Le Carnage

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Année 2012 - Souterrains du Métro

Jour 13

  – En définitive, déclara le Lieutenant Tardiff, d'autres ont eu le cran de faire ce que je suggérais...

L'officier de l'escouade d'élite braqua son revolver à l'intérieur d'une canalisation souterraine, d'où s'écoulait un filet d'eau sombre et malodorante. Durant de longs instants, sa méfiance garda l'orifice en ligne de mire. Ce n'est qu'après avoir acquis la certitude que l'endroit était sûr qu'il relâcha sa pression sur la gâchette.

Il observa alors plus posément l'endroit inondé. Au cours de la nuit, les grottes de StoneFolk avaient perdu de leur exotisme, c'était le moins que l'on pouvait dire. Victimes d'un assaut aveugle et brutal, elles étaient inondées par des tonnes de liquide nauséabond. Des odeurs de gasoil et de charbon remplissaient les souterrains. Ses boyaux sinistres étaient envahis de débris et de cadavres flottants. 

Le sergent Jennings descendit les barreaux d'une échelle pour rejoindre son comparse à l'intérieur du boyau, situé sous la station de métro qu'ils perquisitionnaient.

  – Mais qui ? Qui l'a fait ? C'est ça, la question, répondit-elle.
  – Qui que ce soit, ils devaient avoir une sacrée dent contre les vampires.

Tardiff ricana de sa propre blague. Dans un haussement d'épaule, Jennings le dépassa et poursuivit son inspection plus bas encore. Tardiff la suivit. Il est vrai que cette hécatombe avait de quoi surprendre : les vampires eux-mêmes semblaient avoir été surpris. Cimino n'avait pas renié son accord, le massacre n'était pas dû à leur groupe d'intervention. Un autre parti s'en était chargé.

Les deux agents gagnèrent une grande caverne rocailleuse où l'eau cette fois leur arrivait jusqu'aux genoux. Ils étaient sur leurs gardes, et leur tandem fonctionnait bien en mission. Ils savaient pouvoir compter l'un sur l'autre.

Jennings découvrit une épaisse couche de suie sur les parois. Tandis qu'elle en humait l'odeur, Tardiff la rejoignit en demandant :

  – Tu crois qu'ils les ont enfumés ?
  – Pire que ça. C'est du napalm !

  – Du napalm !? Je savais pas qu'on en faisait encore.
  – Sûrement des vieux restes de l'ère post-Vietnam.

Soudain, la découverte d'une forme sombre au fond de la grotte détourna leur attention. Jennings dégaina ses revolvers et Tardiff s'empara d'un objet pointu à sa ceinture, prêt à bondir. S'ils se retinrent de réagir, ce fut seulement parce que la silhouette aux chairs gonflées d'humidité ne donnait pas signe de mouvement : elle était inerte, échouée sur une grosse pierre, visiblement morte.

   – Tu crois que c'en est un ? fit Tardiff en avançant vers elle, son pieu métallique serré dans sa main.

Avec sa pointe, il entrouvrit la gueule du cadavre, faisant apparaître des canines proéminentes sous ses lèvres tuméfiées.

  – C'en est même un vrai ! Pas une goule cramée, cette fois. Werther va être content !

  – Ce n'est pas Lazsco... constata Jennings, soulagée malgré elle.
  – Ouais, je sais, fit Tardiff, quant à lui avec déception. Mais je ne perds pas espoir.
  – Je me demande ce qui a tué celui-là, il n'a pas l'air d'avoir subi de blessure...

Elle se rappela à ce moment des découvertes de Werther sur les vampires. Des quatre éléments, l'Air était commun à toutes les espèces. La Terre ressourçait de nombreuses créatures fantastiques ; mais l'Eau et le Feu étaient mortels aux vampires. Ceux qui avaient organisé cette chasse savaient ce qu'ils faisaient : ils avaient d'abord inondés les caves, avant de brûler les rescapés.

Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant