Les Funérailles

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2012
Washington DC

La procession funèbre avançait en silence sous le ciel couvert de nuages. Régulièrement, depuis le matin, une petite bruine arrosait le paysage, encore que ce ne fût pas le cas à ce moment précis. C'est donc sous un ciel temporairement clément que la petite escorte pénétra dans le cimetière.

C'était un de ces cimetières immenses en banlieue d'une grande ville américaine. Des tombes marquées de croix blanches s'échelonnaient à perte de vue, sur une plaine régulièrement vallonnée, boisée de manière éparse, sillonnée d'allées parfaitement entretenues.

Six hommes en uniforme portaient le cercueil, suivis par le prêtre et la famille du défunt. Ensuite venaient les proches, les relations, puis la foule imposante des connaissances plus éloignées, silencieuse, elle-même suivie d'un public hétéroclite. Tout en fin de groupe se trouvait une camionnette de télévision mobile.

Dans le cimetière, nombre de vigiles veillaient au grain. Postés dans les moindres recoins, droits, solennels, arme à la ceinture, écouteur à l'oreille, leur présence indiquait qu'il s'agissait d'un événement placé sous haute surveillance, eu égard à la personnalité très particulière du défunt.

Avec solennité, la procession emmena le cercueil vers sa destination finale. Le prêtre récita l'oraison funèbre. Des paroles et des fleurs furent jetées dans le trou ouvert à leurs pieds. Les visages restaient inexpressifs, les yeux aussi ternes que le ciel. Il ne recelaient d'aucune tristesse, plutôt du recueillement.

Après le sermon, vint le moment d'ensevelir le cercueil...

A ce moment, subitement, la cérémonie se figea.


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Arrêt sur image.

Sur l'écran géant où la scène était projetée, la procession entière se retrouva immobilisée.

Une jeune femme en uniforme militaire vint se placer devant l'écran diffusant cet enterrement. La trentaine, un regard neutre, une blondeur presque dissimulée par des cheveux ras. On comprenait en la regardant qu'elle avait dû arracher sa fonction à une rude concurrence, dans un domaine traditionnellement réservé aux hommes.

Avec son faisceau laser, le Sergent Faye Jennings désigna les personnes les plus proches du prêtre, sur l'image suspendue. Elle était aussi concentrée que l'on pouvait l'être dans une situation d'urgence comme celle qui les amenait en ce lieu.

   – Au premier plan, vous pouvez distinguer la famille du défunt Chandrasekhar, expliqua-t-elle. La milliardaire Myrande Barnum, son ex-épouse, accompagnée de ses trois neveux. De l'autre côté, dans la chaise roulante, il s'agit du frère infirme de Chandrasekhar, Gordo Vingam, et juste à sa gauche, Carrie, la fille du défunt.

La jeune femme qui venait d'effectuer cette présentation se trouvait dans une salle de conférence vitrée. Des écrans clignotaient de part et d'autre de la salle, mais des stores tirés empêchaient de distinguer exactement ce qui se passait au dehors.

Face à elle, quatre individus constituaient le noyau de l'unité très spéciale dépêchée pour résoudre l'épineuse affaire de la mort de Chandrasekhar.

Le premier des quatre, Jeffrey Barnes, était un des meilleurs informaticiens du pays, un jeune homme anxieux, au teint pâle, de ce genre de teint qui ne voit pas souvent la lumière du jour. Il officiait avec beaucoup de concentration derrière ses multiples écrans d'ordinateur.

Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant