Chapitre 15

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Je ne sais pas trop si j'aurais dû faire ça. En réalité, c'était à peine deux inspirations, seulement deux, voire trois, peut-être. Mais c'est tellement rare que j'ai ressenti chaque effet très rapidement. J'ai commencé à rire pour rien, à être au ralenti, à comprendre les choses à la dernière minute, à cogiter énormément... En gros, je suis défoncée.

C'est vraiment rare que je fume, peut-être une fois par an et encore. Mais je ne sais pas pourquoi, à mon réveil, quand j'ai vu Luna et Alix en train de fumer devant une série, je me suis dit pourquoi pas. À force de penser à Isaac, j'ai passé une horrible nuit à me tourner et me retourner sans arrêt. Je suis quelqu'un d'insomniaque depuis des années, et je ne suis jamais vraiment à l'aise avec mon sommeil. Pourtant, j'étais épuisée : après ma soirée d'anniversaire, le ménage, les révélations... Tout a été éprouvant et je ne rêvais que d'enfin m'allonger et dormir. Mais une fois dans le lit, mon cerveau se réveille et commence à me faire penser à des milliers de choses. Pendant près de deux heures, je fixais le plafond, les yeux mi-clos, la tête en vrac.

Alors quand j'ai vu ici une possibilité de me détendre, je n'ai pas vraiment hésité. Normalement, je suis davantage responsable, je ne fume pas n'importe quand, je ne bois qu'en soirée organisée, je ne conduis jamais si je suis trop fatiguée ou sous un effet de la drogue ou de l'alcool, mais j'ai remarqué que depuis ma rencontre avec Isaac, je lâchais prise. Ça ne fait que quelques semaines, c'est vrai et je le sais, mais je sens quelque chose en moi qui se libère petit-à-petit. À trop vouloir être toujours parfaite, à trop me cacher derrière cette rigidité et cette façon de toujours tout pouvoir faire... Je suis épuisée.

Avec Isaac, j'ai l'impression que c'est lui qui m'apaise. Il m'empêche de cogiter, il me pose, me calme, me rassure. J'espère lui renvoyer autant qu'il me donne, parce que je lui en suis vraiment reconnaissante. J'ai passé ma vie entière à toujours afficher un caractère pragmatique, sévère, sec, dur... Alors que lorsqu'on apprend à me connaître, je suis tout le contraire. Je ne sais pas exactement pourquoi j'ai toujours agit ainsi, peut-être à cause d'un de ces fameux traumatismes infantiles, ou quelque chose comme ça. Honnêtement, je n'ai rien à plaindre à mon enfance, alors disons que c'est autre chose.

Quand je pense que je suis complètement défoncée un dimanche matin, ça m'amuse. Au pire, c'est toujours le weekend, je peux encore faire des excès ! Maintenant, j'ai vingt-trois ans, je suis majeure et vaccinée, je peux faire ce que je veux. Bon, fumer de la drogue est illégal, mais je ne dérange personne !

Calée dans le canapé, devant un épisode de Modern Family, je ne peux pas m'empêcher de rire toutes les deux minutes. Les filles ne connaissaient pas cette série et je viens tout juste de la découvrir aussi. J'ai grandi avec Friends et Desperate Housewives, donc je n'ai jamais vraiment connu d'autre série. Mais Modern Family est devenue une des séries que j'adore regarder quand j'ai besoin de rire.

- Vous voulez faire quoi aujourd'hui ?

- On est dimanche, c'est maison toute la journée.

- Bon planning, j'approuve.

Replongeant dans la série, je sens mon cerveau se déconnecter. L'odeur de la drogue continue de se répandre dans le salon et je sens leurs effets amplifier dans mon corps. Mes yeux s'alourdissent, j'ai un sourire plaqué sur les lèvres et je sens mon cœur battre dans chacune de mes articulations.

- Vous avez faim ?

- Grave.

- Qui fais à manger ?

- Pas moi !

- Pas moi !

- Pas moi !

- Bon. On ne mangera pas, du coup.

K.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant