Le Manoir

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C'était le lendemain de sa capture. Milan Lazsco attendait dans une cellule de métal et de verre. On lui avait bandé les yeux pour l'amener en ce lieu austère, mais il savait néanmoins exactement où il se trouvait : dans le Manoir, plus de dix mètres sous terre, et plus précisément dans ses oubliettes.

C'est ici que la division spéciale du FBI avait établi son QG : au cœur même de la vieille forteresse du défunt Chandrasekhar.

La cellule qui lui servait de cage était cubique et volumineuse, six mètres d'arêtes, construite dans un acier inoxydable de trente centimètres d'épaisseur pour cinq des six faces. La sixième paroi était en verre épais d'une trentaine de centimètres également, pourvue d'une porte identique, à l'épreuve des balles ainsi que de la plupart des substances chimiques ou explosives existantes : une sécurité optimale, à la hauteur des "prisonniers" qui bénéficiaient de l'hospitalité de ce lieu.

Milan Lazsco en était à ces pensées lorsqu'un petit comité pénétra dans le couloir contigu à sa cellule.

Il y avait là quatre individus : deux gardes armés, ainsi que deux officiers : le premier en civil s'appelait Werther, Milan l'avait croisé en haut. Le second avec son sourire supérieur, Tardiff, c'est celui qui l'avait arrêté dans le taxi des Barnum.

  – Tu viens avec nous, dit Tardiff.
  – Quoi, encore des examens ? fit Milan. J'espère que c'est couvert par votre mutuelle, parce que ça va finir par vous coûter cher...

  – Le Colonel Cimino va vous recevoir, dit Werther, d'une voix plus timorée, voire plus inquiète, que celle du soldat.

Milan se laissa enchaîner. Quand bien même, il n'aurait pu résister. C'était le jour...


Ils gravirent les escaliers pour se retrouver au rez-de-chaussée du manoir. La clarté matinale filtrait par les vitraux anciens. Malgré le peu de luminosité, Milan dut se protéger les yeux. Cette réaction rendit plus fébrile encore le dénommé Werther, qui ne pouvait quitter son captif du regard. Werther semblait fasciné par leur prisonnier, au point où même sa crainte s'effaçait devant une insatiable expression de curiosité. Sûrement que c'était la première fois qu'il voyait une telle créature, qui pour lui devait relever du fantasme.

L'officier aux cheveux roux en revanche était plus agressif que curieux ou même inquiet. Chaque fois que Milan ralentissait, il le poussait sans ménagement.

Ils grimpèrent une autre série d'escaliers et se retrouvèrent à l'étage, dans une salle longue, remplie d'ordinateurs et d'appareillages sophistiqués, où allaient et venaient nombre d'agents, de scientifiques, de techniciens, au milieu desquels dominait le Colonel Cimino, en uniforme. La stature du personnage le hissait immédiatement au-dessus de tous les individus présents dans cette assemblée essentiellement constituée de personnels non militaires.


En passant devant un écran d'ordinateur, Milan distingua un film modélisé de son système dentaire, reconstitué à partir des radiographies prises sur lui la veille. Les canines, à l'origine refoulées dans le creux de la mâchoire, surgissaient et grandissaient jusqu'à atteindre deux bons centimètres de longueur ; cette posture donnait au visage de la simulation une allure définitivement prédatrice.

La représentation laissait planer peu de doutes sur l'avancée de l'équipe de Cimino quant à la découverte de la nature de Milan Lazsco. Toutefois, celui-ci continua à feindre de ne pas comprendre.

On l'emmena en direction du colonel Cimino, qui écoutait les conclusions d'une biologiste. Cette dernière tournait le dos aux nouveaux arrivants, si bien qu'elle parlait sans avoir conscience de la présence du prisonnier.

Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant