Nations

Chapitre 59 : Le Codex

Ritak tremblait de nervosité.

Assis sur la couche de la chambre qui leur avait été assignée au Bastion de la Lumière, il fixait ses deux compagnons.

Arktus, le mort-vivant, demeurait aussi taciturne que d'ordinaire. Les yeux dans le vague, sa posture d'attente ne présentait aucun signe d'agacement ou d'agitation. L'Akali se demandait ce qu'il avait dans la tête.

Kahziik, le Zaar, de son côté, ne montrait que de l'impatience. Il avait hâte de passer à l'action. Il n'arrêtait pas de se lécher les babines, montrant ses crocs acérés. Tic dont il ne souffrait que rarement, il lissait son pelage de nacre de ses griffes ambrées à l'aide d'amples mouvements.

"Quand est-ce qu'on y va ?" interrogea le traqueur temporel, d'humeur orageuse. "Je t'ai dit que je ne pourrai pas remonter très loin. Si on attend trop, on va se faire repérer."

"Il fallait bien qu'on s'entraîne !" rétorqua le démon, agacé. "Notre coordination doit être impeccable. Et j'ai prévenu la garde pour qu'on nous conduise, mais ils mettent un temps fou à revenir..."

"On n'a qu'à y aller seuls !" lança Kahziik.

"Ce serait signer notre arrêt de mort." refusa Arktus, tandis que Ritak l'approuvait.

Le Zaar fulmina, et reprit son attente fébrile, adossé au mur.

Ritak espérait que son instabilité mentale ne les mène pas tous au désastre. Il était puissant, mais seul un travail d'équipe parfait aura une chance de faire fonctionner leur plan. Il avait confiance en Arktus. Peut-être à tort. Mais l'imprévisibilité de Kahziik l'inquiétait. Il ne savait pas s'il pouvait compter sur lui.

Il avait appris au cours de l'entraînement que le flegme apparent du mort-vivant cachait une détermination sans faille. Il ne connaissait pas Arktus, mais sa motivation ne faisait aucun doute. Il avait été un humain avant d'être réanimé, et il avait parcouru les couloirs du Bastion quand il était encore en vie. Ritak ne connaissait que ce détail, mais Arktus lui avait appris qu'il en avait tiré un ressentiment intense pour la Nation de la Lumière.

Kahziik, lui, méprisait les humains. Il les voyait comme un garde-manger et non comme une menace. Mais il les sous-estimait sans doute un peu trop. Et pourtant... La lueur écarlate qui dormait dans les yeux du Zaar lui faisait froid dans le dos, même s'il savait que sa fureur ne lui était pas destinée. Il vivait pour tuer.

Sauf que massacrer les paladins qui allaient les accompagner n'était pas une option. Ils étaient en mission d'infiltration, et non de conquête. A vrai dire, à trois contre un pays entier, quoiqu'en pensait Kahziik, ils ne pourraient pas faire grand-chose.

"Ca ne serait que la deuxième fois, pour toi, après tout." ricana le Zaar en visant le mort-vivant.

Arktus réagit en levant le menton, dédaigneux.

"Je ne me souviens pas t'avoir autorisé à plaisanter sur mon trépas."

"Je me passe de tes autorisations !"

Arktus s'était chargé en énergie nécrotique, et l'atmosphère se plomba soudainement. Sa main décharnée se referma sur la faux accrochée dans son dos.

"On se calme !" intervint Ritak, désespéré. "Je vous rappelle qu'on est sensés collaborer."

"Alors, qu'il ne m'insulte plus." déclara Arktus, qui avait retrouvé son ton placide.

"Vous avez beaucoup moins de considération pour le respect qui m'est dû, en me forçant à des manœuvres d'Azeloks... Vous savez que je peux être banni de la Griffe, pour ce genre d'abominations."