2. Scott

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Je viens de terminer mon service au restaurant, il ne me reste que mon service de demain soir et je rends mon tablier. J'ai bossé là-bas tous les week-ends cette année, je pense être en droit de m'octroyer mon été. C'est un ami de Kate et Oliver qui tient ce restau, je n'ai même pas eu à passer d'entretien, il a suffi d'un coup de fil pour que je sois embauché. Ça m'a été utile pour gagner de l'argent de poche et mon patron était vraiment sympa. Mais jongler entre le travail et l'université, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé. J'ai réussi à mettre quatre-vingt-dix pourcents de ce que j'ai touché de côté, je ne suis pas un grand dépensier et Kate et Oliver ne me laisse pas sortir un dollar de ma poche la plupart du temps. Ils tiennent à payer mon essence, mes vêtements et mes sorties. Si je n'avais pas demandé moi-même ils n'auraient jamais voulu que je prenne un job étudiant. La seule et unique chose que je dois m'acheter, ce sont mes clopes. Ils préféreraient tous les deux être fauchés et à la rue que de sortir leur portefeuille pour m'acheter « de telles saloperies » si j'emploie les termes qu'utilise Oliver.
Mon service terminé, je rentre chez moi. J'ai le temps d'enfiler mes baskets et d'aller courir un peu pour me défouler. Je ne réalise pas que mes week-ends seront enfin libres. Plus de tables à débarrasser, de clients insupportables et surtout plus ces chaussures cirées inconfortables. À peine ai-je passé la porte que la voix de mon petit frère retentit.
— Scotty ! Regarde ce qu'on a fait avec June !
Il me montre son t-shirt blanc recouvert de peinture. Je me pince les lèvres pour ne pas éclater de rire, ça ne risque pas de plaire à Kate. June, coupable du crime, me montre ses mains pleines de peinture fraîche.
— Je vais montrer à maman, dit-il fièrement.
Je vois déjà Kate s'étrangler en pensant à ce t-shirt tout neuf qu'elle va probablement devoir mettre à la poubelle. Les deux enfants s'éclipsent et à peine ai-je eu le temps de monter deux marches que j'entends Kate le sermonner. Elle reste tout de même douce et bienveillante. Je crois que je n'ai jamais vraiment entendu Kate lever la voix à vrai dire. Je jette ma chemise et mon pantalon sur le sol et enfile un t-shirt et un short. Je glisse mon casque sur la tête que je connecte en Bluetooth à mon portable. Je m'approche de la porte d'entrée et récupère mes baskets dans le placard. Kate me tapote gentiment sur l'épaule.
— Pas trop triste de quitter le restaurant ? Demande-t-elle.
Je secoue la tête.
— Tu vas pouvoir passer du temps avec nous maintenant que tu ne travailles plus.
Elle me sourit sincèrement. Ses cheveux blonds tirés en queue de cheval sont à son image : parfaits et ordonnés. Kate est une femme aimante et attentionnée. Je regrette parfois de ne pas être très sympa avec elle.
— J'ai promis à Naveen qu'on allait se voir, dis-je en laçant ma seconde basket.
Elle s'attendait à une réponse dans le genre.
— Passe lui le bonjour, souffle-t-elle en croisant les bras.
Je lui assure que le message passera sans problème.
— Les parents de June font un barbecue ce soir, leur fille est revenue d'Australie.
Leur fille ? Combien ils en ont au juste ? June est toujours fourrée ici, Sacha fait la navette et je suis persuadée d'avoir déjà aperçu une grande blonde à plusieurs reprises.
— On y va tous les trois, tu pourrais nous rejoindre si tu veux.
Kate ne m'impose jamais rien, elle sait que mes réponses sont souvent négatives de toute façon.
— Non merci, je suis fatigué.
Ce qui signifie que je préfère profiter d'avoir la maison pour moi tout seul pour fumer dans ma chambre devant une série sans avoir peur que Kate me fasse la morale.
— Très bien, ce n'est pas grave.
Elle est déçue comme d'habitude, je pensais qu'avec le temps elle finirait par s'y habituer mais je crois que non.
J'ai couru une vingtaine de minutes, jusqu'au terrain de skate-board. Un tas de personnes s'entraînent ici quand il fait beau. Je m'assois sur un banc, essoufflé. Je regrette de ne pas avoir pris de bouteille d'eau. Un des garçons prend son skate en main et vient s'asseoir à côté de moi avant de me présenter son poing dans lequel je cogne avec le mien.
— Alors, libre ?
Je lui rappelle qu'il me reste un service et pas des moindre : celui de demain soir.
— Mais après tu seras entièrement libre.
Je souligne qu'il a raison.
— Alors, quoi de prévu pour cet été ? Tu comptes partir en vacances ? Te trouver une copine ? Passer ton temps avec le meilleur skateur de l'univers ?
Il se pointe du doigt, au cas où je n'aurais pas compris de qui il parlait.
— Je vais rester ici je pense.
Je n'ai pas vraiment envie de partir quelque part, j'ai déjà mis assez de temps à me faire à cette ville, maintenant que je m'y sens bien ça serait dommage de me dépayser.
— On pourra peut-être s'incruster à deux ou trois fêtes sur la plage.
Les gosses de riches passent leur temps à prendre les maisons de bord de mer de leurs parents et organiser des fêtes de folies. Je n'ai eu l'occasion d'y aller qu'une fois où deux à vrai dire mais je comprends toute l'agitation qu'il y a chaque fois autour de ces soirées, elles sont incroyables. Naveen déteste que je les appelle « gosse de riche » parce qu'il considère que je fais partie de la même classe sociale qu'eux. Ce n'est pas totalement faux mais ce n'est pas totalement vrai non plus. Kate et Oliver font partie de la classe sociale considérée comme riche, pas moi. Moi je bosse les week-ends pour mettre de l'argent de côté. D'accord je n'en ai pas eu l'utilité jusqu'ici parce qu'ils payent tout pour moi et oui, mon job étudiant était pistonné et dans un restaurant quatre étoiles. Mais ça n'enlève en rien que je ne suis pas comme eux, je suis loin de l'être.
Naveen insiste pour me montrer la nouvelle figure qu'il a apprise, je m'en fiche un peu, je n'y connais rien en skate mais d'après lui c'est vraiment impressionnant et j'ai envie de lui faire plaisir alors je le regarde faire.
Naveen est un de mes rares amis. On s'est retrouvé dans le même cours à la rentrée et ça a tout de suite collé. Il n'est pas prétentieux comme la plupart des gens de notre classe et il ne pose pas un million de questions non plus. Je l'aime bien et je n'ai besoin de personne d'autre pour l'instant.

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