Les Goules

94 10 12
                                    




– Quel carnage... fit Werther en essuyant ses lunettes couvertes de poussière.

L'intérieur du chalet forestier était dévasté. Il ne restait que des lambeaux de parois et de mobilier, des débris calcinés, criblés par les trous des projectiles, des douilles de balles. Les décombres formaient des monticules sur le sol et la poussière emplissait l'air, diminuant d'autant la visibilité, rendant les troupes fédérales nerveuses.

Les créatures qui avaient égorgé la famille Bronson étaient venues de ce chalet, puis étaient ensuite retournées s'y réfugier. Les chasseurs les avaient retrouvées et massacrées. Il ne s'agissait, bien entendu, pas de simples criminels, mais de monstres, au sens propre du terme.

Ces créatures avaient tué, elles aussi, et méritaient sûrement de mourir. Cependant, les agents de PHénIX ne pouvaient s'empêcher de remarquer l'extrême brutalité de l'attaque des troupes de Belger. Ce n'était pas seulement la vengeance qui les poussait, c'était une sorte de déchaînement violent et décomplexé, comme une forme de jouissance devant la tâche qu'ils s'étaient assignée.

Surmontant leurs impressions funestes, les investigateurs trouvèrent dans un recoin, une flaque de sang noir, à côté du cadavre de ce qui avait été un individu de race blanche. Il était difficile de reconnaître ses membres, seule une masse de cheveux longs empêtrés dans du sang coagulé sous-entendait que ça avait pu être une femme. Elle avait subi une métamorphose qui ne la mettait pas à son avantage.

Cimino trouva un autre cadavre métamorphosé, mieux conservé, sous un pan d'armoire. Il examina la denture de la pauvre créature sous le regard inquiet de Werther.

– Mais... ce n'est pas... un vampire... déglutit le petit homme en constatant que sa mâchoire paraissait presque normale.

– Un vampire non, mais une goule oui, dit Milan. Quand les goules meurent, les crocs se rétractent à l'intérieur de la mandibule.

– Étrange phénomène musculaire, fit Cimino en examinant la créature sous tous ses angles et identifiant au passage plusieurs ganglions dans la gorge.

Werther pour sa part semblait circonspect.

– Des goules ? C'est quoi la différence avec les vampires ? demanda-t-il.

– Les goules sont des créatures primitives, qui obéissent à leurs instincts bestiaux. Goules et vampires sont aussi différents que, disons, un animal hargneux et l'homme.

– Ce sont les vampires supérieurs qui font les goules ?

– Vous faites des chats, vous ? Il n'y a pas de supérieurs ou d'inférieurs, Werther. Ce ne sont pas les mêmes espèces, même si certaines caractéristiques sont communes.

– Qui a fait celles-là, alors ? s'enquit Werther.

– Une autre goule. Qui voulez-vous que ce soit ?

– Et au départ ? Je veux dire, il a bien fallu...

– On discutera du paradoxe de la goule et de l'œuf une autre fois, si vous le voulez bien, intervint Cioran Cimino. Nous avons du travail.


– Vous ne trouverez rien ici, dit Milan. A votre place, je tenterais plutôt en dessous.

Le vampire dégagea les débris qui couvraient le sol dans un coin de la pièce, pour découvrir une trappe, intégrée au plancher de la bicoque, jusqu'à présent dissimulée par les débris du sinistre. C'est là que se trouvait la dernière piste exploitable.

Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant