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Durant le trajet, l'équipe au complet demeure sans mots, ce qui plonge l'atmosphère dans un profond silence perturbant. Nous ne nous sommes pas encore communiqué nos informations récoltées, estimant plus judicieux de patienter jusqu'à ce que nous soyons hors de portée d'oreilles indiscrètes. J'aurais apprécié que Kazaki lance une blague, que Tetsuo et Yuzuru démarrent une dispute ou que Izumi raconte ses histoires à propos de Nozomi pour détendre l'ambiance mais personne n'y remédie. Je ne suis probablement pas la meilleure personne pour mettre fin à un malaise alors je ferais mieux de me taire. Malgré tout, je tourne la tête vers Kazaki qui est installé derrière moi, espérant qu'il comprenne ce que je souhaite. Malheureusement, son regard ne croise même pas le mien, il est plutôt affairé à observer le paysage par le biais de la fenêtre. J'abandonne donc l'idée de nous tirer de cette gêne, réfléchissant au fait que peut-être suis-je la seule à penser ainsi. Après tout, il est fort probable que chacun préfère laisser son esprit vagabonder dans ses pensées. J'appuie ma tête contre la vitre, sentant les vibrations se répercuter dans mon corps et commence à songer à une toute autre chose.

Une question me tourmente depuis quelques temps et je me permets enfin de me la poser sérieusement et de chercher une réponse. Suis-je quelqu'un de bien ? Une partie de moi a toujours voulu croire que oui mais en réalité... qu'est-ce que quelqu'un de bien ? On a tous une différente façon de voir cela, je ne suis certainement pas une bonne personne pour tout le monde. En fait, on est considérés comme des gens bien lorsque ça fait l'affaire d'autrui. Et lorsque quelqu'un fait quelque chose qui nous déplaît, on le considère immédiatement comme une mauvaise personne. En y repensant... j'ai fait plein de trucs qui sont mal. Toutes les fois où j'ai été égoïste, toutes les fois où je me suis sentie meilleure alors qu'en fait, c'était tout le contraire. Je m'en veux d'avoir cru que j'étais quelqu'un de spécial alors qu'en fait, je n'étais qu'une fille banale comme les autres. Je ne suis pas un prodige, comme les citoyens le prétendent. Je me suis comportée en vrai garce la première fois que j'ai parlé à Kazaki. D'accord, c'était sous l'effet de la pression mais ce n'est pas une justification. Je l'ai insulté plusieurs fois de suite alors qu'il essayait seulement d'aider ou de comprendre. Mais je sais que j'ai appris qu'on est tous différents et que pas une personne va réagir pareil comme une autre. Certains cachent leurs émotions, d'autres les montrent. Partager nos sentiments ne fait pas nécessairement de nous quelqu'un de peureux. Je ressentais exactement la même chose que Kazaki, je le cachais simplement. Je n'étais pas meilleure que lui.

Pourtant, il ne m'en a jamais tenu rigueur. Kazaki ne m'a jamais reproché mon comportement de prétentieuse lors des épreuves de sélection. Peut-être cela ne l'a-t-il pas marqué, peut-être qu'il a oublié. Peut-être m'a-t-il tout aussi bien pardonnée pour les erreurs que j'ai commise. Je ne sais pas comment il fait pour être si aimable, jamais je n'aurais accepté si facilement qu'on me prenne de haut, j'en ai horreur. Toutefois, lui, il a accueilli mes critiques sans broncher. Je devrais lui demander comment il fait. Peut-être est-ce que je me soucie trop de l'opinion des autres, ce qui explique mes réactions parfois un peu trop excessives.

Le manoir se dessine à l'horizon et je comprends que ce n'est pas le moment de rêvasser ou de se remettre en question. Personne n'est parfait, voilà la conclusion de ce sujet. Je bondis hors du véhicule en atterrissant sur la terre ferme, sur l'herbe séchée parsemée de quelques feuilles qui sont tombées des arbres rabougris. Kenzo sort de la voiture, s'appuyant sur Ayana, avec bien de misère à mettre un pied devant l'autre. On est passés le chercher à l'hôpital en revenant. Ça ne m'étonnerait pas qu'il se précipite dans son lit dès qu'il aura franchit le seuil de la grande maison. Son visage est bien plus pâle que d'habitude et il semble complètement affaibli, n'esquissant plus le moindre sourire. Il a besoin de reprendre des forces, je ne supporterai pas longtemps de voir ce visage inexpressif qui le rend méconnaissable.

Ligue 09Où les histoires vivent. Découvrez maintenant