35. Nora

83 7 0
                                    

June me demande pour la troisième fois si je suis prête, je récupère mon sac à main et la suit jusqu'à la porte. Elle n'a pas vu Roméo depuis deux jours et commence à se languir de passer à nouveau du temps avec lui. J'en profite pour aller voir Scott et lui demander comment il va. Ces deux dernières semaines ont été intenses pour lui. Je lui envoie des messages chaque jour et passe le voir un jour sur deux, il reste la plupart du temps cloîtré dans sa chambre. Naveen passe aussi le voir, je crois que ça lui fait du bien qu'on lui tienne un peu compagnie. Il se sent vide et triste, j'imagine que c'est le schéma classique du deuil. Je ne l'ai encore jamais vécu et j'espère que ce jour n'arrivera pas d'aussi tôt. Je me demande si c'est pareil pour quelqu'un comme Scott, qui a profondément détesté son père. Est-ce que c'est plus dur de pleurer quelqu'un qui nous a fait autant de mal ? Est-ce qu'on est supposé se sentir coupable de ressentir ce genre de chose ?
Il est allé à l'enterrement il y a une semaine. Il a insisté pour y aller en expliquant qu'il en avait besoin. Oliver l'a accompagné, juste Oliver. Il ne voulait la présence de personne d'autre. Je suis passée le voir le lendemain matin et il avait l'air d'aller un peu mieux. Je lui laisse l'espace dont il a besoin et espère qu'il ne me trouve pas trop envahissante. J'essaie de trouver le juste milieu entre le fait de le soutenir et le laisser un peu seul pour gérer tout ça. Oliver m'ouvre la porte avant que je n'aie le temps de frapper.
— Roméo vous guettait par la fenêtre depuis dix minutes, dit-il amusé.
Ma sœur sautille de joie et se précipite vers son ami.
— Kate est là ? Demandais-je.
Oliver me désigne le jardin du doigt. Je veux passer la voir pour la saluer avant de monter voir Scott. Elle est à genoux en train de désherber son potager dans le jardin. Je m'approche d'elle en prenant soin de ne pas être trop silencieuse, je m'en voudrais de lui faire peur.
— Bonjour Nora, dit-elle en se frottant le nez avec le dos de son gant.
Elle a pris l'habitude de mes visites et me remercie chaque fois de venir, elle dit que Scott est un peu plus joyeux chaque fois que je passe la porte de cette maison.
— Vous allez bien ?
Elle hoche la tête et se relève avant de frotter ses mains pleines de terre sur sa salopette en jean. Les cris de joie de Roméo et June résonnent maintenant dans le jardin, ils courent l'un après l'autre en se tirant dessus avec leurs pistolets à eau.
— Et Scott ?
Elle sourit sincèrement et s'approche de moi.
— De mieux en mieux.
Elle regarde la fenêtre de sa chambre et la pointe du doigt.
— Il doit certainement être réveillé si tu veux monter le voir d'ailleurs.
Je la remercie et ne me fais pas prier, je traverse la maison, ôte mes chaussures et monte jusqu'à la chambre de mon petit ami. J'ouvre délicatement la porte et le vois, de dos, paisiblement endormi. J'avance sur la pointe des pieds et m'approche de lui, ses cheveux blonds angéliques éparpillés sur l'oreiller ne lui donnent qu'un air encore plus innocent. Je m'approche tout doucement pour le réveiller, mais un de ses yeux s'ouvre, il sourit et me tire contre lui.
— Tu faisais semblant de dormir, dis-je amusée.
Je suis désormais allongée à côté de lui, nos visages l'un en face de l'autre ma joue dans le creux de ma main.
— J'ai entendu June quand vous êtes arrivés.
Il n'a presque plus de cernes et son sourire est plus éclatant de jours en jours, Kate a raison, il va mieux.
— Est-ce que Kate t'a dit ?
Je secoue la tête, légèrement inquiète. Je crois que mon cœur ne supporterait plus d'entendre d'autres mauvaises nouvelles pour le moment.
— J'ai mon premier rendez-vous avec mon nouveau psy après-demain.
L'air satisfait de Scott ne me rend que plus heureuse d'entendre cette nouvelle. Lui qui était réticent à parler à nouveau à quelqu'un se trouve être excité à l'idée d'avoir son premier rendez-vous.
— Elle m'a été recommandée par ma psy précédente, elle lui fait totalement confiance et m'assure que je suis entre de bonnes mains.
Je suis, chaque, jour un peu plus surprise de ce dont Scott est capable. Il a plus évolué en quelques semaines qu'en six ans chez eux d'après Kate. Je suis ravie qu'il ait eu ce déclic malgré qu'il fut suivi du suicide tragique de son père. Nous en avons parlé longuement, tous les quatre autour d'une table. Oliver voulait que Scott comprenne qu'il n'avait vraiment rien à voir avec tout ça. Il lui a fait prendre conscience que son père n'avait rien à la sortie : Plus de maison, pas de travail, plus d'amis. Et que rien de ce qu'il n'aurait pu dire ou faire n'aurait changé sa décision, il l'aurait probablement fait tôt ou tard. Je ne sais pas si c'est vraiment exact. Le père de Scott a dû vivre le décès de sa femme et je pense qu'il s'accrochait à l'idée de revoir son fils et que Scott lui a ôté toute possibilité de retrouver un foyer en lui disant qu'il ne voulait plus jamais entendre parler de lui. Je ne défends pas son père, au contraire, je ne comprends pas qu'il a pu penser une seconde pouvoir retrouver une vie normale auprès d'un fils qu'il a passé des années à traumatiser. Je crois que Scott a eu raison de dire tout ce qu'il avait à dire et que son père s'est rendu à l'évidence que plus rien n'y personne ne l'attachait à cette vie. Une partie de moi aurait préféré qu'il pourrisse en prison pour ce qu'il a fait mais une autre pense que de cette façon, Scott est définitivement libre.
— J'y pense, commence-t-il, tu ne m'as toujours pas présenté à ta famille.
J'éclate de rire et lui fait remarquer qu'il est mon voisin et que ma famille le connaît très bien.
— Non, je veux dire. Comme copain officiel.
Chaque fois que Scott prononce ces mots, mon cœur bat un peu plus vite.
— Est-ce que tu veux que je t'invite à dîner ?
Il hoche la tête, et me prends la main. Je réfléchis rapidement à une date.
— Ma mère n'a plus qu'aujourd'hui avant de reprendre le travail.
Elle s'est accordé quelques jours de vacances bien mérités.
— Pourquoi pas ce soir ?
Le simple fait que Scott veuille sortir de sa chambre, mais aussi de sa maison me fait chaud au cœur.
— Vraiment ?
Un éclat de joie intense me parcourt. Je me mets immédiatement à penser à ce que l'on pourrait manger et à la façon dont je serais habillée. Scott m'affirme qu'il serait partant et me tire à nouveau contre lui. Je relève la tête et le regarde sourire, je ne m'en lasserais jamais. Je l'embrasse et lui souffle que je suis heureuse de l'avoir dans ma vie. Ses bras se resserrent autour de moi et sa main caresse délicatement mon bras.

Fix youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant