Final

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Dans une salle à l'atmosphère parfaitement contrôlée, derrière un épais vitrage, un poste de télévision déversait ses litanies en boucle.

"L'Est du pays frappé deux fois dans la même semaine. Après Washington, c'est la Virginie qui se retrouve victime d'une arme de destruction massive. Plusieurs hectares du parc national de Shenandoah ont été littéralement soulevés du sol. Le hameau de Swift Gate anéanti par le cataclysme. Un cratère de plusieurs centaines de mètres s'enfonce dans les montagnes, qui ne serait que la partie visible de la profondeur réelle provoquée par le séisme... Les autorités ne se prononcent toujours pas sur les causes à l'origine d'un tel cataclysme. Malgré le désastre, les sauveteurs se consolent en approuvant un bilan humain miraculeux : en effet, une alerte avait permis de vider les lieux avant la catastrophe, seuls quelques morts parmi les forces de l'ordre seraient à déplorer..."

Le Commodore coupa le poste de télévision d'un geste de rage à peine contenu, pour se tourner vers les deux énergumènes qu'il avait convoqués : le Colonel Cimino et son agent de renseignement Werther.

  – Et je suppose que là encore, vous n'y êtes pour rien, Colonel Cimino ! tonna-t-il.

  – Ce sont les Sentinelles, répondit l'officier, la silhouette engoncée sous ses nombreux bandages. Quand nous avons parlé de leur avance en matière d'arme, on dirait que nous étions encore loin du compte...

  – Vous prétendez que ces Sentinelles ont fait sauter la moitié d'une montagne dans le but de détruire les vampires embusqués dans le bâtiment qui se trouvait au cœur du cratère, cette "Terrienne".

  – Sauf erreur de ma part, oui, monsieur. Il s'agissait du cœur de la Ruche.

Le Commodore brandit un magazine froissé, avec des couleurs criardes, sur lequel un ovni indistinct apparaissait dans un ciel obscur.

  – Et ce torchon... qui prétend qu'un engin extra-terrestre a décollé cette nuit depuis l'endroit même de la catastrophe, que dois-je en penser ?

  – Pour tout vous avouer... nous sommes à l'origine de cet article, Commodore... mentit Cimino. Nous avons pensé que proposer des alternatives complotistes aussi grossières au public permettrait de discréditer les plus affûtées.

Le commodore poussa un grognement de mécontentement.

  – Murnau. Est-il mort ?

  – Vous pouvez considérer ce point comme un fait acquis, Commodore. Vous n'entendrez plus jamais parler de lui. En outre, leur empressement et leur manque de discernement fut fatal aux Sentinelles, qui ont disparu dans le même cataclysme.

  – Vous prétendez que les Vampires et les Sentinelles se sont entre-tués ?!

Dans un geste plus rageur encore, le commodore fit pivoter l'éclairage de sa paroi protectrice afin que les deux agents distinguent sa silhouette depuis l'autre côté de la pièce. Son regard de braise se reporta sur le second, plus frêle et intimidé que Cimino.

  – Werther, ne me dites pas que vous corroborez cette version des faits.

Werther déglutit face à cette brutale interrogation. Des gouttes de sueur perlaient sur son front. Il fut à deux doigts de se jeter au pied de la paroi devenue transparente pour tout avouer.

Mais au lieu de cela, parvenant à triompher de sa peur, il déclara :

  – C'est ainsi que cela s'est passé, Commodore. Dans les moindres détails. Tous sont enfouis sous des tonnes et des tonnes de roches et de terre...

  – Disparaissez !! cracha avec colère leur supérieur. Hors de ma vue !

Les deux agents obtempérèrent sans se faire prier.


Une fois dans l'ascenseur, tandis que la porte se refermait sur le courroux de leur patron, discrètement, les complices échangèrent un regard connivent.

  – Vous n'avez rien de prévu, ce soir, Werther ? demanda le plus grand.
  – Non Colonel, pourquoi ? répondit le plus petit.
  – On a repéré un nid goules dans le Nebraska.

  – Le Nebraska... fit Werther, soudain intéressé. Avec un bon hélicoptère, on peut y être avant le lever du soleil !



Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant