33. Nora

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Cette journée a été émotionnellement éprouvante pour Scott et j'ai essayé de faire du mieux que je pouvais pour le soutenir mais je dois avouer que je me suis surtout sentie impuissante.
Nous sommes tous les deux face à face, assis dans le lit, les mains jointes l'une à l'autre. Nous repartons demain dans la matinée, reprendre notre vie, retrouver nos familles. En dehors de cette petite bulle que j'ai plutôt appréciée ici.
— Merci, dit-il en jouant avec ma main.
Je souris et essaie de capter son regard, il semble un peu éteint, sûrement à cause de la fatigue.
— Eh, Scott, c'est terminé d'accord ?
Il lève les yeux vers moi et se force à sourire.
— J'ai l'impression que ça ne le sera jamais vraiment.
Il s'humecte les lèvres.
— Chaque fois que je sens une vapeur d'alcool, chaque fois qu'un homme lève la voix sur moi, chaque fois qu'un grand bruit éclate. Tout me ramène à là-bas, à cette époque.
Je passe une de mes mains sur sa joue.
— Tu pourras en parler à ton psy d'accord, et tu peux m'en parler à moi. Autant que tu le voudras, autant de temps, autant de fois qu'il le faudra, je t'écouterai toujours.
Il déglutit.
— Parfois j'aimerais expliquer aux gens ce que je ressens, j'aimerais leurs expliquer que je me réfugie toujours dans mon lit parce que c'est l'endroit où je passais tout mon temps petit, j'y restais des journées entières dans le noir à espérer que le temps passe plus vite.
Il part à nouveau dans ses souvenirs alors je me montre attentive, sans dire un mot.
— J'aimerais qu'ils comprennent que j'étais sans cesse dans cette angoisse permanente que ça ne soit pas un jour fait comme un autre et que mes parents pouvaient décider à tout moment de rentrer dans ma chambre pour me rappeler à quel point j'étais un minable et à quel point ils regrettaient de m'avoir eu, et ça pendant des heures, en me regardant pleurer et m'excuser d'être simplement né.
Je sens mon cœur se resserrer instantanément, Scott s'ouvre pour la première fois et ses paroles sont si dures que j'ai l'impression que chacune d'elles me crèvent un peu plus le cœur.
— J'aimerais qu'ils comprennent que c'était des constantes anticipations : je ne dois pas faire de bruit pendant encore quatre heures pour être sûr que l'alcool se soit assez évaporé pendant leur sommeil, je dois baisser les yeux en passant vers ma mère, parce qu'elle pourrait me rappeler à quel point je ressemble à mon père et laisser toute sa colère se déverser sur moi.
Il lève ses yeux embués vers moi.
— J'aimerais qu'ils comprennent que le petit garçon assis dans un coin de sa chambre, à entendre sa mère casser des assiettes en criant qu'elle le déteste, les mains bouchées sur les oreilles à se convaincre que tout irait mieux un jour en pleurant : c'était moi.
Je sens une larme chaude couler le long de ma joue.
— Mais j'ai toujours l'impression que peu importe ce que je raconterais, ils ne comprendraient pas. Peu importe les mots que j'utilise, ils ne sont pas assez puissants, pas assez profonds, pas assez durs pour exprimer tout ce que j'ai ressenti toutes ces années. Et j'ai peur Nora, j'ai peur qu'on me dise que ce que j'ai ressenti n'était pas légitime, que ce que j'ai vécu n'était pas si grave. Parce que c'est ce que j'ai pensé moi-même pendant des années.
Je craque complètement et fond en larmes.
— Je ne pourrais peut-être jamais te raconter tout ce qu'il s'est passé. Une part de moi pense qu'il vaut mieux oublier tout ça plutôt que le ressasser, mais si je dois être honnête, je crois que je préfère me taire que de voir la douleur dans tes yeux si je venais à te raconter tout ce que j'ai subi.
J'ouvre la bouche et renifle pitoyablement en lui expliquant qu'il ne doit pas s'inquiéter pour moi et ce que je ressens, que je suis capable d'entendre tout est n'importe quoi. Il réussit à sourire malgré tout.
— Je sais que t'en es capable, mais je crois qu'il n'y a rien de pire que voir quelqu'un écouter l'enfer qu'on a vécu et voir une profonde tristesse les emparer. C'est ça qui fait vraiment mal en fait. Que des personnes aussi pures et aimantes se rendent compte de ce qu'on a traversé et se sentir coupables pour des choses qu'ils n'ont pas pu contrôler.
Il vient immédiatement me prendre dans ses bras et me serre contre lui, je sens mes larmes mouiller son t-shirt.
— Je suis désolée, soufflais-je, pour tout ça.
Je sais bien évidemment que je n'y suis pour rien, mais il a raison, entendre une simple bribe de ce qu'il a pu vivre me brise littéralement le cœur et je n'ai pas assez de haine et de colère en moi pour exprimer ce que je ressens vis-à-vis de ses parents. Mais je sais que j'ai assez d'amour, d'attention, de patience et d'écoute à lui accorder pour réparer tout ça. Je me détache de ses bras et le regarde droit dans les yeux, nous sommes tous les deux aussi émus l'un que l'autre.
— T'as gagné, soufflais-je, je t'aime Scott. Et je n'aurais jamais imaginé pouvoir ressentir quelque chose d'aussi fort et intense envers quelqu'un que je connais depuis si peu de temps, mais tu es différent, t'es juste arrivé dans ma vie et maintenant je ne suis rien d'autre que profondément et irrémédiablement amoureuse de toi.
Un sourire éclaire soudainement son visage, comme si mes mots venaient d'effacer toute la tristesse de cette dernière conversation. Sa bouche vient trouver la mienne, nous échangeons un baiser langoureux et passionné. Nos langues se trouvent et nos respirations s'accélèrent, ses mains passent sur mon visage puis dans mes cheveux. Je le tire contre moi et me retrouve sur le dos, Scott au-dessus de moi. Il interrompt notre baiser et plonge ses yeux sombres dans mes miens.
— Ne m'oblige pas à te supplier, dis-je d'une voix douce.
Il sourit et reprend notre baiser, ses mains se baladent désormais dans mon cou puis laissent place à sa bouche qui vient le couvrir de baiser. Il caresse mon épaule et fait glisser la bretelle de mon débardeur. Une de ses mains passe sous mon t-shirt, il effleure mon ventre qui se contracte à son simple toucher et vient ensuite prendre mon sein gauche. Je laisse échapper un petit soupir, il relève immédiatement la tête pour me demander si tout va bien. J'opine simplement en me mordant la lèvre. Scott retire son t-shirt qu'il balance sur le sol. Je m'assois pour retirer le mien qui subit le même sort. Il passe alors une main dans mon dos pour m'aider à me rallonger, je glisse mes doigts sur ses bras musclés et vient ensuite les passer dans ses cheveux. Peau contre peau, notre baiser ne me suffit plus et Scott l'a compris. Ses doigts viennent trouver l'élastique de mon short de pyjama et s'y glissent. Je pousse un long soupir d'excitation et ferme les yeux. Scott me dépose plusieurs baisers sur la joue, la nuque et l'épaule tandis qu'il joue tendrement avec ses doigts en moi. La chaleur monte et je ne supporte plus de ne pas le toucher moi aussi, ma main vient rejoindre la bosse de son jogging bien formée. Je le caresse avant de plonger ma main dans son boxer. Scott me regarde dans les yeux en souriant, faible de ce simple contact. Nous jouons l'un avec l'autre un moment avant qu'il n'en puisse plus et que nous retirions chacun nos derniers morceaux de tissus. En temps normal c'est le moment où je me sens vulnérable, j'ai tendance à me cacher de mes mains où sous la couverture. Mais pas cette fois, le clair de lune nous éclaire tous les deux assez pour que nous puissions nous voir complètement nus et pour la première fois, je me sens parfaitement à l'aise face aux yeux d'un homme. Ces yeux qui ne voient pas qu'un corps, mais bien plus que ça. Nous nous embrassons à nouveau, l'un collé à l'autre, plus rien ne nous sépare désormais.
— Oh, attends.
Scott se redresse et fouille dans la valise à côté de notre lit, il en sort un préservatif. Je le regarde, intrigué.
— Elio, il m'a donné ça en partant tout à l'heure, dit-il amusé.
Peut-être que j'aime bien Elio après tout.
Les prochaines secondes furent ce que nous attendions tous les deux depuis le début et je ne regrette pas une seconde d'avoir attendu, parce que maintenant nous ne sommes plus juste Scott et Nora, le serveur et la fille paumée. Nous sommes deux personnes qui se sont trouvées et qui aujourd'hui ne peuvent plus se passer l'une de l'autre. Et j'aime être cette personne, j'aime être avec Scott, j'aime Scott. Il est lentement entré en moi, en vérifiant à chaque seconde que tout allait toujours bien. Mes bras entourent sa nuque, j'approche son visage à nouveau pour qu'il m'embrasse. Chaque coup de bassin est accompagné d'un baiser, rendant cet instant plus sensuel et intime encore. Nos corps ne font plus qu'un, sa respiration accélère. Je gémis doucement contre sa bouche, il arrête de m'embrasser et me regarde, caressant ma mâchoire du bout des doigts. Il profite de ce moment unique qui nous est enfin donné, hors du temps, hors de tout.
— Viens, souffle-t-il.
Je n'ai pas le temps de vraiment réagir que je me trouve déjà au-dessus de lui. Il me regarde avec une telle excitation que je croirais qu'il rêve de me manger, crue, tout de suite. Ses mains se baladent sur ma poitrine, qu'il caresse allégrement. Je me mets alors à bouger mon bassin et vois son visage changer, tout son plaisir peut s'y lire, et je comprends maintenant pourquoi il s'est arrêté de m'embrasser tout à l'heure. Ses mains s'appuient sur mes hanches tandis qu'il grimace de plaisir, je me laisse emporter moi aussi par la vague de bien que ça me procure. Mon cœur s'accélère, la respiration de Scott aussi. Il m'attire contre lui, m'embrasse avec passion et ses yeux ancrés dans les miens. Nos fronts l'un contre l'autre juste avant ce plaisir ultime qui clôturera notre première fois, il souffle :
— Je t'aime.
Ses muscles se tendent, je lui mords la lèvre en me contractant, son bras fort me tenant contre lui, un long soupir de jouissance s'échappe de sa bouche tandis que j'essaie du mieux que je peux de ne pas crier. Je relâche ses lèvres, il sourit, nos respirations encore haletantes. Aucun de nous deux ne bouge, mon corps est pris de frissons, je caresse sa joue ne sachant pas vraiment quoi dire. C'était mieux que tout ce que j'avais imaginé, tout ce que j'avais vécu. Je me retire et m'assois à côté de Scott qui disparaît quelques secondes plus tard dans la salle de bain. J'en profite pour remettre mon short de pyjama et mon t-shirt avant qu'il ne revienne. Scott enfile un boxer propre et revient dans le lit, il s'allonge derrière moi et me tire contre lui pour placer sa tête dans mon cou. J'ai un peu froid et il le remarque, alors il remonte la couverture et m'embrasse la tempe en me demandant si je vais bien.
— Très bien, dis-je d'une voix douce.
Sa main vient trouver la mienne et se joignent sur mon ventre.
— Je sais que j'avais promis de ne pas te toucher mais...
Je tourne la tête et le traite d'idiot.
— Et moi j'étais certaine de ne pas tomber amoureuse de toi.
Et voilà où j'en suis.
— Je t'avais dit que tu succomberais à mon charme, lance-t-il sûr de lui.
Je ne peux pas le contredire, il avait finalement raison.
— Tu viendras dormir avec moi, quand je serais à la maison ?
Je souris.
— Seulement si tes parents sont d'accord.
Je le sens sourire dans ma nuque.
— Mes parents, répète-t-il, c'est drôle de se dire qu'ils seront finalement enfin mes parents.
La joie qui se dégage de sa voix est inexplicable, j'ai l'impression que Scott a enfin compris qu'il avait le droit d'être heureux et je crois que c'est une petite victoire, qui en annonce des tas d'autres.
— On reviendra ici, visiter New-York pour de bon cette fois, je te le promets.
Je lui réponds que j'en ai bien l'intention, il m'embrasse une dernière fois et se laisse aller dans les bras de Morphée. Sa respiration ralentit et sa main relâche doucement la mienne. Je ne bouge pas, je reste un temps comme ça : juste à l'écouter. J'attends et espère que son sommeil sera paisible et qu'il ne sera pas pris de ces affreux cauchemars qui le hantent, auquel cas, je serais là. Chaque fois qu'il en aura besoin. Je me laisse enfin tomber de sommeil, épuisée par cette longue journée et fatiguée d'avance de la prochaine qui arrive. Je ferme les yeux et me voilà doucement bercer par la respiration de mon petit-ami. Scott n'avait plus de soucis à se faire : aucun cauchemar, une nouvelle vie à l'horizon, rien au monde ne pouvait gâcher ça... Du moins c'est ce que je pensais.

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