m'embrasse la tempe et me serre contre lui une nouvelle fois.

Fix youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant