Chapitre 2

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Le cœur battant, je regarde l'horloge pour voir que dix-huit heures à sonner depuis cinq minutes déjà, mais que je suis toujours sur la présentation que je montre demain et je n'ai pas l'impression de pouvoir terminer maintenant. Mais mon cerveau ne peut pas se permettre de le mettre à plus tard, parce que je dois tout revoir avant demain matin, dix-heures, où je serais devant les représentants. Je dois modifier, rentrer les objectifs, vérifier que toutes les informations sont bonnes... Et l'envoyer à Adélaïde quand je l'ai terminé, pour qu'elle vérifie une dernière fois. En clair, je ne suis pas près de quitter mon bureau.

Sans pouvoir m'en empêcher, je pense à Isaac et à sa potentielle présence dans le hall. L'idée qu'il puisse être là fait battre mon cœur à mille à l'heure et me donne envie de courir le rejoindre. Mais j'ai réalisé et compris l'importance d'un travail qu'on aime depuis que je suis ici. Je comprends enfin ce qu'il ressentait pendant tout ce temps, à chaque fois que je lui faisais ressentir l'animosité que j'éprouvais contre son emploi. Et je regrette tellement.

Personne ne pourra me faire abandonner mon emploi ou mes fonctions, parce que je sais que beaucoup de gens comptent sur moi, mais aussi et surtout parce que j'aime tellement ce que je fais, que je me sens accomplie en faisant tout ça, que jamais je ne pourrais le laisser de côté pour quoi que ce soit. J'aime cette chance que j'ai d'avoir un emploi qui me comble.

Pourtant, malgré ça, l'image d'Isaac patientant sans moi me brise le cœur et je ne peux pas attendre plus longtemps. J'attrape mon casque et appelle la réception de l'immeuble. Je veux pouvoir le prévenir de mon absence. Même s'il est surtout possible qu'il ne soit même plus là.

Trois ans se sont écoulés depuis notre rupture, en sachant que notre relation n'aura pas été assez longue pour pouvoir prétendre que j'ai pu compter à ce point pour lui, assez en tout cas pour tout mettre en pause et me rejoindre parce que j'ai eu l'audace de lui dire l'heure à laquelle je terminais.

Même si l'amour que j'ai ressenti pour lui m'a transcendé, j'ai eu l'impression de ne jamais avoir aimé comme je l'ai aimé, ni même comme j'ai pu aimer après lui, je ne peux pas savoir si c'était réciproque. Je n'ai aucune certitude. Pourtant, quand mon interlocuteur décroche, j'ai un mince espoir. Après m'être présenté et avoir donné mon nom et mon étage, le second hôte de l'immeuble devient aussitôt plus agréable avec moi. Il me reconnaît sûrement, parce que ces derniers temps, je reste souvent tard et je le croise assez régulièrement.

— Je voulais simplement savoir s'il y avait un homme dans le hall.

— Oui, madame, il y a bien un homme qui est arrivé il y a une demi-heure.

— Grand, brun, sûrement en costume ?

— Oui, madame, exactement.

Un sentiment de soulagement m'envahit en réalisant qu'il est bien là, au même moment où une pointe de remords s'infiltre en moi.

— Pourriez-vous lui demander de venir au téléphone, s'il vous plaît ? J'aimerais lui dire deux mots.

— Bien sûr, madame.

Quelques secondes plus tard, après des bruissements et des phrases étouffés, je finis enfin par entendre un souffle dans le casque.

— Isaac ?

— Bonsoir.

Sa voix me fait tourner de l'œil et je sens absolument tout mon corps se mettre à brûler. Tous mes muscles se réveillent et je pince les lèvres pour éviter de faire sortir un bruit qui pourrait être gênant pour moi.

— Je suis désolée, finis-je par murmurer. Je suis sur une présentation que je dois montrer demain matin et que je dois finir ce soir. Je ne pense pas la finir rapidement, je ne veux surtout pas que tu attendes pour rien. Je suis vraiment désolée, je ne pensais pas que ça serait si long.

K.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant