Nations

Chapitre 64 : Quatre jours

Raluka enlaçait le cou de son cheval de robe alezane, comme pour se cacher derrière. Elle chevauchait derrière Ni'Pteh, qui se tenait droite, le regard fixé vers l'horizon. Sa détermination dissimulait une sorte de... Tristesse ? Mais la tristesse était déjà cachée par la colère.

La Rêveuse n'aurait su le dire avec certitude. Et elle n'avait pas envie d'entamer une conversation avec sa partenaire pour savoir si elle voyait juste, étant donné la façon dont la dernière s'était terminé. Elle avait du mal à comprendre l'In'Helor, et le fait que ses pouvoirs étaient atténués sur elle ne l'aidaient pas. Elle avait simplement essayé d'être sympathique, mais Raluka avait l'impression d'énerver Ni'Pteh à chaque fois qu'elle lui parlait.

Pas à chaque fois, se reprit-elle, mais trop souvent à son goût.

Elle voulait simplement... Simplement la comprendre ! Mais la prêtresse s'obstinait à lui répéter qu'elle ne pourrait pas comprendre. Pourquoi était-ce si dur de communiquer avec elle ?

Le bruit du trot régulier des montures l'aidait à se concentrer. Peut-être pourrait-elle... Creuser ses sentiments plus profondément avec...

"Tu peux me parler, tu sais ?" fit Ni'Pteh, d'un ton calme.

"Je..." commença Raluka, confuse.

"Je ne suis pas une Rêveuse, mais je peux sentir ton flux magique, et l'Helor me chuchote que l'on va bientôt entrer dans une autre conversation." révéla t-elle, amusée.

"J'ai juste... J'ai juste envie de te comprendre." avoua Raluka. "Je sais que je ne partage pas ta foi, mais j'ai l'impression que rien de ce que je dis ne te touche, et..."

Un léger mouvement de tête de Ni'Pteh la fit se corriger en urgence :

"Pas rien ! Pas rien, mais parfois je te trouve un peu... Fermée. J'ai l'impression de ne pas pouvoir te convaincre."

La déclaration de Raluka déclencha une courte réflexion chez Ni'Peh, mais sa réponse était en vérité déjà prête au début de la conversation :

"Le doute est une faiblesse que je ne peux pas me permettre. Que je ne peux plus me permettre..." 

Elle se retourna en arrière, la tête dégagée de son châle. Raluka déglutit : Ni'Pteh ne montrait son visage qu'en de rares occasions, et à chaque fois c'était pour lui dire quelque chose d'important.

"Tu veux savoir ma faiblesse, Raluka ? Oui, j'ai déjà douté. Oui, ma foi a été faible devant mon empathie, devant mes inquiétudes, devant mes envies. A chaque fois que ça a été le cas, à chaque fois, tu m'entends bien ? Cela a résulté en une catastrophe. Je ne veux pas penser que mon dieu me punit, alors je me dois de penser qu'il m'encourage à emprunter la bonne route. Et c'est ce que j'ai choisi de faire. C'est ce que je vais faire jusqu'à la fin de mes jours. Ma foi ne faiblira plus. Parce que j'en ai décidé ainsi."

Sur ces mots, Ni'Pteh se retourna, et fixa à nouveau son regard sur l'horizon, sur l'objectif de leur voyage.

"Merci." entendit-elle dans son dos.

La voix timide reprit :

"Merci, je comprends, je crois."

Une impression de douce sérénité l'envahit alors, tandis qu'une curieuse lueur violacée brillait derrière la grande colline qui lui faisait face. Elle devina avant de voir ce dont il s'agissait.

Quelques minutes plus tard, son instinct fut confirmé quand le dénivelé révéla petit à petit ce qu'il cachait à la faveur de l'horizon.

Raluka s'était approchée pour observer avec elle cette singularité magique.