Chapitre 4

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Je ne sais pas du tout comment m'habiller. J'aimerais pouvoir dire que j'ai une garde-robe comme dans les films, où tous mes fringues auraient besoin d'une pièce individuelle tellement il y en a : mais ça serait un gros mensonge. J'ai à peine trois pantalons, dix tee-shirt qui se battent en duel et quelques robes. Ça s'arrête là.

Donc, quand je sais que je vais sortir avec le magnifique Isaac Carter, mon cerveau est au bord du précipice. Je ne vais jamais lui plaire, il va me trouver affreuse, il va me juger, il va me critiquer, me détester, me haïr...

Je suis seule dans ma chambre, chez mes parents. J'ai quitté Toulouse ce matin et je regrette. Pas Toulouse, non, mais Luna. J'aurais bien besoin d'un petit coup de sa bonne humeur pour me sortir de ma détresse.

J'ai envoyé un message à Isaac cette nuit, comme convenu, une fois que j'étais rentrée. Si je m'attendais à quelques choses de particulier en réponse, j'ai été bien déçu.

Isaac : OK.

Un « ok ». Si oralement le « ok » n'est pas vraiment douloureux, à l'écrit c'est pire qu'un coup de poing dans le ventre. J'aurais préféré qu'il ne réponde pas, parce qu'au moins, je n'aurais pas eu l'impression d'avoir fait quelque chose de mal. J'aurais pu me rassurer en me disant qu'il ne l'avait pas reçu ou pas lu. Mais là : je sais qu'il l'a reçu, je sais qu'il l'a lu et le pire : je sais que ce qu'il pense de moi c'est un « ok ». Un simple « OK ». La gifle est trop puissante.

Luna et Alix ont vraiment essayé de me remonter le moral, mais malheureusement : une fois que l'idée est entrée dans ma tête, il me faut beaucoup de temps pour la faire décamper. Si bien que j'ai quitté Toulouse à la fois pour revoir ma famille et reprendre mon souffle, mais aussi pour mettre un peu de distance entre lui et moi.

C'est pourtant en arrivant dans ma chambre, en vidant mon sac que je me suis rendu compte qu'il m'avait invité à sortir. Mais maintenant, avec son « ok », je ne suis plus sûre de rien. Mais si la sortie tient toujours, comment je suis censée faire ? Je n'ai rien pour sortir, encore moins avec cet homme si classe et si élégant. Ça me donne envie de pleurer.

- Cléo ! Tu peux m'aider avec ma poésie ? Juste, je te la répète et tu me dis si j'ai commis une faute.

Être une famille nombreuse a de nombreux bons côtés, surtout celui de ne pas avoir le temps d'être seule et de cogiter trop longtemps. Mon petit frère entre en courant dans ma chambre, son livre de poésie dans la main et me le tend.

- Vas-y, je t'écoute.

Ça a le mérite de me faire penser à autre chose pendant plus de vingt minutes. Il récite sa poésie, tentant d'y mettre le ton quand nécessaire et je finis par le laisser filer pour la réciter devant les parents.

Et je replonge dans mes pensées. Pour être honnête, je ne sais pas si j'aurais dû rester à Toulouse ou si j'ai bien fait de rentrer ici. Être proche de ma famille me fait aussi du bien, parce que je rattrape un peu mon année loin d'eux. Donc, j'aime bien quand ils viennent me voir pour parler de poésie, de dessin, de basket, de ci et de ça. Ça me donne l'impression que je ne suis jamais partie et que je n'ai pas raté un an de leur vie. Être la grande sœur peut être aussi compliqué émotionnellement.

Je suis la seconde. Romy est l'ainée, vingt-cinq ans, toujours à l'autre bout du monde. Quand je me compare à elle, je me dis que mon année au Japon n'est franchement rien. Elle est partie six mois faire le tour de l'Asie, puis encore six mois en Amérique latine, avant d'emménager encore six mois au Mexique et enfin, partir trois mois en Hongrie. Surtout qu'elle est actuellement à Aix-en-Provence depuis deux ans.

Ellie est la troisième, elle a dix-sept ans. Malgré son caractère tout feu, tout flamme, elle reste une vraie âme sensible et je suis bien souvent obligée de lui parler avec des pincettes pour ne pas la voir monter dans l'excès et vouloir frapper et insulter le monde entier. Au moins, une chose est sûre : elle est passionnelle. C'est son côté bélier.

K.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant