1. Nora

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— Un divorce ?
C'est la dernière chose que je pensais entendre aujourd'hui. Je pars un an en Australie et voilà que ma famille vole en éclat. Au vu du regard que mes trois sœurs me lancent, elles semblent être au courant depuis un petit moment. Je me lève de table et monte dans ma chambre. La voix de ma mère résonne depuis le bas des marches. Je ferme la porte et m'assieds dans mon lit, abasourdie par la nouvelle. Il y a exactement 12 mois je partais pour être fille au pair en Australie. Je ne savais pas vraiment quoi faire de ma vie et j'avais besoin de voyager. Voir autre chose que ce que mon cocon familial m'avait toujours offert. J'avais besoin de respirer, partir loin de tout. Mes études, mes amis et surtout de lui. 


Je ne comprends pas ce qui a pu se passer, pour qu'en l'espace d'une simple année, mes parents qui semblaient être si heureux ensemble décident de divorcer. Pas se séparer, mais bel et bien divorcer. Je regarde autour de moi et redécouvre la chambre qui m'a tant manqué ces derniers mois. La porte s'ouvre, la frimousse de ma petite sœur apparaît. J'aimerais bien lui dire de partir et me laisser tranquille, malheureusement cette chambre lui appartient autant qu'à moi.

Sacha a 15 ans, elle est l'avant-dernière de notre fratrie. C'est celle dont j'ai toujours été la plus proche. C'est d'ailleurs pour ça que nous partageons toutes les deux notre chambre. Elle s'assoit sur le lit en face du mien et croise ses jambes. Je remarque immédiatement ses chaussettes dépareillées. Elle n'a jamais pris la peine de s'ennuyer à chercher des paires. Elle n'a pas énormément changé en un an. Ses cheveux roux lui arrivent au niveau du menton (dû à des coups de ciseaux de sa propre main). Ses grands yeux marron pétillent toujours et ses tâches de rousseur ont sûrement commencé à pointer à nouveau leur nez à la fin du printemps. Sacha est mon opposé sur tous les points. D'abord physiquement. Je suis brune aux yeux bleus, le teint hâlé. Comme notre mère. Mon père nous répète tout le temps qu'on est des copiés collés : Ma mère, moi et June, notre petite sœur, la dernière de la famille de 5 ans. Elizabeth – Lizzy- ma sœur aîné, quant à elle, ressemble comme deux gouttes d'eau à notre père. Grande, blonde, élancée, les yeux noisette. Ma mère a longtemps plaisanté à ce sujet, disant qu'elle avait passé neuf mois à concevoir son premier enfant pour qu'elle soit le portrait craché de son père. Ce qui n'a jamais déplu à Lizzie, elle aime être l'unique blondinette de la fratrie.
Et Sacha... Sacha ressemble à oncle Freddy, le frère de maman. Ils ont tous les deux les cheveux roux (même si ceux d'oncle Freddy se rapprochent plus d'un cuivré marron en réalité) et des tâches de rousseurs. Mais ce n'est pas l'unique chose qui nous différencie mes sœurs et moi. Elizabeth à vingt et un ans, elle est fiancée à Sean son petit ami de lycée. Grâce à lui, elle s'est découvert une passion pour la religion chrétienne. Elle s'est même fait baptiser à sa majorité. Notre famille n'a jamais été très religion, je crois que les parents de mon père sont chrétiens. Mais ils ne nous ont jamais imposé quoi que ce soit. Quand Lizzie a annoncé sa conversion, ma mère l'a félicitée et lui a demandé de lui passer le sel. Lizzie passe donc une bonne partie de son temps à l'église, elle s'occupe de collectes de fonds, fait du bénévolat et aide activement l'église. Mes parents sont fiers d'elle, elle a trouvé sa voie et c'est ce qui la rend heureuse, c'est ce qui compte. Si elle n'était pas si condescendante et tyrannique avec nous, elle serait presque la sœur parfaite. Honnêtement, j'attends juste que son fichu mariage dont elle parle depuis si longtemps se fasse pour qu'elle déménage et qu'on soit un peu tranquilles. Sacha, elle, est plutôt discrète. Elle passe le plus clair de son temps sur son portable à regarder des vidéos sur YouTube et quand elle n'est pas sur son portable elle est collée chez Ellie, sa meilleure (et seule) amie. Je chéris aussi Sacha pour une principale raison : elle n'est pas le genre de petite sœur à me piquer mes fringues et mon maquillage. Non, elle n'a pas encore découvert qu'elle peut s'habiller autrement qu'avec des jeans noirs tristounets et des hauts à manches longues trop larges pour elle. Elle considère aussi qu'un coup d'eau sur le visage suffit largement pour avoir l'air réveillé. Après tout je crois que si j'avais son joli teint de poupée moi non plus je ne me maquillerais pas.
Et pour finir June, le bébé de la famille et donc mon portrait craché. Elle a cinq ans. C'est arrivé qu'on nous arrête toutes les deux au supermarché, pendant que ma mère était partie chercher quelque chose, pour me dire que j'avais une superbe petite fille. June est drôle, pétillante et déjà très coquette. Elle, à contrario, ne va pas tarder à fouiller dans mes placards.

On formait une petite famille sympa tous les six et je n'aurais jamais imaginé qu'en les laissant un an on en arriverait là.
— Ça fait combien de temps que vous savez ? Demandais-je à ma petite sœur.
Sacha hausse les épaules et pose son portable avant de regarder le sol.
— Ça fait quelques mois qu'ils se disputent, on se doutait que ça allait arriver tôt ou tard.
Elle prend une longue inspiration et reprend son portable.
— Et comment tu te sens vis-à-vis de ça ?
Elle hausse les épaules. Je ne sais pas moi-même comment je me sens et savoir comment mes sœurs appréhendent la chose m'aiderait un peu. Elles le savent depuis plus longtemps que moi et ont dû avoir le temps de digérer la chose.
— Je ne sais pas Nora, je crois que je m'en fiche un peu. Tant qu'ils arrêtent de se disputer.
Je m'assois à côté d'elle, Sacha a toujours été celle dont je suis la plus proche et je refuse qu'elle ne me dise pas ce qu'elle ressent. J'avais peur que cette année à l'étranger nous éloigne un peu l'une de l'autre.
— C'était si terrible que ça ?
Elle verrouille à nouveau son portable et hoche la tête.
— Ils ont déjà réveillé June tellement ils se criaient dessus.
Je ferme les yeux et essaie de comprendre ce qui a pu les pousser à se détester autant et surtout à ne pas savoir se contrôler dans la maison où trois de leurs filles vivent encore. Je passe mon bras autour des épaules de ma sœur et la tire contre moi.
— Ça va aller, soufflais-je.
Elle tourne la tête vers moi, ses yeux foncés se plongent dans les miens l'air de dire « Merci d'être revenue ». Je souris pour éviter de l'obliger à dire quoi que ce soit, je sais qu'elle n'en a pas envie.

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