Les Chasseurs

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2012 - USA - Virginie Occidentale

Jour 8

La Chevrolet se gara avec lenteur dans l'allée menant à la ferme des Bronson, entre les arbres, ses phares éteints en dépit de l'obscurité. Il était passé minuit, et ses occupants ne voulaient pas être repérés.

Le moteur s'éteignit. A l'intérieur du véhicule, deux jeunes gens riaient en sourdine, complices. Ils échangeaient des caresses et des baisers avec excitation.

  – Il faut que j'y aille, dit une jeune fille en s'arrachant à l'étreinte de son compagnon. Ils ont dit pas après minuit !
  – Attends... protesta le garçon. Tes vieux dorment devant la télé... ils vont même pas se rendre compte !
  – Justement, s'ils dorment, je pourrai dire que je suis rentrée plus tôt.

La jeune fille embrassa son partenaire avec sensualité, puis ressortit vite du véhicule avant qu'il ne la retienne.

  – A demain ! lui souffla-t-elle depuis la vitre entrouverte.

  – Je vais attendre ici, répondit le garçon, dépité. Toute la nuit !

Elle prit le chemin de la ferme familiale en réajustant et reboutonnant sa chemise. Tandis qu'en arrière, la Chevrolet ne donnait pas l'impression de s'en aller. Elle haussa les épaules en songeant que le garçon finirait bien par se lasser !

Malgré l'heure tardive et la météo pluvieuse, la ferme était ouverte aux quatre vents. La porte d'entrée et plusieurs fenêtres étaient restées béantes. Des lumières brillaient un peu partout : la cuisine, le perron, à l'étage ; et du salon, provenaient les lueurs clignotantes de la télévision, accompagnées par la voix bruyante d'un commentateur de courses automobiles.

La jeune fille se glissa par la porte grande ouverte et pénétra discrètement dans la bâtisse. Ne repérant aucun mouvement, elle se faufila en direction des escaliers menant à l'étage, en jetant un œil au passage vers le salon. Les silhouettes de ses parents étaient avachies sur le canapé. Elle poussa un soupir de soulagement en constatant qu'ils ne l'avaient pas vue.

Elle grimpa aussi furtivement que possible les marches d'escaliers. C'est arrivée en haut qu'elle comprit. A nouveau, toutes les portes et les lumières étaient ouvertes, ce qui n'était pas normal. Et des espèces de halètements lugubres provenaient de sa chambre... comme ceux d'un animal.

  – Miki ? fit-elle, en appelant son chien.

La jeune fille s'arrêta sur le pas de sa porte. Ce n'était pas Miki... plus exactement, ce n'était plus Miki ! Le corps du chien avait été traîné sur plusieurs mètres en laissant des traces de sang sur le plancher. Une chose, quelque chose, se trouvait juste au-dessus de l'animal, en train de le dévorer...

La vision d'horreur qui saisit la jeune fille fut telle qu'aucun son ne sortit de sa bouche. Elle mit la main sur ses lèvres et s'enfuit dans les escaliers en se retenant difficilement de hurler. Ses muscles réagissaient sans elle. Elle descendit quatre à quatre et manqua de tomber en bas des marches, tenant à peine sur ses jambes. Dans le salon, par la porte entrouverte, en dépit de sa frayeur, elle ne put s'empêcher de regarder la scène qui s'offrait à elle.

Elle se vit alors confirmer ce qui était arrivé à ses parents. Ils n'étaient pas avachis, ils nageaient dans une mare de sang, dont le rouge rubicond allait jusqu'à éclabousser l'écran de télévision. En montant, elle était trop préoccupée par sa discrétion pour le voir.

A cette découverte, la jeune fille hurla à transpercer les murs et se lança à corps perdu en dehors de la maison. C'est cette chose, quelle qu'elle soit, qu'elle avait vu là-haut, en train de dévorer son pauvre chien, que son corps fuyait, quand bien même sa raison ne lui appartenait plus.

Milan Lazsco : La Ruche - Wattys 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant