19. Nora

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Aucune des trois tenues précédentes ne me convient. J'ai voulu essayer quelque chose de plus simple, je ne veux pas avoir l'air d'en faire trop. J'ai détaché mes cheveux puis les ai attachés de nouveau mais rien n'y fait. Je regarde les trois robes étalées sur mon lit en soupirant.

— Mets un jean, lance Sacha depuis son lit.
Je lui rétorque que nous sommes en plein été.
— Il vient te chercher à vingt-et-une heures trente, rappelle-t-elle.
Je retourne jusqu'à mon armoire et fouille pour trouver un jean, je n'en ai pas porté depuis un moment. Sacha se lève et me sort un petit haut noir avec quelques détails en dentelles sur le décolleté.
— Tu seras parfaite comme ça.
Je suis surprise d'apprendre que ma petite sœur a finalement du goût. Je lui répète sans cesse que mettre des trucs larges ça ne lui va pas. Je passe dans la salle de bain et décide de me laisser les cheveux détachés. Je passe un coup de brosse et repousse deux mèches derrière mes oreilles avant d'appliquer un peu de gloss et une touche de mascara. Quand je retourne dans la chambre, Sacha m'observe.
— C'est très bien.
Je me tourne vers mon miroir et lui demande si je ne dois pas mettre un peu plus de maquillage. Elle ne répond pas et se contente de soupirer, lassée.
— Il te plaît beaucoup ?
Oui Scott me plaît. Physiquement c'est un beau garçon. Il me fait rire et je le trouve vraiment charmant. J'aime passer du temps avec lui et je veux le découvrir chaque jour un peu plus. Hier, dans la piscine, il y a eu ce truc entre nous. J'ai failli craquer, je dois me faire de plus en plus violence pour lui résister. Pas uniquement sexuellement mais juste pour me retenir de le toucher, de le regarder.
— Tu es déjà tombée amoureuse ? Pensais-je soudainement en me tournant vers Sacha.
Elle me regarde avec un petit air de dégoût comme si c'était impensable.
— Non, dit-elle simplement.
Je m'assois sur mon lit et la regarde. Je ne suis pas objective mais ma petite sœur est une jolie fille. Peut-être que si elle ne passait pas son temps avec Ellie elle rencontrerait un garçon. J'imagine qu'elle est jeune et qu'elle n'a pas la tête à ça.
— Et toi ? Rétorque-t-elle.
Je l'ai été, enfin je crois. Deux fois au moins. Le premier c'était quand j'avais seize ans. On était au lycée tous les deux, c'était mon premier vrai copain. C'est avec lui que j'ai fait l'amour la première fois, le premier que j'ai présenté à mes parents et le premier à qui j'ai dit je t'aime. Il est d'ailleurs toujours le seul jusqu'à aujourd'hui. On s'est séparés au bout de huit mois. Il m'appréciait beaucoup mais il se trouvait trop jeune pour avoir une relation sérieuse. Il préférait traîner avec ses amis et se concentrer sur ses cours. Je ne lui en ai jamais voulu, on est d'ailleurs toujours en bon termes aujourd'hui. Ensuite il y a eu Camden, mais je me demande parfois si c'était vraiment de l'amour et si ce n'était pas que le principe de se sentir rejeté par une personne avec qui on pensait pouvoir être très bien. Je voulais juste qu'il me laisse ma chance et ça m'obsédait. Je me demandais toujours pourquoi je n'étais pas assez bien pour qu'il veuille une vraie relation avec moi. J'ai mis trop de temps à réaliser que le problème : c'était lui.

Scott se tient devant ma porte, une fleur à la main. J'essaie de ne pas avoir l'air trop excitée mais je trouve l'attention vraiment touchante. Je lui prends des mains et la regarde comme s'il m'avait tendu le bijou le plus précieux du monde.
— Merci, elle est magnifique.
J'entre et la pose simplement sur la table du salon pour ne pas l'abîmer. Le moteur de la voiture tourne sur le trottoir d'en face. Le soleil est pratiquement couché et les températures descendent doucement. Je monte à côté de Scott et lui demande où nous allons.
— C'est une surprise.
Il me fait le même coup que lorsque je lui ai préparé le pique-nique la dernière fois et je comprends maintenant son impatience. C'est à la fois excitant et frustrant d'être conduit dans un endroit inconnu.. Scott se gare sur le bas-côté d'un endroit complètement vide que je ne connais pas. Nous sommes montés et avons pris un tas de virage : j'ai fini par croire qu'on changeait presque d'état.
— Où est-ce qu'on est ? Demandais-je en plissant les yeux.
La pénombre s'est installée et ne m'aide pas à décrypter l'endroit où nous nous trouvons. Scott me tend la main et me demande de lui prendre.
— Pourquoi ? Dis-je sans me faire prier.
Ses doigts chauds s'enlacent entre les miens.
— Je ne veux pas que tu tombes, l'hôpital est trop loin.
Nous avançons tous les deux et passons par-dessus une rambarde en bois. Je réalise alors que nous sommes en haut d'une falaise qui surplombe une immense forêt que je ne connaissais pas. Seule la lune nous éclaire maintenant. Je m'avance doucement pour ne pas glisser et tomber. Scott me tient fermement la main et me demande de ne pas trop m'approcher du vide. La vue est vaste, c'est magnifique. Nous faisons tous les deux quelques pas en arrière et nous nous asseyons dans l'herbe.
— C'est splendide, dis-je simplement.
Scott me lâche la main et les pose sur son genou qu'il vient de remonter à sa poitrine. Il regarde le ciel et je réalise maintenant que nous sommes assez loin de la ville pour voir des millions de petits points lumineux dans le noir.
— Les étoiles ! M'exclamais-je en les pointant du doigt.
J'ai l'air stupide, je sais. Ma mère nous emmenait mes sœurs et moi regarder les étoiles parl'is été parfosJe sais que Lizzie détestait ça, elle ne trouvait ça pas vraiment intéressant. Mais Sacha et moi pouvions rester allongées à essayer d'apercevoir les constellations sans nous lasser.
— Tu as dit que tu aimais les étoiles, je te les offre.
Je tourne la tête vers Scott et à cet instant je réalise la chance que j'ai de l'avoir dans ma vie et l'irrépressible envie de retourner en arrière et lui dire que je ne veux pas reprendre les choses à zéro. Je veux qu'elles aillent plus vite. Je veux l'embrasser là maintenant. Il ouvre grand les yeux, réalisant qu'il a oublié quelque chose. Il me demande de ne pas bouger et se précipite jusqu'à sa voiture. Je pense un instant qu'il va me faire une mauvaise blague et me laisser là, toute seule, au milieu de la nuit. Mais il revient, quelque chose entre les mains.
— Une part de flan.
J'éclate de rire. Il s'est souvenu que j'aimais le flan.
— C'est le premier truc que tu as dis quand je t'ai demandé ce que tu aimais dans la vie.
Je prends la pâtisserie et mords dedans avant de lui tendre. Il se contente d'en prendre un petit bout et de l'avaler. Nous restons tous deux silencieux jusqu'à que je finisse de manger ma part. Je m'essuie ensuite les mains l'une contre l'autre et me concentre à nouveau sur Scott.
— Pourquoi ? Dis-je alors.
Scott plisse les yeux, sans comprendre ma question, alors je précise :
— Pourquoi tu fais tout ça pour moi ?
Il hausse les épaules, amusé de ma question. Puis il regarde en face de lui et cherche quoi répondre.
— Je ne sais pas vraiment. J'imagine que comme Naveen tu es de ces gens pour qui j'ai envie de faire des tas de choses. Des gens bien, que j'apprécie.
La lune éclaire son visage, assez pour que je puisse distinguer ses tâches de rousseurs réparties sur le haut de ses joues. J'aimerais les compter une à une pour avoir l'excuse de le regarder plus longtemps.
— Comment tu sais que je suis quelqu'un de bien ?
Il sourit et tourne à nouveau la tête vers moi.
— Parce que j'ai côtoyé des gens mauvais assez longtemps pour reconnaître quand je vois quelqu'un de bien.
Il repousse une mèche de mes cheveux de sa main chaude et la laisse un peu plus longtemps sur ma joue. Je ferme les yeux et profite de cet instant.
— Allonge toi, dit-il.
Je m'exécute et me place sur le dos, face au ciel. Il m'imite et nous nous retrouvons tous les deux, côte à côte, allongés dans l'herbe à contempler l'infinité d'étoiles au-dessus de nous. Nous restons silencieux à simplement regarder la nuit et à l'apprécier. Je crois que je pourrais rester ici avec lui jusqu'à que le soleil se lève, sans se parler, sans se toucher. Juste en sachant qu'il est là avec moi.
— Quand j'étais petit et que les choses n'allaient pas, j'allais m'allonger dans mon lit, dans le noir complet, commence Scott, je n'ai jamais eu peur du noir, au contraire il me rassurait.
— Pourquoi ?
— Dans le noir, j'étais seul et personne ne pouvait me faire du mal, personne ne pouvait me voir.
Je sens ma gorge se nouer.
— Il suffisait que je fasse semblant de dormir et on me laissait tranquille.
Ma main vient trouver la sienne, qu'il prend directement. Je tourne la tête et le regarde avec tristesse, loin d'imaginer ce qu'il a pu vivre.
— Tout va bien maintenant tu sais ?
Kate et Oliver sont des gens géniaux et Scott semble vraiment avoir trouvé une famille auprès d'eux, auprès de Roméo. Il tourne la tête à son tour et sourit mais ce n'est pas un sourire qui transmet de la joie, au contraire, le sien est triste.
— Est-ce que tout ira toujours bien ?
Je serre sa main plus fort en pensant à l'envie terrible de lui promettre que ça sera le cas. Mais je ne peux pas, parce que la vie ce n'est pas aller bien en permanence, c'est savoir que les choses s'arrangent toujours. Il resserre sa main un peu plus fort, je replonge alors dans ses yeux qui me rassurent tant.
— Nora ? Souffle-t-il d'une voix douce.
Ses yeux pétillent.
— Est-ce que je peux t'embrasser ?
Je n'ai pas vraiment le temps de réfléchir, mon corps répond à ma place. Je me tire un peu plus près de lui et passe ma main dans sa nuque. Sa respiration chaude frôle mes lèvres avant que sa bouche ne se dépose sur la mienne. Ce baiser et doux et humide. Je veux qu'il dure encore et encore comme cette nuit, comme ce moment, comme nous. Sa main se pose sur ma hanche et mon cœur palpite. Scott se redresse et se penche sur moi, il chuchote mon prénom entre deux baisers. Quand j'ouvre les yeux, je vois son visage au-dessus du mien, entouré de ce ciel noir et de ces millions d'étoiles. Il me regarde comme s'il voyait quelque chose en moi que je ne voyais pas moi-même. Nos lèvres se scellent à nouveau, mes mains se joignent derrière sa nuque pour l'empêcher de repartir. Une de ses mains se trouve toujours dans le creux de ma hanche. Nos respirations se mêlent et je ne rêve que d'une chose ; aller plus loin. Je tire doucement sur les cheveux dans sa nuque et guide sa main sur mon ventre, sous mon t-shirt.
— J'en ai envie, dis-je sûre de moi.
Sa main se crispe et il arrête immédiatement de m'embrasser. J'ouvre les yeux, paniquée. Est-ce que j'ai dit une bêtise ? Scott se redresse, un peu perdu.
— On ferait mieux de rentrer, dit-il.
Je m'assois et le regarde se relever sans comprendre ce qu'il vient d'arriver.
— Scott explique moi ce qu'il vient de se passer.
Il défroisse son t-shirt et passe une main dans ses cheveux.
— Le temps se rafraîchit.
Je me lève et me plante devant lui, loin d'être satisfaite de son excuse débile.
— Donc on va juste ignorer le fait qu'on s'embrassait l'un contre l'autre il y a quelques secondes encore ?
Je pointe la bosse sur son pantalon du doigt.
— Et on va ignorer ça aussi ?
Il place sa main devant, gêné et me demande de le suivre jusqu'à la voiture. Ce que je fais parce que je n'ai pas le choix de toute façon.
— Je te l'ai promis Nora, je ne te toucherais pas.
Il entre sa clé dans le contact et la tourne. Je suis furieuse.
— On parle d'un truc débile que tu m'as dit un soir où j'étais saoule parce que je pensais que tu voulais juste coucher avec moi.
Il roule en direction de notre rue.
— Ce n'était pas un truc débile, je te l'ai promis, je tiens mes promesses, dit-il en souriant.
Son sourire aussi craquant qu'arrogant m'énerve encore plus.
— Donc on va juste se voir et c'est tout ?
Il porte une main sur son cœur.
— Pourquoi tu dis ça comme si passer du temps ensemble était la partie la plus ennuyeuse ? Tu vas finir par me blesser.
J'étouffe un rire et réalise que je prends peut-être les choses trop à cœur. C'est cette stupide frustration de me sentir à nouveau rejetée et ne pas être assez intéressante j'imagine.
— On a dit qu'on faisait les choses petit à petit non ? Demande-t-il.
Il me regarde, sûr de lui.
— Et puis je crèverais d'envie de t'entendre avouer que tu es folle amoureuse de moi avant de t'entendre me supplier de te faire l'amour.
Je lui donne un coup dans le bras.
— Tu penses sincèrement que tu ne seras pas le premier à confesser ton amour pour moi ?
Il sourit à nouveau et se pince les lèvres.
— Le premier ? Alors tu insinues que tu finiras par le faire aussi.
Je me sens entièrement rougir et regarde immédiatement par la fenêtre pour ne pas croiser à nouveau son regard.
— Moi aussi à ta place je tomberais amoureuse de moi tu sais.
Il passe rapidement sa main sur ma cuisse ce qui me fait tourner la tête à nouveau vers lui. Je retire sa main, sûre de moi. Ce qui le fait rire à nouveau.
— J'ai passé une très bonne soirée, finit-il par dire.
Il me jette un regard en coin et se reconcentre sur la route.
— Moi aussi, c'était vraiment génial, merci.
Il s'arrête sur mon côté du trottoir et me souhaite bonne nuit. Je m'apprête à fermer la porte et me décide finalement à lui demander.
— Danna fait une fête pour le lancement de la nouvelle collection de lingerie de sa mère dont elle est l'égérie. C'est ce week-end tu voudrais y aller ...
Je laisse quelques rapides secondes passer.
— ... Avec moi ?
Je sens qu'il est à la fois surpris et vraiment heureux que je lui propose ce troisième rendez-vous (?) Si on peut vraiment l'appeler comme ça. La vérité, c'est que je réalise que je veux le voir et chaque excuse est bonne.
— Avec plaisir, répondit-il.
Je ferme la porte et le laisse se garer devant son garage. Je me retiens de sautiller de joie sachant pertinemment qu'il me voit encore. Je rentre alors le cœur prêt à exploser.

Fix youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant