Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021

Cache-cache

  « Quoi !? Vous l'avez raté ! »
  « C'est à dire qu'il est pas venu... »

Le Colonel Cimino fulminait. Son second Tardiff, à l'autre bout des ondes, avait quelque peu perdu de sa superbe. Il avait reçu pour mission de retrouver l'étrange individu vêtu de blanc à l'enterrement, lors de son rendez-vous présumé avec la journaliste Josepha Carater, mais cela n'avait abouti à rien.

Tardiff et toute son équipe de la cellule PHénIX se trouvaient sur le parking du Panama, à l'intérieur de voitures banalisées, baignées par les lueurs des panneaux d'un immense complexe cinématographique. Dans leur dos, l'affiche du film « Dark Shadow » projetait des couleurs froides, remplies par la silhouette blafarde de l'acteur Johnny Depp. Tandis qu'au-delà, les lumières multicolores des Hôtels de luxe et du Casino s'échelonnaient dans la nuit.

  – Comment cela, vous voulez dire qu'il s'est pas pointé au rencart ?

  – C'est ça, expliqua Tardiff. La journaliste, Josepha Carater, a poireauté deux bonnes heures au bar, puis elle a fini par se casser. Je l'ai fait suivre de son côté par deux de nos gars. Il est presque deux heures du mat, maintenant, je pense que le suspect ne viendra plus.

  – Vous vous êtes faits repérer.

  – Patron, je vous jure qu'on a pris toutes les précautions, on est resté à distance avec le matériel.

Un peu inquiet, Tardiff observait le ballet de quelques voitures de sport autour du club à la mode, tandis que ses hommes armés de lunettes nocturnes et d'amplificateurs sonores, continuaient d'étudier toutes les entrées et sorties de la clientèle.

Cimino hocha la tête depuis son bureau du Manoir. Ce contretemps l'agaçait.

  – Il s'est méfié, déclara-t-il. S'il a repéré la caméra à l'enterrement, il s'est douté qu'on viendrait au rendez-vous. Rapplique au QG, on va tenter autre chose.

Avec dépit, le Lieutenant Tardiff ordonna à ses hommes de remballer le matériel. Ils n'attraperaient pas leur suspect aux lunettes bleues ce soir en tout cas. Toute l'équipe vida les lieux dans la plus grande célérité. Les trois volumineux 4 x 4 aux vitres teintées prirent la direction de la banlieue résidentielle de Washington.

Les rues se succédaient, les gouttes de pluie s'écrasaient puis s'écoulaient sur les vitres des véhicules banalisés de la troupe d'intervention.

C'est finalement dans un quartier résidentiel tranquille à l'écart du centre urbain que la file de véhicules s'enfila. De grandes propriétés calmes et isolées les unes des autres par des murs de pierres s'échelonnaient le long d'une large chaussée aux lampadaires discrets. L'avenue était déserte à cette heure de la nuit, ce n'était pas comme aux alentours du Panama.

La plupart des pavillons, d'une architecture victorienne ancienne, étaient dissimulés par les arbres de leurs grands parcs sombres, dont on n'apercevait que quelques lumières parfois, ainsi que les toits des constructions les plus hautes.

Le convoi ralentit pour passer un portail en fer forgé, sur lequel était arboré un « K » métallique qui se referma derrière eux.

Les trois véhicules officiels longèrent l'allée principale d'une propriété à première vue semblable aux autres. Autour d'eux, au travers de la nuit, les arbres s'affaissaient sous le poids des pluies importantes des derniers jours.

Ils avancèrent jusqu'à atteindre un manoir de dimension respectable. Mais là s'arrêtait la ressemblance avec les autres pavillons du quartier... car à cet endroit, dans une cour éclairée par de nombreux projecteurs halogènes, une troupe de militaires patrouillait avec chiens de garde à l'appui et pistolets mitrailleurs en bandoulière.