Nous rentrons tous les quatre à la maison. Les Jones ont été vraiment adorables et nous ont beaucoup aidés. Mon père a décidé de laisser June dormir chez Roméo pour la nuit. Je retire mes chaussures et ma veste et m'avance vers ma petite sœur. Elizabeth se met à vociférer tout un tas de choses contre Sacha, lui expliquant son manque de considération vis-à-vis de nous.
— Tu te rends compte de la trouille que tu nous as fichue ! s'exclame-t-elle.
Sacha baisse la tête et regarde ses chaussures. Je pense que cette soirée a été assez intensive pour ne pas en rajouter.
— Laisse-la tranquille, la défendis-je.
Nous sommes toutes les trois à un côté différent de la table de la salle à manger. Elizabeth me jauge.
— Je suis désolée, elle est assez grande pour comprendre quand elle fait des bêtises, arrête de l'infantiliser !
Ma sœur n'a aucune tolérance, elle ne voit toujours que les choses de son point de vue et ne s'est pas dit une minute que si Sacha était partie, c'était pour une bonne raison.
— Je te signale que tu n'es venue t'inquiéter qu'une demi-heure avant qu'on la retrouve.
Elizabeth passe son temps à ignorer notre famille, elle n'a aucun droit de venir jouer les mamans en faisant la morale comme elle se permet de le faire tout de suite.
— Désolée d'avoir une vie Nora.
Je me tourne maintenant entièrement vers elle, fatiguée de cette excuse bidon qu'elle ressort en permanence.
— Mais arrête, tu n'as pas besoin de sacrifier ta vie pour te soucier de ta famille Lizzie. On existe juste plus pour toi ! Tu peux le dire !
Si Sean avait son propre appartement, elle logerait déjà avec lui. Elle n'ose pas emménager définitivement chez les parents de Sean mais je sais qu'ils ont prévu de prendre une maison juste après leur mariage. On peut être sûr que Lizzie ne nous donnera plus de nouvelles après ça.
— Si tu veux. Je me fiche de cette famille complètement bancale. Je me fiche du divorce de nos parents, de ma sœur qui décide de se tirer un an à l'autre bout du monde pour je ne sais quelle raison. Je me fiche de notre adolescente de sœur qui fugue. Si ça te rassure de penser ça, d'accord ! Mais comprends que je ne veux pas de tout ça. Je veux une vie stable et simple d'accord ? Est-ce que c'est un crime ?
Quand je pensais que Lizzie touchait le fond en matière d'égoïsme, elle me surprend encore.
— Tu as raison. Nous on le vit très bien. La preuve : nos parents divorcent, je pars à l'étranger, Sacha fugue. C'est plus simple de fuir tout ça au lieu de s'y confronter. Retourne voir Sean, retourne à ta vie paisible. On n'a pas besoin de toi ici.
Ma sœur me lance un regard noir, les bras croisés. Je crois qu'elle me giflerait si elle le pouvait.
— Les filles calmez-vous. On a passé une longue soirée et ...
Mon père essaie de calmer le jeu, mais Lizzie s'emporte et le bouscule pour sortir de la maison. Je m'avachis sur la chaise de la salle à manger.
— Bon débarras, lâchais-je.
Mon père vient vers moi pour me demander de m'excuser auprès de Lizzie dès demain.
— Elle se fiche de mes excuses papa, dis-je défaitiste, de nous tout court d'ailleurs. Plus vite tu l'auras compris, mieux ce sera.
Il s'adosse au meuble dans lequel est disposé la vaisselle et nous regarde Sacha et moi chacune notre tour.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ce soir ? Demande-t-il d'une voix douce.
Je lève la tête vers ma petite sœur qui fixe toujours le bout de ses chaussures.
— Sacha, on peut tout entendre tu sais, assurais-je.
Elle déglutit et nous regarde tous les deux à tour de rôle.
— Vraiment tout, répétais-je.
Elle passe sa main dans sa nuque et se racle la gorge, les yeux légèrement embués.
— Je...
Elle prend un temps pour continuer de parler et déglutis à nouveau.
— Le divorce est difficile, j'avais besoin d'être seule.
Je ne sais pas si c'est la vérité et si elle me dira ce qu'il en est vraiment plus tard. Mais mon père s'approche d'elle et la serre contre lui en s'excusant pour tout ce qui arrive. Ma sœur l'entoure de ses bras et se met à pleurer en silence. Je repense à notre discussion à Scott et moi, au choc que j'ai ressenti quand j'ai compris la vérité au sujet de mon père. Sacha n'est pas sa fille biologique. Il faut que je demande des explications à notre mère. Il doit y avoir une erreur, il y a forcément une erreur.
— Je t'aime, souffle mon père à Sacha.
Il me regarde et me sourit.
— Toi aussi je t'aime.
Il envoie ma sœur se coucher en lui faisant promettre de ne plus jamais nous faire peur comme ça. Elle opine énergiquement la tête et monte les marches en vitesse.
— Je vais... repartir, dit-il pour ne pas mentionner sa nouvelle petite amie.
J'acquiesce simplement et lui souhaite bonne nuit. Je le raccompagne à la porte et le regarde reprendre sa voiture et quitter sa maison, notre maison. Au loin, deux phares brillants apparaissent, ma mère rentre du boulot. Elle n'a même pas eu à voir mon père qui est reparti avant qu'elle ne se gare. Elle monte les marches du perron et me rejoint en souriant.
— Qu'est-ce que ton père faisait ici si tard ? Demande-t-elle en m'embrassant sur la tempe.
Je ne réponds ni à son baiser ni à son sourire.
— Sacha a fugué ce soir.
Je lis la panique immédiate traverser son visage et lui précise qu'on l'a retrouvée et que ce n'était qu'une histoire d'heures.
— Pourquoi vous ne m'avez pas appelée ?
Je lui rappelle qu'elle travaillait et qu'on ne voulait pas l'inquiéter.
Ma mère pose son sac à main et va s'asseoir dans le canapé du salon, épuisée.
— Ma famille passe toujours en premier Nora. S'il vous arrive n'importe quoi vous m'appelez, chirurgie ou non.
Je n'arrive pas à rester silencieuse, je ne peux pas passer outre. Il faut que j'en parle.
— Maman est-ce que tu as trompé papa ?
Son visage devient instantanément blanc comme un linge. Elle essaie de garder la face mais ma question l'a vraiment déstabilisée.
— Pourquoi tu me demandes ça ?
Je lui demande de répondre à ma question d'abord.
— Papa t'a dit quelque chose ?
Je tombe des nues. Je la regarde, bouche bée, et m'assois à l'autre bout du canapé. Le plus loin possible d'elle.
— Parce qu'il est au courant ?
Elle n'a pas eu besoin de confirmer, l'expression sur son visage le fait à sa place. Je crois que de tout ce qui a pu nous tomber dessus c'est la première fois que je tombe si haut, et ça fait très mal. Je ne suis pas sûre de pouvoir encaisser la suite. Je ferme les yeux et essaie de comprendre ce qu'il se passe.
— Tu as trompé papa et il le sait ? Répétais-je pour être sûre que je ne rêve pas.
Elle essaie de s'approcher de moi mais je me lève immédiatement du canapé.
— Je n'arrive pas à croire que je l'ai détesté d'avoir décidé de partir alors que tu l'as trompé en premier.
Je fais difficilement les connexions dans ma tête, je suis fatiguée et bouleversée.
— Qui est le père de Sacha ?
Elle détourne très vite le regard. Elle ne s'attendait pas à ce que je sache ça, mais on ne peut plus reculer.
— Nora écoute...
Je n'ai plus envie d'écouter quoi que ce soit qui sorte de sa bouche. Je suis terriblement en colère et je crois qu'un tas de choses horribles vont sortir de ma bouche.
— Et June ? Est-ce que June est la fille de papa ? Est-ce que tu as d'autres choses que tu nous caches ?
Je fais les cents pas en prenant ma tête entre mes mains, folle de rage.
— Oui, vous êtes toutes les trois les filles de votre père.
Ce qui confirme bel et bien que Sacha ne l'est pas. J'ai envie de m'effondrer sur place.
— Ecoute ma chérie, je peux t'expliquer.
Je lui montre le plat de ma main pour la stopper.
— Non, je crois que j'en ai trop entendu pour ce soir.
Je ne sais pas si c'est à cause du stress ou de tout ce que viens de dire ma mère mais j'ai vraiment très envie de vomir.
— Nora, tu ne peux pas aller te coucher dans cet état.
Elle a raison, je ne peux pas retourner dans ma chambre, celle que je partage avec Sacha et simplement dormir. Je m'empare des clés de ma voiture et lui lance que j'ai besoin de respirer. Elle n'essaie pas de me retenir. Je fonce jusqu'à la voiture et démarre sans vraiment savoir où je compte aller. J'ai juste besoin de m'éclaircir l'esprit et partir loin d'ici. Lizzie a raison, cette famille est complètement bancale. Nos parents ne s'aiment plus depuis des années et ont décidé de jouer au couple modèle. Ma mère a littéralement trompé mon père et a eu un enfant avec un autre homme. Puis ils ont décidé de simplement continuer leur vie et avoir un dernier enfant. Comme si ça n'avait aucune conséquence sur nous, sur Sacha. Je les déteste d'être aussi égoïstes. Pour ça mais pour tout. Ils auraient pu simplement nous expliquer qu'ils ne s'aimaient plus et qu'ils voulaient faire leur vie chacun de leur côté. Mais ils ont décidé de continuer à jouer les familles parfaites. Et voilà où on en est aujourd'hui. Ils ont quatre filles et se séparent en se déchirant sans vraiment nous expliquer pourquoi, en nous laissant digérer tout ça chacun de notre côté. Papa refait sa vie et maman ignore tout ce qu'il se passe en faisant ce qu'elle fait toujours : se plonger dans son travail. Je n'y arrive pas, je n'y arrive plus. Je suis fatiguée de tout ça, de penser, de réfléchir, de devoir tout garder sur le cœur, le porter sur mes épaules. Je veux repartir loin, en Australie ou n'importe où ailleurs. Pour faire comme eux, être égoïste et faire l'autruche. C'est visiblement ce qui fonctionne le mieux. Je roule dans la nuit noire et finis par m'arrêter, les yeux trop brouillés par les larmes pour continuer d'avancer. Je reste là une minute à reprendre ma respiration et essayer de me calmer. Je ne peux pas me permettre d'avoir un accident, ça serait la cerise sur le gâteau. Puis je réalise que j'ai envie de voir Scott, qu'il n'aurait pas besoin de me parler. Mais que sa présence me suffirait pour aller mieux et m'apaiser. Il a cette façon de toujours avoir un contact physique avec moi, comme si être près de moi sans pouvoir me toucher lui paraissait insurmontable et j'aime ça. Parce que moi aussi j'ai envie de poser ma main contre sa joue, j'ai envie de sentir ses doigts glisser sur ma peau, ses bras m'entourer, ma joue contre sa poitrine nue. Je lui ai demandé de repartir à zéro parce que je veux qu'on puisse construire quelque chose de réel tous les deux mais j'aimerais déroger à cette règle, là tout de suite, un temps mort, une pause juste pour aller mieux. Je redémarre et reprend la route jusqu'à chez moi. Je renifle toutes les deux minutes, les larmes séchées sur les joues. Je me gare le long du trottoir et regarde la maison des Jones. Toutes les lumières sont éteintes. Ils dorment tous. J'essaie d'imaginer Scott allongé dans son lit, il dort sûrement sur le ventre. Ses cheveux blonds ébouriffés et la bouche entre-ouverte. Je reste là un long moment à regarder sa maison et à penser à lui, à ce qu'il s'est passé dans sa vie. Que s'est-il passé pour que tu sois retiré de chez tes parents à douze ans Scott ? L'idée même que quelqu'un lui fasse du mal me retourne l'estomac.
Je finis par sortir de la voiture et rentrer chez moi, j'ai sommeil et je dois me remettre de toutes mes émotions. Je rentre en silence, la maison est plongée dans le noir. Je monte jusqu'à la salle de bain et passe quelques minutes sous la douche à regarder dans le vide. J'ai besoin de repos, j'ai juste besoin d'arrêter de penser à tout ça. J'enfile ensuite un pyjama propre et me brosse les dents. Je passe ensuite devant la chambre de Lizzie dont la porte est entrouverte, cette chambre vide qui me rappelle que notre sœur se porte bien mieux sans nous. Je la referme et passe mon chemin jusqu'à arriver à notre propre chambre à Sacha et moi. Quand j'ouvre la porte, je peux voir la lumière de son portable éclairer son visage.
— Tu ne dors pas ? Demandais-je en m'asseyant au bout de son lit.
Elle secoue simplement la tête en silence. Je la regarde sans dire un mot et vient finalement m'allonger un instant à côté d'elle.
— Tu me fais mal, râle-t-elle.
Je respire son odeur pendant quelques secondes.
— Je m'en fiche, répondis-je.
Je la vois sourire et tourner les yeux vers moi.
— Je suis désolée, souffle-t-elle, je ne voulais pas vous faire peur.
Elle pose son portable ce qui nous plonge dans le noir complet.
— Tu sais que je t'aimerais toute la vie ? Dis-je.
Je la sens hocher la tête, mais je crois qu'elle ne comprend pas à quel point je pense ce que je dis.
— Tu es ma petite sœur pour toujours, peu importe ce qu'il se passe.
Elle pose son front contre le mien sans répondre, je la serre contre moi très fort.
— Est-ce que je peux finir de regarder ma vidéo YouTube maintenant ?
Je ris et lui réponds que ce n'est qu'une petite conne ingrate, ce qui la fait rire à son tour.
— Bonne nuit, dis-je en me levant de son lit.
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Fix you
Teen FictionNora revient d'un voyage d'un an en Australie. Elle espère avoir mis derrière elle tout ce qui la tracassait. Ses études, son futur et surtout ce garçon... Malheureusement, en un an, les choses changent... Un divorce, des secrets de familles révélé...