Naveen trouve la musique de ce bar très cool et lance qu'il faudrait qu'on y vienne de temps en temps. Nous ne trainons pas souvent dans les bars, l'un comme l'autre. Les soirées étudiantes sont beaucoup plus intéressantes. Mais Asher parle de ce projet depuis des mois et je voulais voir ce qu'il en était. On s'est rencontré il y a quelques mois, on était dans la même promo mais en dehors de Naveen, je n'ai jamais vraiment essayé de me socialiser, c'est quand il a parlé de la série « Black Mirror » qu'il a commencé à m'intéresser. On s'est tous les deux plongés dans une grande conversation au sujet de la série et de nos épisodes préférés et de l'horreur qu'était le premier épisode de la première saison. Une chose en entraînant une autre, il m'a avoué vouloir arrêter l'université pour ouvrir son propre bar. Il venait d'hériter d'une grosse somme d'argent dû à la mort de son père et voulait investir dans quelque chose pour son avenir. J'ai trouvé l'idée intéressante et lui ai dit de foncer. Nous voilà maintenant à inaugurer ce fameux bar.
Quand j'ai entendu Nora en parler tout à l'heure, j'étais sûr que nous allions au même endroit. Les bars n'ouvrent pas tous les jours ici. Je n'avais même pas besoin de trouver une raison de la revoir. J'ai la soirée entière pour lui montrer que je suis de bonne compagnie et la convaincre d'arrêter de passer son temps à me fuir sans raison. Je reste de mon côté à attendre qu'elle fasse quelque chose. Je ne veux pas passer pour un gros lourd et venir l'emmerder alors qu'elle se trouve avec ses amis. Naveen se décide à aller se mêler un peu à la foule et moi j'observe Nora discrètement en sirotant mon soda.
Elle est saoule. Je ne sais pas depuis combien de temps elle boit, mais sa façon de se déhancher et d'éclater de rire chaque fois qu'elle manque de tomber ne trompent pas. Ses deux copines semblent trop occupées pour s'en soucier, à moins qu'elles aient l'habitude. Nora s'approche du bar et demande un grand verre d'eau, j'en profite pour lui demander si tout va bien.
— Oh Scott ! Dit-elle les lèvres fendues d'un immense sourire.
Asher lui sert son verre et lui conseille d'arrêter l'alcool.
— Ça va, je suis juste un peu bourrée, souffle-t-elle en montrant un minuscule écart entre son pouce et son majeur.
Elle me lance qu'elle a trop chaud et qu'elle a besoin de respirer. Je la laisse passer et réalise qu'elle tient si mal debout qu'elle n'arrivera pas à descendre les marches du bar sans tomber. Quelle idée d'avoir des marches à l'entrée d'un bar. Je la soutiens par le bras jusqu'à l'extérieur. Elle s'adosse au mur et boit une grande gorgée d'eau, j'en profite pour sortir une cigarette. Nora ferme les yeux et repousse ses cheveux en arrière pour respirer.
— C'est une super soirée, dit-elle euphorique.
Je tire sur ma cigarette et je la regarde, amusé.
— Tu as l'air de t'éclater.
Nora se redresse et s'approche de moi.
— Tu sais que tu es très beau Scott.
Elle insiste sur mon prénom en appuyant sur mon torse.
— Et tu es très bourrée.
Nora roule les yeux.
— C'était bien l'autre soir, quand on s'est embrassés, tu ne trouves pas ?
Je sais que c'est l'alcool qui parle mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'une partie d'elle-même le pense vraiment.
— C'était très bien, confirme-je.
Elle se met sur la pointe des pieds, son haleine sent l'alcool à plein nez, j'ai un mouvement de recul.
— On pourrait recommencer.
Je tire à nouveau sur ma cigarette et lui souffle la fumée dans le visage.
— Hors de question.
Elle remet ses pieds à plat sur le sol et croise les bras, une mine boudeuse sur le visage.
— Je croyais que je te plaisais.
Je déteste être mis au pied du mur comme ça. Elle sait qu'elle me plaît, tout le monde le sait maintenant. Mais ce n'est pas ça que je veux.
— Mais tu es bourrée, insistais-je.
Elle ne prend pas ma réponse au sérieux et me taquine à nouveau.
— Et je suis moins jolie quand je suis bourrée ?
Je secoue la tête et repousse une mèche de ses cheveux qui s'est collée sur sa joue. Ses jolis yeux bleus pétillent.
— Tu es toujours jolie.
Elle me lance un regard faussement en colère, je la trouve adorable, elle sait très bien ce qu'elle fait.
— Alors pourquoi tu refuses de m'embrasser ?
Je soupire et balance ma tête en arrière, exaspéré.
— Je t'ai déjà répondu, parce que tu es bourrée.
Elle se pince les lèvres, contrariée, mais je ne craque pas.
— Ça sera peut-être ta seule chance.
Elle glisse ses doigts sur le col de mon t-shirt, je repousse sa main doucement.
— Et bien je préfère laisser passer ma chance plutôt que profiter de toi dans cet état-là, dis-je clairement.
Elle ne sait pas si elle doit être en colère contre moi parce que je refuse ses avances ou si elle doit être satisfaite que je veuille la respecter. Ses émotions sont probablement contradictoires.
— Arrête d'essayer de me faire croire que tu n'es pas comme tous les autres Scott, dit-elle sèchement, ton petit jeu ne marche pas sur moi.
Elle s'assoit en tailleur et ne me lâche pas du regard.
— De quoi tu parles ?
Je ne saisis ce qu'elle veut dire, est-ce qu'elle me reproche de faire semblant d'être une personne décente ?
— Vous, les mecs. Vous ne cherchez toujours qu'une chose et quand on vous résiste ça vous excite encore plus.
Je ris nerveusement. Elle croit vraiment à ce qu'elle dit.
— C'est vraiment ce que tu penses ?
Elle opine, sûre d'elle. Je suis déconcerté face à de telles accusations. Peut-être qu'elle a raison, peut-être que c'est comme ça que sont la plupart des hommes. Je n'ai jamais été à sa place.
— Tu me trouves mignonne et tu t'intéresses à moi, jusqu'à ce que je couche avec toi, jusqu'à ce que je commence à m'attacher à toi. Là...
Elle siffle et fait danser ses doigts pour imager ses propos.
— Tu te lasseras et tu partiras.
Je m'accroupis pour lui faire face.
— Tu as l'air beaucoup plus au courant de mes intentions que moi.
Elle me lance un petit regard blasé et repasse une mèche de cheveux derrière son oreille. Je ne l'avais jamais vue sans queue de cheval et ça lui va tout aussi bien d'avoir les cheveux lâchés.
— Je vois clair dans ton petit jeu, dans vos jeux à tous.
Elle plisse les yeux, l'air mystérieuse et je ne peux pas m'empêcher de rire. Elle laisse tomber son petit air en colère et me cède un sourire. Je lui tends la main qu'elle regarde sans comprendre.
— Pas de sexe.
Elle fronce les sourcils.
— Je ne suis pas ce connard que tu te persuades que je suis.
Elle me regarde attentivement.
— Et si je dois te promettre de ne pas te toucher pour que tu me crois, je le ferai.
Elle ne sait pas si elle peut me faire confiance.
— Même si je te le demande ?
Je hoche la tête, la main toujours tendue vers elle.
— Même si tu me supplies, ajouta-je.
Elle laisse échapper un petit rire et avance sa main vers la mienne. Mais je la retire pour ajouter quelque chose.
— Sauf si vraiment tu me supplies trop....
Elle tape dans ma main, amusée et accepte ensuite de la serrer. J'en profite pour l'aider à se relever.
— Je te ramène chez toi ?
Elle secoue la tête et me répond qu'elle aimerait encore un peu boire.
— Pour que tu te jettes dans les bras du premier inconnu, dis-je en référence à notre première conversation, aucune chance.
Elle arque un sourcil.
— Je croyais que tu ne voulais plus coucher avec moi, ça devrait t'être égal.
Je me pince les lèvres et me mords l'intérieur de la joue. Ses grands yeux me scrutent, elle attend ma réponse.
— Nora, je t'ai dit qu'on ne coucherait pas ensemble. Pas que je comptais laisser tomber l'idée de te séduire.
Elle n'avait visiblement pas compris cette partie-là.
— Et quand tu réaliseras que je ne suis pas aussi intéressante que tu le penses ? Tu arrêteras ?
Elle semble sincèrement penser que je me désintéresserais d'elle quoi qu'il arrive.
— Anticiper le chagrin pour mieux le neutraliser, ça ne marche pas Nora.
Elle sourit en voyant que j'ai compris quel genre de pessimiste invétérée elle était. Ce qui me rassure, c'est que je sais par avance que chaque chose que je découvrirais d'elle ne fera qu'amplifier mon désir de la connaître.
— Alors ? Je te ramène ?
Elle hoche la tête et passe juste prévenir ses amis qu'elle rentre. Je ne sais pas si l'alcool est redescendu ou si elle est simplement plus apaisée et tranquille que tout à l'heure mais elle tient mieux sur ses jambes et je regrette presque de rentrer maintenant. J'envoie un message à Naveen pour le prévenir que je pars une petite demi-heure, juste le temps de déposer Nora chez elle. Elle revient une minute plus tard et glisse dans les marches. J'ai parlé trop vite quand j'ai dit que l'alcool était visiblement redescendu. Je me précipite vers elle.
— C'est humiliant, dit-elle en riant.
Je regarde sa cheville et me retiens de rire avec elle.
— Tu peux la bouger ?
Elle hoche la tête et répond qu'elle a juste un peu mal. Je passe alors mes bras en dessous de ses aisselles et de ses genoux, comme la dernière fois, quand je l'ai jetée dans la piscine. Mais cette fois-ci elle ne se débat pas. Je l'emmène jusqu'à la voiture de Kate.
— J'ai beaucoup bu, fit-elle remarquer.
J'appuie ce qu'elle dit en sentant à nouveau l'odeur de son haleine.
— Je n'aurais peut-être pas dû boire autant.
Je la pose sur le siège passager et lui attache la ceinture avant de passer de l'autre côté de la voiture et m'asseoir au volant.
— Je pensais que boire me ferait oublier le divorce de mes parents.
Je ne sais pas si elle voulait vraiment dire ça à haute voix. J'hésite d'abord à répondre et démarre la voiture. Lorsque je lui jette un coup d'œil, il n'y a plus aucune lueur de joie dans son regard.
— Tes parents divorcent ?
Je ne savais pas vraiment quoi dire d'autre. Elle hoche la tête et soupire longuement.
— On peut changer de sujet ? Demande-t-elle.
Je saute sur l'occasion, je sais à quel point parler de sa vie peut être quelque chose de gênant, je n'insiste pas.
— Tu sais comment tu vas t'habiller ? Lançais-je alors.
Elle tourne la tête vers moi sans comprendre de quoi je veux parler.
— Quand ?
— Quand tu vas m'avouer que tu es folle de moi.
Elle rit à nouveau, signe que j'ai réussi à lui faire penser à autre chose.
Arrivée devant chez elle, je me gare le long de la route. Je ne compte pas rentrer maintenant donc je ne range pas la voiture chez moi.
— Je ne vais jamais pouvoir monter jusqu'à ma chambre, dit-elle en regardant sa cheville.
Je me tourne vers elle, sachant très bien ce que ça veut dire.
— Dommage qu'il n'y ait personne dans cette voiture pour te porter jusque là-bas.
Elle penche la tête sur le côté et souffle un « s'il-te-plaît ». Je ne mets pas plus de deux secondes à craquer et l'amène en silence jusqu'à l'intérieur de la maison. Elle me supplie de ne pas faire de bruit.
— Mes parents feraient une syncope de me voir rentrer bourrée dans les bras d'un type.
J'étouffe un rire en imaginant la scène gênante que ça engendrerait. Je monte les marches sur la pointe des pieds et la conduit jusqu'à sa chambre. Elle lance un « merde » quand j'ouvre la porte. Sur le lit en face, un petit visage éclairé d'une faible lumière de portable : Sacha. Elles partagent la même chambre. La jeune fille écarquille les yeux et essaie de comprendre ce qu'elle est en train de voir.
— Scott m'a ramenée parce que je me suis tordu la cheville, dit-elle en s'asseyant sur son lit sur lequel je viens de la déposer.
Pourquoi j'ai l'impression d'avoir besoin de nous justifier sur quelque chose qui n'est pas grave ? Ce n'est pas comme si elle venait de nous surprendre en train de nous embrasser ?
— Elle était surtout bourrée, ajoutais-je.
Nora me lance un regard noir et assure à Sacha qu'elle n'est pas si bourrée. Sa sœur hausse les sourcils et lance un simple.
— D'accord.
Elle se fiche totalement de ce qu'on a à raconter et est trop absorbée par la vidéo qu'elle regarde sur son portable. Nora et moi nous regardons quelques secondes silencieusement avant de se sourire.
— Merci, dit-elle simplement.
Je lui dis de mettre de la glace sur sa cheville et d'arrêter de boire comme elle l'a fait ce soir avant de rejoindre la porte.
— Bonne nuit, dis-je à l'intention des deux filles.Mais seule Sacha a répondu.

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Fix you
Fiksi RemajaNora revient d'un voyage d'un an en Australie. Elle espère avoir mis derrière elle tout ce qui la tracassait. Ses études, son futur et surtout ce garçon... Malheureusement, en un an, les choses changent... Un divorce, des secrets de familles révélé...