Chapitre 1

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Je suis toute excitée. Aujourd'hui, j'ai la chance de m'entretenir avec un grand journaliste connu dans la France entière autant pour ses frasques délirantes que pour ses idées lumineuses. Monsieur Doteli est un grand homme dans le monde de la culture, mais aussi de la politique, ce qui le rend d'autant plus inaccessible. Depuis que j'ai été engagé en tant que directrice commerciale de cette maison d'édition, je n'ai jamais été aussi épanouie.

Le journal dont monsieur Doteli occupe la place centrale a été au cœur de nombreux commérages ces dernières semaines, avec des paroles assez violentes pour la plupart. Ce qui le rendait encore moins approchable que d'ordinaire, alors qu'il est déjà quasi impossible de le rencontrer. Mais grâce à de nombreuses tentatives, j'ai réussi à avoir un entretien avec cet homme si talentueux.

C'est une grande opportunité pour la maison d'édition dans laquelle je suis. Jeune, nouvelle et encore méconnue du public, il serait temps que nous puissions nous faire connaître, surtout avec les incroyables manuscrits que nous publions chaque année. Je n'y travaille officiellement que depuis dix mois, dès juillet à la fin de mon master, mais c'est ici que j'ai passé mes stages durant mes deux années d'études, ce qui m'a permis de me faire connaître et surtout de découvrir pleinement cet univers qui semble être mien.

La maison n'a que trois ans de vie, ce qui me donne presque l'impression de l'avoir vu naître étant arrivé à peine un an après sa création. Si, au début, je n'étais là que pour être de la main d'œuvre gratuite, dixit mon patron, j'ai finalement réussi à rentrer dans son petit cœur et à me faire une place dans la société, ce qui m'a surtout permis de monter très rapidement dans la hiérarchie, passant en moins d'un mois de responsable commerciale à directrice. Pour être honnête, je pense que c'était la facilité : je connaissais le travail en ayant été stagiaire, alors il n'a pas fallu beaucoup d'hésitation pour ma hiérarchie. Le choix était plutôt cohérent.

Avec étonnement, après mes nombreux mails et tentatives de communication avec monsieur Doteli, j'ai été mise en relation avec sa secrétaire. Pas le directeur de notre pôle, l'attaché de presse ou le responsable promotionnel, non, moi. Il a demandé personnellement à rencontrer l'hystérique qui a tant demandé à le rencontrer. Je ne vais pas me vexer, j'avoue avoir été très passionnelle sur ce coup-là et ne regrette rien du tout. Surtout lorsque je vois l'aiguille continuer de tourner pour me rapprocher toujours davantage de l'heure du rendez-vous.

— Edna ! T'as les objectifs pour la réunion de demain ?

— Arrête de m'appeler comme ça, marmonné-je.

Greg rentre dans mon bureau sans frapper, un paquet de dossiers dans les bras et un crayon coincé derrière l'oreille. Il n'a pas l'air gêné de me déranger ou de s'inviter sans autorisation dans mon intimité professionnelle, pas le moins du monde, en réalité. Il prend ses aises, en posant sa fesse droite sur mon bureau.

— Alors, pas trop nerveuse ?

— Frapper à la porte, ça s'apprend en maternelle, Greg.

— On n'en est plus là, tu le sais.

Je grommelle en sortant les feuilles de mon fichier Excel imprimées où sont inscrits les objectifs que j'ai prévus pour les parutions de fin d'année. Je les ai validés ce week-end et suis prête à m'en débarrasser. Alors, je les lui tends en lui lançant un regard mauvais.

Il aura fallu d'une soirée trop arrosée pour que notre belle amitié se transforme en une sorte de relation gênante et envahissante. Ce qui est vraiment dommage, parce que je me suis toujours très bien entendu avec lui. Mais depuis qu'il m'a vu sans petite culotte, il est devenu très collant et moi... J'ai perdu l'envie de l'approcher.

K.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant