2012 - Le Manoir
Flash-back : Jour 1
Dans un parc aux arbres centenaires, dont les feuillages épais obstruaient toute vue depuis l'extérieur, et protégé par de hauts murs de pierre, une longue allée bien entretenue menait jusqu'à un édifice à l'architecture victorienne : le Manoir.
Son perron encadré de colonnes, ses fenêtres flanquées de balcons décoratifs, sa toiture de style néoclassique, rien ne laissait paraître de l'extérieur ce que le Manoir était réellement, à l'intérieur.
En réalité, il s'agissait tout à la fois d'une forteresse, d'un laboratoire et d'une tour de guet : le Manoir était le repaire de la Sentinelle, l'endroit depuis lequel elle luttait, avec ses armes et ses troupes, contre les périls les plus obscurs de la civilisation humaine.
A l'intérieur du manoir, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, les troupes de la Sentinelle se relayaient : soldats, scientifiques, techniciens, analystes... Ils étudiaient les rapports extérieurs et préparaient des interventions sur le terrain. Ils analysaient les données et tentaient de mieux comprendre les forces contre lesquelles ils luttaient. Ils repéraient des intrusions et préparaient des ripostes. Ils protégeaient cet endroit ainsi que la région toute entière.
Dans la salle de contrôle, le Commandant Roberts était chargé de la sécurité du Manoir lui-même. Avec plusieurs hommes, ils gardaient un œil sur de nombreux écrans de surveillance, secondés par toute sorte de capteurs.
Tour à tour, les caméras extérieures leur renvoyaient les images du lourd portail en fer forgé, des différents points du mur d'enceinte, de la végétation épaisse, des arbres et buissons, du kiosque du parc, des allées dégagées, du perron, des façades du manoir, du garage aux allures de bunker situé à l'arrière du bâtiment...
De même, à l'intérieur, de nombreux visuels défilaient sur les écrans : le hall d'entrée, les grands escaliers, la bibliothèque, le laboratoire, l'infirmerie, les cellules, l'armurerie...
Josepha Carater pénétra dans la salle de contrôle dans un claquement de porte métallique. La journaliste était loin de ses studios, cet endroit n'était pas vraiment sa place, et pourtant elle semblait ici comme chez elle. Concentrée, elle salua discrètement les occupants du lieu et se rendit vers les écrans de surveillance.
Aussitôt, Roberts se rapprocha d'elle.
– Comment va-t-il ? lui demanda l'officier.
– Tout dépend de ce qu'on entend par là... répondit la journaliste.Tous deux reportèrent leur regard vers l'écran projetant une image de la salle de soins, dont le lit était occupé par un vieil homme endormi : Chandrasekhar.
– Il a l'air paisible, dit le commandant Roberts, sur un ton sous-entendant que cette situation ne durerait pas.
Josepha Carater hocha doucement la tête.
En poursuivant sa perquisition visuelle, la journaliste examina l'écran d'à côté, rapportant des images du laboratoire. Un médecin, en blouse blanche, coordonnait les actions de plusieurs scientifiques dont les appareillages clignotaient en désordre.
Le médecin saisit un tube à essai contenant un échantillon de sang pour l'étudier avec attention.
– Et du côté de Fidji, est-ce que ça porte ses fruits ? demanda Roberts, désignant cette fois leur biologiste.
– Je l'espère... répondit Josepha dans un hochement de tête. Sinon son sacrifice aura été vain.
A ce moment, la reporter reçut un message sur son téléphone portable et après l'avoir consulté, s'excusa. Elle quitta la salle de contrôle pour répondre.
Le commandant Roberts reprit ses activités. Il officiait depuis dix ans dans le Manoir, sous l'autorité de Chandrasekhar. Il avait confiance en leur chef, même si les événements récents venaient bouleverser le statu-quo qu'il avait toujours connu en rendant l'avenir plus inquiétant.
Mais soudain, il sortit de ses pensées. L'attention de tous les membres de la salle de contrôle fut détournée vers un capteur, qui s'était mis à sonner.
– On a un signal au poste 16... fit le surveillant le plus proche.
– Et sur les caméras ? demanda Roberts en se relevant de son bureau.
Aussitôt, une caméra visa l'endroit en question. Il n'y avait là qu'une portion du mur d'enceinte, entouré de végétation.
– Envoie un vigile de faction avec un chien, ordonna l'officier.
Le surveillant n'eut pas le temps d'obéir, soudain, un autre voyant s'éclaira.
– Alerte au poste 31... dit un second surveillant.
– C'est à l'opposé du parc, constata Roberts, méfiant.
Un des vigiles se fit le miroir de l'inquiétude du chef de la sécurité.
– Que se passe-t-il ?
– Je ne sais pas, peut-être une erreur de réseau.
La suite vint lui donner tort. Un troisième signal se déclencha sur le tableau de bord de la salle de contrôle. Puis un autre... et encore un.
En l'espace de quelques instants, ce fut tout le panneau qui se mit à clignoter.
Le commandant Roberts se jeta sur l'intercom du manoir. Il ne lui en avait pas fallu davantage pour comprendre ce qui se passait.
– Alerte générale ! s'écria-t-il. Tous aux défenses ! Je répète, tous aux défenses !
Sur l'une des caméras extérieures, une forme sombre et rapide bondit au travers de la végétation, sans laisser le temps de la distinguer. Tandis que les signaux d'alarme se multipliaient, une autre silhouette se laissa entrapercevoir dans l'obscurité.
Alors un plan fixe sur le mur d'enceinte leur confirma ce qu'ils avaient d'ores et déjà deviné.
– Des vampires ! cria Roberts. Ils attaquent en force !
Tremblant d'une crainte encore jamais éprouvée, le chef de la sécurité déclencha tous les projecteurs situés autour du manoir, dont les puissants faisceaux de lumière ultraviolette interceptèrent une première vague de vampires. Les créatures refluèrent sous l'impact de cette muraille blanche. Leurs hurlements de douleur se firent entendre même au travers des murs épais de la forteresse, provoquant l'effroi de ses habitants.
Mais les projecteurs ne retiendraient pas longtemps l'ennemi. Les vampires se mirent à les éteindre, les uns après les autres, les brisant par des projectiles...
C'est une attaque en règle que le Manoir subissait, d'une puissance telle que, de toute son histoire, il n'avait pas eu souvent à soutenir.
Alertée par les alarmes, Josepha Carater rentra en hâte dans la salle de contrôle.
– Que se passe-t-il ? s'écria-t-elle.
– Nous sommes attaqués ! cria Roberts. Les mitrailleuses automatiques ! Vite, déclenchez toutes les protections !
Des coups de feu en rafales se mirent à détonner dans l'obscurité, se joignant au bruit des sirènes. Roberts se retourna vers la journaliste avec angoisse.
– Que veulent-ils ? Est-ce qu'ils sont venus le chercher !?
– Oui, c'est ce que je crois, répondit Josepha. Il faut l'évacuer immédiatement !
Aussitôt, elle sortit de la salle de contrôle et s'élança dans les couloirs.
Roberts, quant à lui pris d'un pressentiment, reporta son regard vers la chambre où reposait, quelques instants plus tôt, le vieux patient endormi.
Il y trouva ce qu'il avait craint : le lit de Chandrasekhar était vide.
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Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021
VampireLa Civilisation n'est pas ce qu'elle parait. Vampires et autres créatures mortelles hantent la lisière du monde. En secret, les Sentinelles nous protègent contre ces menaces. Mais lorsque la Sentinelle de New York périt, Milan Lazsco décide de sorti...